Jérôme Leroy : le fascisme est soluble dans l’amour
Livres Mauvaise Nouvelle https://www.mauvaisenouvelle.fr 600 300 https://www.mauvaisenouvelle.fr/img/logo.pngJérôme Leroy : le fascisme est soluble dans l’amour
Jérôme Leroy nous livre un PoPo, un polar politique. La petite fasciste réjouira les passionnés de la politique, tous les commentateurs cyniques de ses basses œuvres ou ceux qui l’ont été par le passé et qui regardent ça comme une sorte d’adolescence de la pensée. Et puis, il y a ce titre, La petite fasciste, qui suggère un attachement au monstre, un penchant, une faiblesse vis-à-vis de la représentante des idées nauséabondes… Que voulez-vous, on a les fantasmes qu’on a ! Certains FAF s’entichent bien d’exotisme et d’Afrique… Alors pourquoi pas proposer au lecteur lambda de tomber amoureux d’une fasciste. Et puisque toute la presse de gauche l’a chroniqué avec avidité pour l’encenser comme un seul homme, il faut bien s’y mettre.
L’histoire commence par la fin : nous sommes sur le littoral de la Manche et un certain Victor Serge, tueur efficace mais à l’intelligence limitée, se trompe de maison et massacre de jeunes dogués en pleine partouze. Il voulait en fait tuer Patrick Bonneval, député socialiste et dernier espoir de la République et de la gauche, à l’occasion d’une énième dissolution décidée par le dingue. Ça commence donc par une tuerie à la Tarantino et Leroy nous offre un flash-back. On découvre l’enfance de la petite fasciste, Francesca Crommelynck, une enfance dans le fétichisme d’une extrême droite nihiliste caricaturale. Mais les voies de l’amour sont impénétrables… La petite fasciste est amoureuse de Jugurtha Aït-Ahmed, fils de docker communiste. Voilà ce qui préfigure un premier drame, car le frère aîné Nils voit ça d’un très mauvais œil. Francesca va donc rapidement porter le deuil. Quant à Nils, il sera puni, en restant sur le carreau lors d’un deal avec la mafia qui a mal tourné. Voilà donc Francesca devenir dans le sillage du frère martyr l’égérie, la muse du groupe de militants musclés, surarmés et abs du front. Les histoires singulières s’encrent dans un contexte politique qui voit la République vivre son agonie. Les forces démocrates ne se relèveront pas des facéties du dingue à la gâchette dissolutive facile, malgré les efforts de la Tarentule, vieux conseiller de tous les présidents qui se sont succédé. Entre Machecourt et ses Insurgés et l’extrême droite toute puissante, Patrick Bonneval, député socialiste et papa d’une ancienne amie d’enfance de Francesca, cherche à avoir une carte à jouer. Mais dans la guerre de tous contre tous, le seul jeu de chaque camp est d’en découdre. Le lieu entre politique et violence crie dans ce thriller. N’en disons pas davantage, puisqu’il y a suspense à plusieurs niveaux.
À la lecture de la petite fasciste, nous sourions un peu du fantasme d’une extrême droite organisée, surarmée, violente, en lien avec le syndicat du crime et unie sur les idées… C’est dire si nous sommes ici loin du compte et proche du conte. À côté de la collusion entre l’extrême gauche, les trafics de drogue des banlieues, le terrorisme islamique, l’extrême droite apparaitrait plutôt comme de joyeux trublions au look zazou. Bref, passons, il faut bien fantasmer et cela permet à Leroy d’écrire ici une prophétie tout à fait réaliste : si chute de la République il y a au profit de la dictature, cette dernière sera peut-être possible grâce au chaos provoqué par les extrêmes, mais nous viendra de l’extrême centre ! La crise covid en fut l’exercice, la grande répétition.
La leçon du polar pourrait être la victoire singulière de l’amour vis-à-vis de toute cette écume politique, qui est le règne métastasé au niveau national des vanités. Rien de révolutionnaire, non, nous avons là un universel, mais il faut quand même bien que le romancier nous aide à nous extraire de l’actualité, surtout avec les vacances qui pointent le bout de leur nez toutes les six semaines. Jérôme Leroy manipule un réalisme ironique et jouissif, il parsème le tout d’un humour noir féroce qui rachète des fantasmes trop flatteurs pour le camp du bien qui lit. Ce roman bien mené fut un bon compagnon de plage : légèrement jouissif, très facile à lire (trop sans doute), très fluide (malgré la récurrente adresse au lecteur, procédé toujours très pénible et révélant l’autosatisfaction de l’auteur et l’incrédibilité du livre), au suspens parfaitement maîtrisé, aux héros parfaitement incarnés. Son polar inaugure la Manuf, une nouvelle collection de la Manufacture des livres.
La petite fasciste, Jérôme Leroy, Ed. Manufacture des livres, 192 pages, 12, 12,90 €