Dans l'atelier du jour Francis Krembel
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Petit bruit de l'eau sur les épis de pierre du fleuve. Velouté de la nuit. Ciel, étoiles. Masse fraternelle et sombre du tronc de saule. Ecorces.
Ses branches tendues dans le mystère du paysage. Ses sèves endormies.
Calme paix
On croirait entendre le chant de la terre.
J'aime lire et relire la poésie de Francis Krembel, c'est un peu comme réécouter un morceau de musique, on ne s'en lasse pas, sa limpidité a du charme. Francis Krembel était animé par la passion de la poésie, il éditait de la poésie et fut aussi à l’origine du « Marché de la poésie » qui a lieu depuis 2018 à Béhuard. Malheureusement Francis Krembel est décédé en 2019, heureusement que sa femme a repris le flambeau.
Une poésie simple faite de milles riens, un bateau sur la Loire, une lumière, une voiture aperçue de sa fenêtre… poésie qui pourtant n’est ni sans tristesse, ni sans âme.
J'ouvre les fenêtres pour laisser pénétrer la vie. Un petit bateau passe, bruit régulier du moteur.
Trois voitures traversent un pont métallique de l'autre temps.
Cliquetis quotidiens, chants d'oiseaux partout.
Le ciel au-dessus, simple douceur lumineuse.
Dans un entretien paru dans Ouest-France, il confessait « À Béhuard, je suis au diapason de la vie, en harmonie avec le paysage. Régulièrement, la Loire vient squatter mon potager. C'est la petite île paradisiaque où on ne peut que devenir poète ! »
C'est dans le silence de cette île que Francis Krembel captait son époque ; On retrouvait ses quelques Impressions dominicales.
(…) Dimanche les piétons piétinent les chemins, des cyclistes colorés casqués et pédalent brassant, lessivant leur énergie vorace.
C’est une poésie, d’une intimité de tous les instants tournée vers la nature, si fragile, trop malmenée par la modernité.
Bonheur infusé des paysages, rien d'autre à dire si ce n'est qu'un poteau électrique en bois rêche et son fil noir me gâche un peu la vue.
Frères humains prenez grand soin des arbres
nos voisins chers, ils sont nos futurs possibles.
C’est aussi un observateur impitoyable des travers de l’homme, des méfaits des nouvelles technologies détruisant les échanges humains.
Flots de paroles dans les radios. Solitudes coagulées par deux dans les bistrots.
Soliloques dans les portables
La laideur commence à ronger les campagnes ; il reste toujours un souvenir de la beauté et la poésie des noms des villages encore un peu à l’abri des aménageurs, mais de plus en plus phagocytés dans les métropoles agglutinées.
Villages, classés, rangés, désherbés, nettoyés, protégés.
Nul n'est à l'abri du cerveau lent des techniciens du paysage, nul n’est à l'abri de la voracité endémique de l'homme, de la croissance mécanique et de la marche vers la mort.
On rêve à tout instant de friches et du vivant réel.
Francis Krembel écrivait sur notre époque et toutes ces petites contraintes qui font le charme de la vie
Retour sur quelques illusions
Il ne se pourra jamais que la vie soit simple comme une tranche de pain.
il ne se pourra jamais que la vie soit une belle pluie sur un jardin.
Il ne se pourra jamais qu'elle soit rude comme un travail accompli.
car l'homme porte en lui l'orage la foudre. C'est avec cela qu'il doit vivre, arbre assoiffé sous la canicule, plante chétive du marais nauséeux, pauvres en troupeaux des mégalopoles.
Rilke déjà le disait :
« Car les grandes villes, Seigneur sont maudites… »
Habiter ce lieu « quasi-magique », qu’est cette ile sur la Loire, Béhuard, était pour lui un privilège.
Dire le bonheur simple d'habiter un lieu, le temps, les paysages.
Debout sur le seuil, regarder et vivre pourquoi pas. Même si au fond on sent cogner parfois la brève, légère culpabilité de ce petit état de bien-être bourgeois et pauvre.
Pour terminer, un vers qui reflète bien la densité et la beauté de l’écriture de ce poète :
Écrire pour relier la terre au ciel dans la grande forge du monde.
Dans l'atelier du jour, Francis Krembel, Ed Donner A Voir