Criminelle opinion
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Criminelle opinion
Par Pascal Jacob
14 juillet 2013 21:00
L’opinion est suspecte. On la dit changeante, manipulable, et nécessairement fausse. En effet, par définition, l’opinion ne sait pas, elle n’est pas la science. Mais d’un autre côté nous trouvons la science prétentieuse, et la vérité dangereuse. Car prétendre avoir la vérité, c’est rejeter l’autre qui est dans l’erreur.
Il y a une noblesse de l’opinion. Le philosophe la définit comme une adhésion de l’intelligence, une adhésion qui advient non pas du fait d’une évidence ou d’une démonstration, comme c’est le cas pour la science, mais du fait de la volonté. J’adhère non pas parce que je sais, mais parce que ma volonté m’incline à le faire. Cette adhésion est donc mêlée d’une certaine retenue, qui vient de ce que l’on est prêt, s’il le faut, à préférer la vérité à l’opinion. Encore faut-il le vouloir et y consentir. C’est là le problème de l’opinion, c’est que l’on s’y accroche de toutes les forces de nos affects. Car la volonté, qui fait que l’on consent à adhérer à une idée qui n’est pourtant pas évidente, la volonté donc peut elle-même être le jouet des passions, comme le désir ou la haine. Freud fait là-dessus une remarque intéressante : distinguant l’erreur de l’illusion, il montre que l’illusion est une erreur à laquelle notre désir nous attache. Sans doute y a-t-il des opinions manipulées par le désir, désir de domination, de sécurité et mille autres encore.
La véritable opinion, vécue comme telle, est une étape nécessaire, et parfois indépassable. Nécessaire, parce que la vérité ne nous apparaît que progressivement. C’est vrai, depuis Descartes nous aimons l’évidence. Mais de l’aveu même du philosophe français, nous ne pouvons facilement distinguer la vraie évidence de la fausse évidence. Indépassable, parce qu’il y a des réalités qui ne peuvent être qu’objet d’opinions. C’est qu’il y a des matières, que le philosophe appelle des matières contingentes, qui ne peuvent donner lieu qu’à des opinions.
C’est pourquoi l’on peut voir dans l’opinion une certaine humilité, et parfois un vrai réalisme. Quel est le meilleur candidat aux présidentielles ? Faut-il abandonner l’euro ?
Mais le défi majeur aujourd’hui est de discerner ce qui relève de l’opinion de ce qui relève de la science. Car il y a autant d’erreur à prétendre à la science dans ce qui relève de l’opinion (c’est l’erreur de Marx et en général des totalitarismes), que de prétendre que tout n’est qu’opinion quand on peut accéder à la science. C’est l’erreur du relativisme. Le comble est qu’il n’est pas rare qu’au nom même du relativisme il devienne criminel d’exprimer une opinion opposée à l’air du temps.
Au moment où nous croyons que tout est relatif, et que par conséquent toutes les opinions se valent, c’est la mort de l’opinion. Aussitôt, l’opinion relativiste devient tyrannique, car elle prétend rendre absolue la position relativiste et ouvre ainsi la porte à tous les arbitraires.
Avec les fameuses lois mémorielles (Gayssot en 1990, Taubira en 2001 et d’autres encore), on s’est habitué à normaliser nos opinions. S’il est moralement choquant de vouloir minimiser, a fortiori nier, des crimes comme la Shoah (Loi Gayssot) ou l’esclavage (Loi Taubira), on peut s’inquiéter de la répercussion politique qu’ont pu avoir ces lois. N’ont-elles pas eu comme effet pervers d’instituer la criminalisation de l’opinion comme mode ordinaire du débat, en s’intéressant moins à la vérité qu’à pouvoir atteindre le désormais célèbre « point Godwin » et ses variantes ?
Ce travers nous guette tous : réjouissons-nous au contraire que chacun s’estime autorisé à exprimer une opinion dissidente et critique, pourvu qu’elle soit rigoureusement argumentée.
Il y a une noblesse de l’opinion. Le philosophe la définit comme une adhésion de l’intelligence, une adhésion qui advient non pas du fait d’une évidence ou d’une démonstration, comme c’est le cas pour la science, mais du fait de la volonté. J’adhère non pas parce que je sais, mais parce que ma volonté m’incline à le faire. Cette adhésion est donc mêlée d’une certaine retenue, qui vient de ce que l’on est prêt, s’il le faut, à préférer la vérité à l’opinion. Encore faut-il le vouloir et y consentir. C’est là le problème de l’opinion, c’est que l’on s’y accroche de toutes les forces de nos affects. Car la volonté, qui fait que l’on consent à adhérer à une idée qui n’est pourtant pas évidente, la volonté donc peut elle-même être le jouet des passions, comme le désir ou la haine. Freud fait là-dessus une remarque intéressante : distinguant l’erreur de l’illusion, il montre que l’illusion est une erreur à laquelle notre désir nous attache. Sans doute y a-t-il des opinions manipulées par le désir, désir de domination, de sécurité et mille autres encore.
La véritable opinion, vécue comme telle, est une étape nécessaire, et parfois indépassable. Nécessaire, parce que la vérité ne nous apparaît que progressivement. C’est vrai, depuis Descartes nous aimons l’évidence. Mais de l’aveu même du philosophe français, nous ne pouvons facilement distinguer la vraie évidence de la fausse évidence. Indépassable, parce qu’il y a des réalités qui ne peuvent être qu’objet d’opinions. C’est qu’il y a des matières, que le philosophe appelle des matières contingentes, qui ne peuvent donner lieu qu’à des opinions.
C’est pourquoi l’on peut voir dans l’opinion une certaine humilité, et parfois un vrai réalisme. Quel est le meilleur candidat aux présidentielles ? Faut-il abandonner l’euro ?
Mais le défi majeur aujourd’hui est de discerner ce qui relève de l’opinion de ce qui relève de la science. Car il y a autant d’erreur à prétendre à la science dans ce qui relève de l’opinion (c’est l’erreur de Marx et en général des totalitarismes), que de prétendre que tout n’est qu’opinion quand on peut accéder à la science. C’est l’erreur du relativisme. Le comble est qu’il n’est pas rare qu’au nom même du relativisme il devienne criminel d’exprimer une opinion opposée à l’air du temps.
Au moment où nous croyons que tout est relatif, et que par conséquent toutes les opinions se valent, c’est la mort de l’opinion. Aussitôt, l’opinion relativiste devient tyrannique, car elle prétend rendre absolue la position relativiste et ouvre ainsi la porte à tous les arbitraires.
Avec les fameuses lois mémorielles (Gayssot en 1990, Taubira en 2001 et d’autres encore), on s’est habitué à normaliser nos opinions. S’il est moralement choquant de vouloir minimiser, a fortiori nier, des crimes comme la Shoah (Loi Gayssot) ou l’esclavage (Loi Taubira), on peut s’inquiéter de la répercussion politique qu’ont pu avoir ces lois. N’ont-elles pas eu comme effet pervers d’instituer la criminalisation de l’opinion comme mode ordinaire du débat, en s’intéressant moins à la vérité qu’à pouvoir atteindre le désormais célèbre « point Godwin » et ses variantes ?
Ce travers nous guette tous : réjouissons-nous au contraire que chacun s’estime autorisé à exprimer une opinion dissidente et critique, pourvu qu’elle soit rigoureusement argumentée.