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De Paris-Pantruche

De Paris-Pantruche

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Depuis que j'habite en ruralité, on me rappelle sans cesse que je suis un Parigot « tête de veau » car les Parisiens sont prétentieux, les Parisiens sont méchants, les Parisiens sont vantards, les Parisiens sont insolents et leur ville est toujours une ville de perdition, une ville d'immoralité, une Babylone du péché. C'est la ville du « plug anal » que, si ça se trouve, j'approuve ! Par conséquent il est possible que je brûle en enfer. Comme si l'épate-bourgeois et les « serreurs de fesses » effarés face à la modernité étaient des nouveautés en 2025 ?

Est-ce que c'est ma faute si je suis de Paris-Pantruche, où « il est de bon ton de dire son fait aux bourgeois, de ridiculiser le balourd, le fat ou le prétentieux et de rabattre son caquet aux beaux parleurs », selon la formule de Léon Daudet dans ses « Souvenirs littéraires », bourgeois qui prétendent dicter au peuple sa conduite morale et politique ? Qu'ils soient bohèmes ou purotins, ça revient finalement au même.

Je suis de cette « classe dangereuse » qui vient de la butte Montmartre où a commencé la dernière vraie révolution parisienne en 1871, celle de « la Commune ». Un de mes ancêtres a même son nom sur le mur des fédérés. Et bien que d'une longue lignée « d'anars de droite », on apprend tôt aux enfants à mépriser les beaux messieurs « qui se donnent des airs ». Et Dieu sait combien je les méprise. Et Dieu sait combien je ressens du dégoût face à tous ces porteurs de vérité.

Il paraît qu'à Paris on accueille mal, on se sent jugés, jaugés, et ridicules, les Parisiens sont toujours méchants avec les « rosières » et les « rosiers » de Madame Husson, qu'ils viennent ou non de la province, là où l'on serait plus authentique, plus « lothentique », comme le dit Ugolin dans « L'eau des collines » de Pagnol. C'est bien connu, les Parisiens se moquent des « genssimples » sans cesse. Paris, selon le lieu commun traditionnel : « J'aimerais bien visiter, mais je ne pourrais pas y habiter. » Je suis d'ailleurs toujours surpris que ce genre de considération ait encore cours en 2025.

Ceux qui ont peur d'être jugés sont surtout complexés et ont honte de ce qu'ils sont, ont besoin de validation sociale qu'ils recherchent constamment par les réseaux dits sociaux.

« Genssimples » : c'est toujours comme ça que se désignent les ignares, les mauvais élèves pour se justifier de ne pas être très malins. Ils ne sont pas très intelligents, ils ne sont pas très instruits, ils n'ont pas fait d'études poussées, mais attention, eux au moins ils sont simples, voire simplets ? Comme si l'instruction ou la culture étaient des symptômes de complexité morale et/ou humaine.

On oublie toujours en ruralité que les Parisiens sont d'ailleurs tous d'anciens ruraux qui sont venus en masse dès l'exode rural, faisant suite à la Révolution industrielle. À chaque arrondissement son origine régionale (lire Claude Dubois à ce sujet) : les Bretons à Bastille, les Auvergnats un peu partout, etc.

Tous péquenots les parigots ? Les « bobos » actuels et les bien-pensants de l'autre bord ne sont finalement que des rustres « parvenus » qui singent les manières aristocratiques bien mal.

On oublie vite que dans de nombreux arrondissements, dans chaque cour d'immeuble, on cultivait un potager. Paul Léautaud en parle souvent dans son journal, les pseudo « écolos » n'ont rien inventé. Et que Paris jusque dans les années 40 sentait le crottin. Et que pour améliorer l'ordinaire on élevait parfois des lapins et autres bêtes à la chair savoureuse. Les partisans de la maire actuelle redécouvrent en quelque sorte l'eau tiède, et s'approprient des plaisirs populaires en les dérobant aux petites gens en quelque sorte.

Dans certains endroits de la capitale, on vend maintenant du pâté de tête dans des écrins dignes d'un bijoutier et l'on y trouve du camembert vendu à prix d'or « revisité » avec un peu de truffe…

Vanité des vanités toujours….

Dans un autre ordre d'idée, c'est ce qu'ils font avec Doisneau ou Audiard, deux figures tutélaires du vieux Paris que l'on voit figées comme dans ces photos noir et blanc qui sont autant de chromos mièvres. Les petits garçons sages et les petites filles sérieuses croient se donner des airs d'affranchis en citant des dialogues de l'un et en affichant des photos de l'autre dans leur cuisine. Et je ne parle même pas de la « disneysation » de Paris depuis la sortie d'« Amélie Poulain » qui a achevé de ripoliner l'imaginaire autour de la capitale.

Ce que détestaient les bourgeois de toute obédience à Paris, c'est que les milieux sociaux se mélangeaient. Au zinc des bistrots, le rentier buvait son café non loin de prolétaires qui voisinaient avec les travestis qui rentraient du tapin…

On a souvent cru Paris-Pantruche mort, on s'est toujours trompé. La ville lumière vit toujours et conserve des endroits bien cachés, discrets où elle protège son identité. Il faut savoir où regarder, c'est tout.


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