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Franck Abed sur Napoléon : Vive l’empereur !

Franck Abed sur Napoléon : Vive l’empereur !

Par  
Propos recueillis par Maximilien Friche

Napoléon, le héros éternel, Franck Abed

 

Maximilien Friche : Vous évoquez souvent le risque de l’anachronisme en histoire, cet anachronisme prenant différentes formes d’ailleurs… Pour autant la lecture de l’histoire nourrit la compréhension de notre monde actuel. Comment ne s’intéresser qu’aux faits en évitant de convoquer le personnage historique, à savoir Napoléon, comme donneur de leçon pour les gens d’aujourd’hui ? Est-ce souhaitable ?

Franck Abed : Il convient de préciser que l’analyse historique, à l’instar de l’analyse politique, ne peut en aucun cas constituer une affaire personnelle. Elle ne doit jamais être guidée par le sentimentalisme et l’émotionnel. Les préjugés, les a priori, les raccourcis sont des auxiliaires qui conduisent inévitablement sur le chemin de l’erreur. Il est donc souhaitable, et même essentiel, pour offrir les meilleurs enseignements possibles, de ne jamais oublier le contexte historique et de s’en tenir aux faits tels qu’ils se déroulèrent réellement.

Les erreurs de jugement ou d’analyse naissent à partir du moment où certains déforment la réalité ou prennent leurs rêves - pour ne pas écrire un autre mot - pour argent comptant. Je me tiens constamment à l’écart de ces méandres intellectuels. Il faut s’en tenir aux faits et au principe de réalité. Ce dernier ne m’abandonne jamais. Je me définis, par conséquent, comme philosophe et historien réaliste.

En histoire, tout comme en politique, il paraît difficile voire impossible de sonder les reins, les cœurs et les intentions. Pour ces dernières, nous pouvons tirer quelques conjectures sur la base de déclarations orales ou écrites, mais rien de plus. Nous devons juger les faits et les évènements de manière intrinsèque sans jamais nous écarter de la sincérité intellectuelle. Tout autre procédé analytique provoquera inévitablement des erreurs.

De plus, vous écrivez : « La lecture de lhistoire nourrit la compréhension de notre monde actuel ». Cette phrase est vraie à la condition de respecter les principes que j’ai préalablement définis. J’utilise souvent une formule pour rappeler l’importance de la bonne compréhension historique : « L’Histoire nous apprend une seule leçon, les leçons de l’Histoire ne sont jamais retenues ». Par exemple, en 1940 l’état-major républicain n’avait nullement tenu compte des leçons de l’offensive allemande de 1914. De fait, les erreurs en Histoire se paient en espèces sonnantes et trébuchantes…

En réalité, et nous le constatons chaque jour depuis des lustres, la lecture de l’histoire ne nourrit que trop rarement la compréhension de notre monde actuel. En effet, rares sont les individus à tirer les bons enseignements historiques. Les exemples sont légion et je vous en ai proposé un qui me semble très éloquent.

Concernant Napoléon, il faut le juger ou plus précisément analyser son parcours sur les faits, en n’oubliant jamais le contexte tout en mettant de côté les légendes noire et dorée. Sur le plan politique, il est, à mon sens, souhaitable de s’inspirer d’un homme ayant dirigé avec succès la France durant quinze ans. De plus, et c’est peut-être le plus important, Napoléon a donné en héritage à notre pays de solides institutions qui pour la très grande majorité furent conservées par tous les régimes successifs. L’honnêteté conduit à penser que ce résultat constitue un gage de réussite, d’estime et bien plus.

 

MF : Napoléon est souvent vu, au-delà des querelles partisanes, comme la figure de la résurrection miraculeuse de la France après sa mort. Jean Sévillia le rapprochait un temps de Jeanne d’Arc ou de Gaulle, personnages également porteurs de résurrection de la patrie. Votre fascination pour Napoléon n’est-elle pas liée à l’époque de déconstruction et dissolution de notre pays et de notre civilisation même ? Un Napoléon est-il souhaitable et possible aujourd’hui ?

FA : Je précise d’emblée que je ne connais pas tellement les travaux de Jean Sévillia. En me basant sur votre propos, je peux d’ores et déjà écrire qu’il me paraît exagéré voire douteux de mettre sur même plan la Sainte de la Patrie, l’Empereur des Français et le général De Gaulle. Jeanne a reçu la bénédiction du ciel, Napoléon l’onction papale, Charles ni l’une, ni l’autre… Petite parenthèse que j’ouvre et refermerai très rapidement : De Gaulle est un mauvais mythe. Un jour prochain, il faudra réaliser le réel bilan de la politique et de l’héritage gaullistes. Celui-ci porte une énorme part de responsabilité dans le déclin français.

Ceci étant précisé, le mythe du sauveur expression que nous devons, entre autres, à l’immense Jean Tulard ne me semble pas consubstantiel à notre seul pays. Sur un territoire donné, en cas de troubles politiques, sociaux, économiques très puissants, les individus espèreront ou réclameront toujours un sauveur. Il s’agit d’une tendance naturelle ou humaine qui ne peut être propre à la France et aux Français.

Ma fascination pour Napoléon ne tient nullement compte du contexte de déconstruction et dissolution de notre pays. Je l’ai écrit plus haut, il faut juger les protagonistes sur les faits historiques et les sources dont nous disposons. Si la France était toujours la reine des nations et l’Europe le phare de la Civilisation, je saurai, grâce à l’analyse historique, toujours reconnaître qu’Auguste, Charlemagne, Louis XIV et Napoléon incarnent le véritable génie politique. Mon analyse historique et politique ne dépend jamais de considérations bassement personnelles ou émotionnelles. J’analyse les faits, les propos, les actes, les livres, les articles, les projections intellectuelles des uns et des autres. Seule l’analyse circonstanciée et objective détermine l’avis que je peux prononcer.

Dans le but d’étayer mon propos afin de présenter ma méthode d’une manière différente en utilisant une métaphore gastronomique, j’écris que si je me rends dans un restaurant quatre étoiles, je ne jugerai pas mon plat en fonction de ladite étiquette, mais après avoir goûté la cuisine du chef sans jamais me laisser abuser par le décorum. Je ne serai pas influencé par l’image de marque du restaurant ou par la beauté du cadre. Mon repas sera excellent, bon ou médiocre en fonction de ce que j’aurai dans mon assiette. Trop souvent, les gens jugent en fonction de la couleur de la cravate, du statut de la personne ou de qui prononce telle ou telle phrase. Je n’approuve guère cette piètre méthode : la vérité d’un propos ou la pertinence d’une idée ne dépendent pas de celui qui l’exprime. Une vérité est. Un propos est ou n’est pas pertinent.

Au sujet de Napoléon, il avait dit devant ses compagnons de gloire : « Quel roman que ma vie ! Il faudra probablement attendre plus de mille ans avant que les circonstances favorisent l’émergence de personnages comme moi ». La France semble emprunter un chemin sinueux que d’aucuns prédisent vers les abîmes. L’Histoire, nous en revenons toujours là, enseigne qu’en périodes troubles des hommes et des femmes peuvent sortir du lot pour influencer tout un pays. Les révolutions, les guerres, les instabilités politiques permettent l’émergence de personnalités qui n’auraient peut-être pas tiré leurs épingles du jeu dans un contexte politico-social serein.

La différence majeure, parmi d’autres, qu’il existe entre l’émergence de Jeanne d’Arc et Napoléon - pour rependre les personnages que vous avez cités plus haut - et notre époque se trouve dans le contrôle exercé par l’Etat sur de nombreux pans de notre société. Je n’omets pas non plus les NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication) qui permettent une communication de masse de manière instantanée et pléthorique. Il serait également naïf et dangereux de sous-estimer tous les outils dont disposent l’Etat pour se défendre, se renseigner et influencer une population française qui a grandement changé…
D’une manière générale, au vu de l’état catastrophique de la France, un homme - comme Napoléon en son temps - qui restaurerait l’Etat, l’ordre, l’autorité tout en redonnant à l’Eglise sa légitime place ne pourrait être que le bienvenu. Je serai même l’un des premiers à me mettre à son service. Est-ce possible oui ? Est-ce probable ? A nous de transformer l’essai par nos actions, notre exemple et notre sincère foi dans la France éducatrice et évangélisatrice des peuples…

 

MF : Une des marques de Napoléon est la réconciliation des Français après des périodes de guerres civiles, auxquelles le personnage a tout de même participé comme soldat. Avez-vous identifié les recettes politiques, économiques, sociales, culturelles… qui ont permis cette réconciliation à l’époque ?

FA : En 1799, année du coup d’Etat de Brumaire, les élites et la population française n’en pouvaient plus des excès politiques provoqués par les différents camps en présence. De plus, l’ensemble des Français désiraient en finir avec l’instabilité politique, le brigandage, et pour parler très clairement la faillite de l’Etat. Il ne faut pas donc pas surestimer le poids de la propagande bonapartiste - comme certains le font - car il existait un consensus très fort entre la France d’en haut et la France d’en bas, la France des villes et la France des campagnes pour un retour à l’ordre et à l’autorité.

Napoléon Bonaparte était un général au prestige immense du fait de sa magnifique campagne d’Italie couronnée par de multiples victoires. Il eut l’intelligence et la justesse tactique de ne pas se compromettre : ni avec le gouvernement, ni avec les faiseurs de Roi ou de République. Ainsi, il n’était d’aucun camp. De plus, l’éloignement en Egypte lui fut bénéfique car il ne pouvait être tenu pour responsable des échecs du Directoire et assimilé aux militaires qui enchaînaient les défaites. Ainsi, quand il apprit les nouvelles catastrophiques venant de France alors qu’il administrait avec talent sa conquête égyptienne, il décida de rentrer au pays. A son arrivée, il fut salué comme le sauveur, le sabre pouvant mettre fin à l’inertie du Directoire, à la gabegie et inverser la donne sur le terrain militaire.

Napoléon n’aimait pas les guerres civiles et le désordre. En tant qu’officier du Roi et du Directoire, Napoléon a dû réprimer une émeute et une tentative d’insurrection politique à Paris. Pour Vendémiaire, il s’agissait d’une opération de maintien de l’ordre. L’officier Bonaparte n’a pas servi en Vendée. Quant au siège de Toulon, n’oubliez pas que la ville avait été livrée à nos ennemis. Il était donc impératif de la reprendre aux Anglais.

Napoléon fut un enfant contrarié de la Révolution. Elève dans les écoles militaires royales, officier du Roi ayant servi dans l’armée royale, il était de fait un pur produit de l’Ancien Régime. Certains ont tendance à l’oublier. Mais il servit également dans les armées de la République. Dès sa prise de pouvoir effective, Napoléon entendait créer la fusion nationale. Il avait déclaré : « Ni bonnet rouge, ni talon rouge, je suis national » et « De Clovis au Comité de salut public, je me sens solidaire de tout ». Cette idée sublime le plaçait au-dessus des camps, des partis et des divisions.

Avec Napoléon, la méritocratie devenait enfin une réalité institutionnelle. Cette phrase attribuée à Napoléon montre bien l’état d’esprit qui animait l’armée et la société : « Chaque soldat a un bâton de maréchal dans sa besace ». Plus besoin d’être bien né pour pouvoir grimper l’échelle sociale ou pour bénéficier des faveurs du Prince. Le mérite réel permettait à tous Français de devenir comte ou grand commis de l’Etat.

Napoléon s’entoura également des hommes les plus compétents dans tous les domaines. Il sut très rapidement rétablir l’ordre, l’autorité et la confiance dans le gouvernement. Dans les Relations Extérieures, il gagna également la paix ce qui permis l’âge d’or du Consulat. Napoléon voulait récompenser les meilleurs quelles que fussent leurs origines sociales et leurs parcours politiques durant la Révolution. C’est, j’en suis intimement convaincu, le meilleur moyen de gouverner les hommes. Par la suite, il comprit très rapidement la double nécessité de restaurer le pouvoir de l’Eglise en France et la monarchie, gage de stabilité institutionnelle. Son neveu, dans des circonstances différentes, agira de même : le premier Président élu au suffrage universel masculin devint Napoléon III. Le bonapartisme républicain n’a aucun sens.

Dans le domaine militaire, les victoires de Napoléon dès les premières années du règne permirent à ce que la France ne fut pas dépecée comme la Pologne par exemple. Certains mettent très souvent de côté cette réalité : l’Europe coalisée n’avait que faire des Bourbon déchus. Ils ne se pressèrent pas tellement pour les sauver. Comme je l’écris et l’explique dans mon essai, les différents chefs d’Etats étaient plus préoccupés par l’agrandissement de leurs territoires que du malheureux sort de la famille royale emprisonnée au Temple…

Pour être le plus précis possible, Napoléon, en plus d’avoir restauré l’ordre, l’autorité et la confiance, était aussi un facture d’unité. Républicains, révolutionnaires et royalistes se mirent en quatre pour le servir. Les royalistes semblent parfois avoir la mémoire courte ou alors ils souffrent de graves lacunes historiques. Je laisse Napoléon parler : « La vieille noblesse ma servi ; elle sest lancée en foule dans mes antichambres ; il ny a pas de places quelle nait acceptées, demandées, sollicitées. Jai eu des Montmorency, des Brancas, des Noailles, des Beauvau, des Béarn, des Mortemart… »

 

MF : Quand je pense à Napoléon, me vient en tête la pièce de théâtre Le souper de Brisville, dans laquelle j’ai joué dernièrement le rôle de Fouché. Dans cette pièce, Brisville fait dire à Talleyrand qu’il n’aimait pas la France de Napoléon, cette France débordante d’elle-même, en cru… Cette démesure portée par Napoléon, est-elle vraiment l’esprit français ? Cet esprit impérial au-delà de nos frontières n’est-il pas contraire à la patrie, ou même à l’Etat-nation ?

FA : En histoire, en politique, et d’une manière générale quand on analyse une donnée, un événement, un parcours, il ne faut jamais être dans le poids deux mesures. Comme je l’explique toujours un acte est mal ou bon en soit. Cet avis ne dépend pas de qui commet le dit acte. Ainsi, je ne comprends pas de quelle démesure vous parlez au sujet de Napoléon Bonaparte. Si nous le comparons à ses prédécesseurs ou à ses successeurs français ou européens, il fut plutôt mesuré et donc dans la bonne tendance.

En tant que chef d’Etat, il a mené directement des batailles sur le sol européen. Si Napoléon incarne la démesure, car il est entré victorieux à Madrid, Berlin, Moscou, que dire des Rois Européens (Anglais, Espagnols, Français, Portugais) qui ont conquis des territoires en Afrique, aux Amériques et même en Asie. Que penser de la folie destructrice commise lors des Guerres Mondiales du XXème siècle ?

Napoléon n’avait nullement la folie des grandeurs. Une preuve parmi tant d’autres, il a vendu la Louisiane. Effectivement, il savait pertinemment qu’il ne pouvait pas la défendre comme il se devait, même en engageant des moyens colossaux. Un homme excessif ou niant la réalité, dans le même contexte, aurait tout tenté pour garder cet immense territoire. Celui-ci était lointain et la suprématie navale britannique ne pouvait pas être contestée avant quelques années. Un homme sage sait juger une telle situation. Napoléon fut fin politique en récupérant de l’argent suite à la vente de la Louisiane qu’on aurait fini par perdre tôt ou tard et cela sans indemnité compensatrice.

Il est important de rappeler, comme je l’explique dans mon livre, que les Anglais ont emprunté cinq fois la masse monétaire de l’époque pour mener leurs guerres illégitimes contre la France. Sans l’argent et le crédit anglais, ces conflits n’auraient pas duré aussi longtemps. De plus, les Coalisés ont suscité sept, j’écris bien, sept coalitions contre la France. En définitive, l’étude historique indique clairement que de 1799 à 1815, période au cours de laquelle Napoléon occupait la première place de l’Etat, il fut plus attaqué que le contraire.

Napoléon - contrairement à certains de ses prédécesseurs français ou européens - n’a pas entrepris la conquête même partielle de l’Amérique du Sud, du Nord, de l’Afrique ou de l’Asie. Si Napoléon avait agi ainsi… ses détracteurs s’en seraient donnés à cœur joie en l’accusant d’avoir eu les yeux plus gros que le ventre ou d’autres inepties du même acabit. Mais la réalité fut tout autre. Cependant, cela n’empêche pas ses détracteurs de regarder l’Histoire de manière relativiste ou selon le fameux adage de « la paille et de la poutre ». Napoléon défendit les conquêtes françaises qui avaient été réalisées au cours de la décennie précédent son arrivée au pouvoir. Les événements politiques permirent, par la suite, à la France impériale d’agrandir son territoire.

Personne ne peut lui reprocher d’avoir agi contre l’intérêt national. Il a travaillé au maintien du pré-carré français afin que la France soit forte face aux autres puissances européennes. De même, il voulut une Europe française. Est-ce un crime ? Non. Qui sait que certains de nos Rois ont brigué ou tenté de ceindre la couronne impériale ? L’idée napoléonienne d’une maîtrise du continent européen n’est pas propre à Napoléon. Mazarin a œuvré pour que Louis XIV devienne le chef de cette monarchie du Saint Empire… Cette fameuse monarchie universelle ne peut que recueillir mes faveurs et mon assentiment politico-philosophique.

D’une manière générale, la France a toujours été un Empire même si sa forme de gouvernement naturel, légitime et la plus longue fut la royauté. De Charlemagne à nos conquêtes territoriales hors d’Europe, la France a toujours été un Empire ou a détenu des possessions similaires à celle d’un Empire. Cela me rappelle inévitablement une célèbre affiche avec ce slogan : « Trois couleurs, un drapeau, un empire ». Contrairement à certains, je ne défends pas ici une thèse particulière. Je fais que rappeler des vérités historiques factuelles. L’analyse de l’histoire de France n’est pas une affaire personnelle. Que cette réalité ne plaise pas, c’est une chose, mais il est impossible de nier les faits historiques que je présente tout au long de mes réponses.

 

MF : Allez, je vais être incisif maintenant, moi qui ne suis pas du tout militariste, j’ai tendance à adopter le qualificatif d’ogre en parlant de l’empereur. Il est indéniable que, comme lui XIV en son temps, Napoléon n’a cessé de faire la guerre réduisant la personne humaine en chair à canons. Vous qualifiez Napoléon de génie, un vrai génie se serait-il pas celui qui sachant s’arrêter garantirait la paix ?

FA : Si Napoléon était un ogre sur le plan militaire que penser des Rois européens qui ont conquis des territoires un peu partout sur le globe terrestre ? De même, je ne comprends pas tellement le propos « moi qui ne suis pas du tout militariste ». En revanche je peux d’ores et déjà écrire deux principes qui me sont chers. Je suis pacifiste mais je sais aussi que certaines guerres doivent être menées. Je rappelle également que les guerres restent une composante majeure dans la vie d’un Etat et de l’Histoire humaine. La Guerre est l’une des nombreuses conséquences du péché originel.

Je rappelle une évidence qui semble parfois absente de certaines réflexions : la guerre comme la paix se font minimum à deux. Une fois au pouvoir Napoléon s’est empressé d’envoyer des offres de paix à toute l’Europe. Ce fut la paix d’Amiens célébrée comme il se doit des deux côtés de la Manche. Il faut avoir conscience que cette paix fut considérée comme un triomphe pour le Premier Consul qui avait pris le pouvoir en France trente mois plus tôt. Les Anglais ne rendirent pas Malte contrairement à leurs engagements. Napoléon ne pouvait laisser la France et les Français se faire insulter. Il devait ramasser le gant non pour sa gloire personnelle mais pour que la France restât respectée sur le plan international.

Quand il revint au pouvoir après le plus grand référendum de toute l’Histoire - le Vol de l’Aigle - tous les souverains refusèrent les offres de paix quand ils daignèrent répondre aux missives impériales. Encore une fois, c’est factuel. Il ne s’agit nullement d’un avis personnel sorti de l’imagination de Franck Abed. En 1806, Napoléon aurait pu (dû ?) détruire la Prusse. Il a préféré la ménager. Déjà, lors de la Campagne d’Italie, il pouvait prendre Vienne et mettre à mal la monarchie des Habsbourg. Comme c’était un homme non excessif, il n’agit pas de la sorte.

En définitive, sa gentillesse et sa bonté le perdirent. En effet, Les Prussiens auraient pu être reconnaissants envers Napoléon d’avoir laissé au pouvoir leur roi après la brillante campagne de 1806 couronnée par les victoires triomphantes d’Iéna et Auerstaedt. Non, ils se montrèrent jaloux et revanchards. Ils ne rêvèrent que de pillages et de destructions. Il ne faut jamais oublier que le maréchal Blücher, en 1815, entendait détruire le pont d'Iéna. Nonobstant l'intervention de Louis XVIII, de Talleyrand et du maréchal Gouvion-Saint-Cyr auprès du roi de Prusse, le Prussien refusa de renoncer à son projet barbare. Seule l'intervention du tsar Alexandre en personne permis de le ramener à la raison. Il avait menacé de marcher sur le pont pour empêcher cette ignoble destruction. Qui s’en souvient ? Qui met ce sujet dans la balance lors de ses réflexions ?

Je précise que tout au long de cette période, des tentatives de paix virent le jour. Elles n’aboutirent pas pour différentes raisons, mais il me semble trop facile d’accuser le seul Napoléon pour l’état de guerre quasi permanent qui prévalut de 1800 à 1815. Cependant, il convient de rappeler l’essentiel, sans le crédit anglais, les Coalisés n’auraient jamais pu soutenir une guerre mondiale contre la France impériale. Ils mirent plus de 15 ans à abattre Napoléon grâce notamment aux trahisons, aux masses d’argent dilapidées et à la disproportion des forces en présence. C’est, je crois, très important de le rappeler.

Concernant la question de la chair à canon, il convient de rappeler des faits. La population française augmenta au cours de la période napoléonienne… Les guerres napoléoniennes - nommées ainsi pour rendre hommage au personnage principal de l’époque et non pour signifier que Napoléon en fut le seul auteur - provoquèrent moins de morts que la Guerre de Trente ans (1618 - 1648). De même, il paraît inutile de les comparer aux hécatombes de la Première et Deuxième Guerre mondiales…

 

MF : Je vais continuer de vous taquiner, néanmoins en vous donnant la possibilité de répondre… On parle de génie et je pense qu’effectivement, il serait difficile de ne pas reconnaître le caractère exceptionnel et hors norme de l’homme. Néanmoins, je me posais la question du génie propre. Napoléon a été très bien entouré… A quel point ne fut-il pas parfois la marionnette (consciente ou inconsciente) de ses ministres ?

FA : Auguste s’entoura des meilleurs. Louis XIV également. Napoléon poursuivit cette longue tradition. Pour qu’un grand règne puisse être accompli, il demeure essentiel d’avoir un grand chef, lui-même entouré par des auxiliaires compétents. Je rappellerai toujours que Napoléon était un dirigeant extrêmement charismatique et autoritaire. Il avait tendance à prendre lui-même les plus importantes décisions. Toutefois, il questionnait souvent son entourage et savait aussi écouter les conseils pertinents de ses plus proches collaborateurs. Leurs opinions ont souvent été prises en compte par Napoléon. Toutefois, Napoléon avait plutôt tendance à se méfier des influences extérieures. Il préférait suivre ses propres intuitions.

De fait, Napoléon fut entouré, accompagné par une génération d’hommes d’Etat et de guerre qui se révéla véritablement exceptionnelle. Des personnalités telles que Talleyrand, Fouché, Carnot, Cambacérès, Portalis, etc, jouèrent un rôle majeur dans les aspects diplomatiques, administratifs et militaires de son règne. Beaucoup devaient leurs formations aux institutions royales et d’autres surent s’élever grâce à leurs mérites durant les immenses bouleversements sociaux favorisés par la Révolution.

Certains ministres eurent plus d’influence que d’autres, pour le bien et pour le pire. Depuis deux décennies, grâce à la belle biographie de Waresquiel consacrée à Talleyrand, le Diable boiteux connaît un certain regain de popularité. Pourtant et sans entrer dans les détails, ce fut lui qui conseilla l’arrestation du Duc d’Enghien, lui qui trahit l’Empereur en offrant ses services au Tsar, lui qui travailla pour une intervention française en Espagne en précisant que cette tâche serait aisée - tout le monde remarquera pour toujours son manque de clairvoyance… Ce fut encore lui qui trahit le Directoire et tous les régimes qu’il avait servis. Je conseille à tous de lire le Dictionnaire des Girouettes, dans lequel Talleyrand occupe une place de premier choix.

De ce point de vue-là, Napoléon fut parfois la dupe de ses ministres. Il en est de même de tous les hommes de pouvoir qui peuvent parfois se laisser abuser par des conseillers compétents même s’ils sont, selon les circonstances, dans l’erreur ou la trahison. Comme toujours, il faut rendre à « César ce qui est à César » et aux ministres ce qui appartient aux ministres…

De fait, Napoléon restera pour l’éternité l’homme du Code Civil, le vainqueur d’Austerlitz, et Prométhée enchaîné sur son île rocailleuse par les tenants d’un faux conservatisme, de surcroît étriqué. Vive l’Empereur !


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