Ce cher Sollers, musicien de la vie
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Ce cher Sollers, musicien de la vie
Ce cher Philippe. Il nous manque lui aussi. Cela fait quelques années maintenant ! Et qui en parle ? Pas grand-monde ! Plus grand-monde ! Mais je ne veux point être déprimant, morne, faiblement pessimiste. Tout n’est pas noir ! Le ciel est encore clair. Au diable les passions tristes ! Il est encore des voix, des âmes, des corps qui aiment Sollers, lisent Sollers. Moi, Pascal Louvrier, Stéphane Barsacq, Rémi Soulié, Yannick Gomez !
Yannick Gomez, compositeur, pianiste, lecteur célinien. Célinien donc sollersien donc pertinent, clairvoyant et dansant. Est-ce suffisant ? Amplement ! Yannick Gomez, l’amoureux charnel, sensuel de la musique, la vraie, la savante ne pouvait que lire, aimer, comprendre, entendre Sollers. De cela, de ce compositeur, de cet écrivain est né ce livre, cet essai, cri d’amour de la musique, de la vie, de la pure liberté d’aller, de voguer, d’être heureux. Il faut être heureux pour lire Sollers. Pour lire Sollers, il ne faut être rien d’autre. Si nous ne le sommes pas, nous pouvons le devenir. Nous pouvons l’être en le lisant. La règle d’or, le lire avec passion.
Le maître mot, la passion. Le maître mot, les tripes. Le maître mot, l’amour. L’amour pur de la musique, de la vie. La vie, l’éclaircie, la divine ironie. Le sens de la vague, le sang de la joie, le centre de tout, nulle part, partout. Le maître mot, la guerre. La guerre du goût, le goût sous toutes ses formes, le goût comme corps, le corps aimé, le corps choyé, le corps déployé. Le corps qui sent, entend, écoute, comprend, rit, jouit. Le corps dans l’eau, l’eau, très important chez Sollers, le Vénitien de Bordeaux. L’eau contre la terre, la vie contre la mort, la pesanteur, le brouillard, la propagande.
Yannick Gomez sait cela, dit cela, l’écrit même. Yannick Gomez comprend Sollers, entend Sollers, interprète Sollers, joue Sollers. Les sudistes sont les meilleurs. Les sudistes jouent et savent cela. « Ah bon ? Vraiment ?! » Mais oui ! C’est le Sud qui gagne. C’est le Sud qui sait, bâtit, vogue. Du Nord au Sud, par l’eau, par le vent, par le verbe, la tranquille paix, loin de tout, au cœur de l’essentiel, au cœur des sens, loin du bruit. Comme Faulkner que Sollers aime. Revenons à Yannick Gomez !
Il écrit bien, il écrit juste, il met dans le mille. Son livre sur Sollers est complet. Il ne manque rien. Il embrasse tout, embrase tout. D’Une curieuse solitude à La deuxième vie. Il ne manque rien, rien ne manque, tout est là ! Il gagne encore. Comme tout sudiste raffiné, gourmand, passionné. Les sudistes gagnent ? Nous gagnons toujours, tout le temps ! La guerre contre le mauvais goût, le spectacle, la morale, la mécanisation du monde, le bruit capté, contrôlé, répandu, comme la bêtise, comme la crasse, comme la publicité, comme tout. Il faut vivre caché, écrire caché. Caché mais observant tel un Céline, tel un Proust, tel un Sollers, tel le Duc, tel notre hôte. Hôte, musicien, écrivain, artiste, Yannick Gomez n’oublie rien, l’écrivain de la mémoire, comme Sollers. La mémoire est capitale, centrale, une respiration. L’on respire chez Sollers, l’on se rappelle, l’on est rappelé. À quoi ? Au verbe, à ce qu’il dit, ce que nous en disons, ce que nous transmettons.
Sollers transmet, Sollers donne tout, donne le goût, le goût de lire. Il est passeur. Le passeur ultime, ultra, amoureux, érudit. Il est une encyclopédie. Elle est mouvante, dansante, savante. Savante musique, musique savante, réelle trinité. Laquelle ? Mais enfin Mozart, Haydn, Bach ! Les trois plus grands, les majestueux, les voluptueux, les essentiels. Philippe Sollers transmet, Yannick Gomez transmet. Transmettre, maître mot, si beau mot. Nous devons beaucoup à Philippe Sollers. Son œuvre n’est point lettre morte. Elle est lettre vivifiée, contre-poison, en mouvement, l’oreille toujours ouverte. Les écrivains-musiciens sont rares. C’est pourquoi ils sont précieux.
Il est là, sous vos yeux, suite à mon texte, deux impératifs, les seuls. Lire Sollers, tout Sollers. Le lire, le voir, l’entendre, l’écouter, le comprendre jusqu’à son rire, très singulier, très important, capital. Lire Sollers, tout Sollers et enfin et surtout, lire, relire même le deuxième livre de Yannick Gomez, Sollers, le musicien de la vie. Pourquoi cela ?! Pourquoi impératif ? Parce que la vraie vie c’est la musique donc la littérature ! Et qu’il est temps en ce siècle, très bruyant, de se tenir là, caché, au centre de tout et de respirer !
Sollers, le musicien de la vie, essai de Yannick Gomez, ed. Nouvelle Marge, 18€



