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David Miège, dessinateur entre poésie et politique

David Miège, dessinateur entre poésie et politique

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Propos recueillis par Maximilien Friche

Mauvaise Nouvelle : David Miège, il me semble vous croiser depuis longtemps au gré de mes lectures de journaux et magazines. Ici et là, nous voyons votre ironie discrète sourire au monde. Vous êtes dessinateur de presse depuis combien de temps ? Quels sont les journaux dans lesquels on peut retrouver vos dessins ?

David Miège : Je suis dessinateur de presse depuis ma plus tendre enfance puisque je fabriquais de petits journaux de façon artisanale que j’illustrais et vendais, ce qui me valut, déjà, quelques démêlés avec les institutions scolaires. Plus sérieusement, j’ai commencé ma carrière à Marseille dans la presse alternative locale avant de « monter » à Paris et faire mes armes dans diverses publications plus ou moins « mal pensantes » (sic) dont Minute, Présent, les 4 vérités, le Magazine des livres, Délit d’images, L’Homme nouveau, Valeurs actuelles… Tout en menant en parallèles des activités d’illustrateur ou de peintre.

MN : Le dessin de presse est une forme d’outrance, un raccourci pour montrer la vérité, légèrement déformée, comme le font les loupes, au cœur d’écrits obsédés par la juste mesure. Pour vous, peut-on assimiler le dessin au fou du roi, à l’éditorialiste insolent, … ?

DM : Il y a un paradoxe, nous sommes censés vivre dans une société de l’image et pourtant le dessin de presse, du moins en France, est en train de crever à petit feu, du moins au niveau du support papier. Quelques rares journaux subsistent toutefois, mais la plupart ne sont que des vecteurs d’un humour à la « Je suis CHARLIE »… rances, politiquement correct, et mâtinés d’un esprit BOBO-SCATO-ANTIFACHO qui ne laisse guère la place à l’insolence et l’esthétisme… car pour moi le dessin de presse se doit aussi de cultiver une tradition « hussarde ».

MN : les dessins de presse rassemblent souvent le pour et le contre en montrant la vanité des raisonnements eu regard du réel. Il arrive également que les dessins soient encore plus clivant qu’un texte lui-même car l’illustration est une vérité insoutenable. Savez-vous à l’avance ce qui va rassembler dans le bons sens ou ce qui va cliver dans l’irrationalité ?

DM : Quand je fais un dessin, je ne cherche pas à rassembler. Je réagis… Je suis un réactionnaire au sens premier du mot… la vie est une réaction. « Vivre, c’est réagir » comme disait Charles Maurras. Finalement, c’est en caricaturant qu’on s’approche le plus de la vérité… J’aime quand le dessin est décalé, à la fois dans la réalité et dans la perception que se fait le dessinateur du monde qu’il plonge dans son propre univers.

MN : David, Miège, j’aimerais évoquer votre façon de dessiner. Vous semblez à cheval entre dessin de presse et poésie en permanence. Peut-on être polémiste et poète à la fois et en même temps comme dirait l’autre ? Comment être discret quand on dénonce ?

DM : C’est vrai. On a souvent dit que mon dessin était à cheval entre la poésie et la politique. La politique a pu au cours de l’histoire très bien fusionner avec la poésie à l’image des Dadaïstes, Futuristes, Surréalistes, … Les dessins étaient tout à la fois des révolutions esthétiques et politiques. En fait, je me sens bien dans ce carrefour périlleux entre une certaine forme de poésie graphique et mon besoin de polémiques. J’aime quand un lecteur peut être choqué par mes idées et qu’il apprécie en même temps mon graphisme et les symboles poétiques que je glisse dans mes dessins. La violence agrémentée d’enluminures, c’est le but de ma création (rires).

Par contre je n’ai pas l’esprit de dénonciation… je ne dénonce rien. Je subis, j’enrage, je constate… J’exècre notre époque, c’est tout et je la recrache sur mon papier.

MN : Certains dessins évoquent des couvertures de livre, des illustrations de poèmes, on pense évidemment à Cocteau, à Satie… On sent que vous pouvez tout à fait vous passer d’actualité, que seul le trait sur la feuille qui va suggérer l’être et son état d’âme, vous intéresse. Vous sentez-vous poète David ?

DM : Contrairement à ce que l’on pourrait croire, je n’ai pas une admiration particulière pour Cocteau. En fait, j’aime les œuvres d’un Gustave Doré, d’un Gustave Moreau, Forain et des peintres comme Klein, Modigliani, Nicolas de Staël… Chacun a un univers qui me transporte. Côté dessins de presse, je n’aime aucun de mes contemporains. Je les trouve pour la plupart médiocres et sans intérêt… Je garde la nostalgie de dessinateurs comme Ralph Soupault (Doriotiste) et Jean Effel (communiste)… Ils avaient de la classe comme on dit.

Finalement cela peut paraître étrange, ce sont plutôt les écrivains qui m’ont influencé. C’est dans la littérature que sont projetées les plus belles atmosphères et dons les plus belles images, les sensations esthétiques les plus fortes. Le lecteur devient un peintre en lisant Céline. Ce sont des mots/images que vous recevez en pleine gueule… Ce n’est pas par hasard si Voyage au bout de la nuit par exemple a été souvent illustré, notamment par Tardi. C’est vrai que je peux me passer de l’actualité. Elle est trop rapide, découpée, manipulée… on passe trop souvent à côté de l’essentiel. Le dessinateur de presse se doit de prendre du recul à défaut de hauteur.

MN : Vos dessins sont parfois faits du strict minimum. Une ligne suggère un regard, une courbe une femme. Vous houez également avec la possibilité de la concavité. C’est comme si vous étiez en fait en quête de la feuille blanche elle-même. Miles Davis disait « La véritable musique est le silence et toutes les notes ne font qu'encadrer ce silence. » Le véritable dessin est-il la feuille blanche et vos lignes, traits, ne font-ils qu’encadrer ce blanc ?

DM : Vous avez raison, je recherche de plus en plus le trait le plus épuré possible qui puisse jouer avec la blancheur du papier. C’est vrai la feuille n’est pas seulement un support, un cadre, elle devient elle-même l’outil, au même titre que le feutre ou le pinceau.

MN : Pour finir, une question plus simple, quel est votre dessin fétiche ? Et dans tous vos dessins quels sont vos motifs fétiches que vous reprenez sans cesse et pourquoi ?

DM : Je n’ai pas à proprement parler de dessin fétiche, par contre j’aime croiser les dessins à la craie des anges de Castelbajac qu’il nous offre sur les murs de Paris au gré de ses ballades. C’est éphémère et poétique. Cela me donne un bien fou.

Dans mes dessins, des petits trucs symboliques s’incrustent : des étoiles, Saturne, des chats, des poissons, des tulipes, … Une sorte de juxtaposition des temps, des espaces, des autres mondes qui nous ramène à notre pauvre et petite condition humaine.


Lionel Borla, artiste peintre
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Marseille expose Le Corbusier : Brut de poésie
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Arnaud Martin, peintre et poète de nuit
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