La pampa secondaire
Littérature Mauvaise Nouvelle https://www.mauvaisenouvelle.fr 600 300 https://www.mauvaisenouvelle.fr/img/logo.pngLa pampa secondaire
LENTEURS
Elle travaillait à s’absenter
Et écrivait au féminin, avec la constance
Gracile
Des apprentissages précoces qui lambinent
Sa répétition avait la pugnacité des automates
Vélocité du langage dedans et lenteur du geste Pensées autos-tamponneuses
Électrons heurtant les arbres, arrachant une fêlure
Aux nuages
Partout sur la pampa des secondaires
Nef toutes voiles tendues sur un lac intérieur
– une nappe
Couvert de cris épais
« LES HIRONDELLES »
Sous un mouchoir de lait, une dent gratte le parquet Il fait doux, à midi, dans un ventre à l’arrêt
Les arbres s’effilochent dans un monde de refuges remués par les vents qui sèchent les cordes à linge
Celles, éphémères, du piano, tremblent, verticales, quand on est allongée, et tu entends le soir
Le grand cerf du sixième traversé d’une faille – paysan sans armoire, homme –
fleur à la rougeur d’étoile, quand il joue à deux mains, tu l’entends dans le noir
Il donne un nom à cette éternité – ma chambre Sur la terrasse, le blanc des voisines fait danser des pieds sombres
Sur le rouge frappant des pavés du septième, un carillon
– comme une anamorphose – s’incruste sur l’aquarelle générale
Je fume toujours en apprenant – à huit heures – la brusque chute des martinets
« LES ÉPARGES »
Ceux qui naissent sur un plateau ne savent pas les montagnes
Qui font rater l’horizon
Leur langue abrupte, l’épaisseur de leur mer
J’ai toujours aimé les forêts, la lande
Les rivières, leurs gravures, leur courage
Leur fétidité, leurs tourments, leur vase
La sagesse d’une aile qui pointe Les patios de Mançanne
sont recouverts de râles
L’amertume sert de décor aux pays évidés
Personne ne mange plus dehors
Qu’un toi et moi qui s’ignorent
Face au calvaire de pierre Sculpté par un ancien
Parfois, une pierre tombe
Sur une tête qui dort
LA VIE DEDANS
Une espèce de tristesse par terre près du lit, te regarde,
peindre les lignes sur du papier filigrané au pinceau à lavis – Une trame de tapis rampe en silence entre les lames
– là gisent les monstres, forêts de noms qui grignotent les placards
dans le soir des recoins agités par le souffle dépenaillé d’une poule qui court, pieds écartés, ayant perdu la tête, elle s’arrête saignante
– seule à te voir seule dans le noir
DOIGT SUR LE BOIS
C’est une tristesse particulière
Qui apprend à marcher
Dans les nœuds des bois, du bout des doigts
Un horizon de laine
Que personne, jamais, n’a défriché
Le temps, parfois, comme un hoquet, a du mal à passer
Il s’étend maintenant – là, devant toi, coloré périphérique
La nuit
À l’intérieur du soi où poser Une tête rouge
Tout au bord de la langue Il servira plus tard, un vieux retard qui pend du lacet à un clou
Marianne se rattrape aux mots en homme ivre qui apprend à marcher
Elle est une hypothèse qui s’avance sur un fil
Extraits de La pampa secondaire de Gaëlle Fernandez Bravo, éditions Sans Escale
https://www.sansescale.com/a-acheter/la-pampa-seconde-de-galle-fernandez-bravo
Couverture : image de Myriam Mechita - les matins de braise - 55 x 70 cm. Serigraphie editee par tchikebe et artotheque intercommunale metropole