Déwox : 21 réflexions pour se détoxifier du wokisme
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Déwox : 21 réflexions pour se détoxifier du wokisme
La métaphore médicale affleure dès le titre : Déwox se présente comme un manuel de détoxification intellectuelle, une cure de vingt et un jours pour purger l'esprit des toxines idéologiques du wokisme. Ce choix n'est pas anodin. En empruntant au vocabulaire thérapeutique, Léna Rey installe d'emblée son lecteur dans la posture du patient contaminé, victime inconsciente d'un empoisonnement progressif. Le diagnostic est posé : le wokisme aurait infiltré les sphères éducatives, médiatiques, administratives et même l'intimité de nos vies privées. Le remède ? Une série de réflexions quotidiennes, structurées comme un protocole de soins, pour restaurer ce que l'autrice nomme le "bon sens".
L'une des principales qualités de cet ouvrage réside dans sa fluidité. Contrairement à bien des essais politiques qui s'enlisent dans la lourdeur démonstrative, Déwox adopte un ton vif, ponctué d'humour et d'ironie. Cette accessibilité n'est pas qu'un vernis stylistique : elle participe d'une stratégie éditoriale assumée, celle de toucher un public plus large que les seuls lecteurs d'essais savants. On peut y voir une volonté de démocratisation du débat, mais aussi le risque d'une simplification qui sacrifie parfois la nuance à l'efficacité polémique.
L'autrice excelle dans l'accumulation d'exemples concrets, vérifiables : l'enseignement des théories du genre dès l'âge de trois ans aux États-Unis, l'adoption de l'écriture inclusive dans les administrations françaises, le concept des "villes arc-en-ciel" promouvant l'inclusion LGBTQ+. Ces illustrations donnent corps à son propos et évitent l'écueil de l'abstraction. Léna Rey dévoile également des angles inattendus, comme cette possibilité – évoquée avec une ironie mordante – d'éviter le service militaire en Suisse par un changement de mention de sexe à l'état civil sans justification médicale. Ces détails surprennent et élargissent le spectre du phénomène décrit bien au-delà de ce que le lecteur moyen pourrait imaginer.
La seconde partie structure la "détox" autour de vingt et un mots-clés, un par jour, formant un arsenal argumentatif anti-woke. Ce dispositif pédagogique rappelle les ouvrages de développement personnel, mais détourné ici au service d'un combat idéologique. Chaque chapitre invite à l'action et à la réflexion, depuis l'engagement local jusqu'au boycott de marques jugées trop complaisantes.
Le chapitre Agir appelle à sortir de l'inaction anxiogène en s'engageant dans le tissu associatif ou politique. Amour promeut une liberté sentimentale et sexuelle libérée de l'auto-censure, critiquant un égalitarisme jugé castrant qui conduirait à une baisse des rapports sexuels chez les jeunes. Apocalypse cognitive convoque Gérald Bronner et Michel Desmurget pour dénoncer la captation de notre attention par les écrans. Biologie s'attaque au déni des réalités biologiques, comparant le mouvement body positive aux publicités pro-tabac des années 1950 ou moquant les "Therians" qui s'identifient comme animaux.
D'autres entrées explorent le féminisme (accusé de conduire à l'émasculation des hommes), l'héroïsme opposé à la victimisation, la désinformation (avec des références à Vladimir Volkoff), le pornocène, la reductio ad hitlerum ou encore le soft power relu à travers Sun Tzu. Le chapitre Zeste ironise sur les vegans en reliant les chaînes de montage automobiles aux abattoirs, tandis que Vacances suggère des destinations "anti-woke" : Balkans, Hongrie, Afrique, Japon.
Cette architecture thématique permet à l'autrice de ratisser large, de la métaphysique à la géopolitique, du quotidien intime aux grandes tendances sociétales. L'effet cumulatif est saisissant : le lecteur sort de cette lecture avec l'impression d'un phénomène tentaculaire, omniprésent. C'est là à la fois la force et la faiblesse du livre – force car la démonstration frappe par son ampleur, faiblesse car cette extension tous azimuts peut donner le sentiment d'une paranoïa où tout devient suspect.
Ce qui rend Déwox plaisant, c'est précisément son usage de l'humour pour pointer les contradictions qu'elle identifie dans le discours woke. L'expression "Wokistan, reine du paradoxe" résume cette approche satirique où la réalité serait systématiquement tordue pour servir une cause. Les formules percutantes émaillent le texte comme "Il n'y a pas plus raciste qu'un antiraciste qui ramène tout à la race". Ces aphorismes invitent à la réflexion sans tomber dans la moralisation pesante.
L'autrice propose également des outils pratiques : comment structurer ses arguments face aux discours woke, cultiver un "xénotropisme" – cette différence sincère issue d'une introspection profonde, par opposition à l'anticonformisme de façade. On sent ici une volonté non seulement de dénoncer, mais d'armer intellectuellement le lecteur, de lui donner des clés pour résister à ce qu'elle perçoit comme une pression idéologique.
Mais chaque livre a son talon d’Achille.
Et ici, il se niche dans le chapitre consacré à l’écologie. Léna Rey établit un lien entre la Deep Ecology et l’attentat de Christchurch. Elle affirme que le manifeste de l’auteur de cet attentat, intitulé Le Grand Remplacement serait inspiré de l'ouvrage de Renaud Camus, et que ses idées de celui-ci auraient ainsi conduit au massacre. Cette assertion est factuellement erronée. Brenton Tarrant n'a pas écrit Le Grand Remplacement mais The Great Replacement sans jamais avoir lu Renaud Camus, non traduit en anglais à l’époque. Et Renaud Camus, farouche partisan de la non-violence, défend l’“in-nocence”, l’exact opposé de l’acte meurtrier. Ironie du sort : en voulant dénoncer la reductio ad hitlerum, Rey y sombre brièvement. Une faute, oui. Une faute dommageable, aussi parce que le reste du livre frappe juste.
Heureusement, cette erreur n’étouffe pas l’ensemble. Déwox reste une lecture stimulante, rafraîchissante, parfois jubilatoire. Un livre qui invite à rire, à discuter, à secouer la tête quand le monde déraille.
Et quand Léna Rey conclut par : « Et là où il y a paranoïa, il n’y a plus d’humour. Alors riez de tout. Ne vous cachez pas pour rire. Même avec des épinards entre les dents. (détox oblige) ». On sent que ce rire-là, franc, désinhibé, vaut peut-être toutes les cures de détox.
Léna Rey, Déwox : 21 réflexions pour se détoxifier du wokisme, Editions Une Autre Voix, 34,90 €



