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La Femme pauvre

La Femme pauvre

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« On était en plein règne de Louis-Philippe, roi citoyen, et c’était à peine si toutes les vaches universitaires ou philosophiques de cette époque lumineuse pouvaient suffire au vaccin qu’on inoculait à l’esprit français pour le préserver des superstitions de l’ancien régime. »

Description d’un des personnages du roman, Chapuis : « Il y avait comme un pressentiment de vertige sur ce mufle de basse canaille couperosé par l’alcool et tordu au cabestan des concupiscences les plus ordurières. Une gouaillerie morose et superbe s’étalait sur ce mascaron de gémonies crispant la lèvre inférieure sous les créneaux empoisonnés d’une abominable gueule, abaissant les deux commissures jusqu’au plus profond des ornières argileuses ou crétacées dont la litharge et le rogomme avaient raviné la face. »

L’héroïne principale, Clotilde, apparaît sous la plume subjuguée de Bloy : « Elle était plutôt jolie que belle, mais sa haute taille, légèrement voûtée aux épaules par le poids des mauvais jours, lui donnait un assez grand air. C’était la seule chose qu’elle tînt de sa mère dont elle était le repoussoir angélique, et qui contrastait avec elle en disparates infinies. Ses magnifiques cheveux du noir le plus éclatant, ses vastes yeux de gitane captive, d’où semblaient couler les ténèbres, mais où flottait l’escadre vaincue des Résignations, la pâleur douloureuse de son visage enfantin dont les lignes, modifiées par de très savantes angoisses, étaient devenues presque sévères, enfin la souplesse voluptueuse de ses attitudes et de sa démarche lui avaient valu la réputation de posséder ce que les bourgeois de Paris appellent entre eux une tournure espagnole. »

La sublime créature est là, incarnée, objet d’un fascinant destin : « En 1879, elle avait environ trente ans, déjà trente ans de misère, de piétinement, de désespoir ! Les roses meurtries de son adolescence de galère avaient été cruellement effeuillées par les ouragans, dans la vasque noire du mélancolique jardin de ses rêves, mais, quand même, tout un orient de jeunesse était encore déployé sur elle, comme l’irradiation lumineuse de son âme que rien n’avait pu vieillir. On sentait qu’un peu de bonheur l’aurait rendue ravissante et qu’à défaut de joie terrestre l’humble créature aurait pu s’embraser peut-être, ainsi que la torche amoureuse de l’Evangile, en voyant passer le Christ aux pieds nus ! »

Bloy nous éclaire de sa glose lumineuse sur la figure du pauvre, damné de ce XIXème siècle révolutionnaire et industrieux, comme le sont aujourd’hui les « vieux », nouveaux pauvres du monde moderne abandonnés de tous dans d’obscurs Ehpad : « Mais les pauvres ne possèdent même pas leurs corps, et quand ils gisent dans les hôpitaux, après que leur âme désespérée s’est enfuie, leurs pitoyables et précieux corps promis à l’éternelle Résurrection, - ô douloureux Christ ! – on les emporte sans croix ni oraison, loin de votre église et de vos autels, loin de ces beaux vitraux consolants où vos Amis sont représentés, pour servir, comme des carcasses d’animaux immondes, aux profanations inutiles des corbeaux de la science humaine. »

Ensuite, l’affreuse science et son cortège techniciste s’échignerait à combattre et finirait par vaincre toute forme d’intériorité dans le cœur de l’homme…


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