Autoportrait de Cormary à cause des Trolls
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Autoportrait de Cormary à cause des Trolls
Puisque quelques abrutis apprentis nazis se sont amusés à caricaturer Pierre Cromary, ce dernier prend la balle au bond et use de cette caricature pour nous livrer un autoportrait délicat. Une façon de se faire justice, de corriger l’outrance de ses harceleurs de la toile que l’on appelle trolls. Nom que Cormary reprend comme titre de son dernier ouvrage publié aux éditions Unicité.
Soleil et croix
L’explosion des blogs eut lieu peu avant 2005, Cormary en fut avec Soleil et croix. À cette époque, d’un coup, on se serait cru à Montparnasse, Internet représentait une vaste marge où l’on avait le droit d’exister. Bénédiction ! Certains crurent en avoir même le devoir. Tous ceux qui étaient niés par le monde se retrouvèrent dans le même bac à sable pour se donner mutuellement des preuves d’existence. Dans la marge, certains s’engueulaient, prenant leurs querelles de comptoir pour des controverses publiques, en imitation les rentiers de la vie véritable, celle qui se monnaye. C’est aussi l’époque de la naissance de ce que l’on a immédiatement appelé, la réacosphère. Notre Pierre Cormary y fut vite associé avec sa liberté de ton. Il a toujours assumé ce côté trouble de son être subtil et bariolé… échappant à toute caricature de la pensée, à tout esprit militant, il incarne finalement dans un panache donquichottesque, l’insaisissable esprit français. Avec, Soleil et croix, à force de s’agiter sur son strapontin, il a fini par être repéré. Malheur ! Des jaloux, des insatisfaits, des haineux, des … lui ont mis le grappin dessus.
L’attaque des Trolls
Des petits salopiauds en manque d’existence qui tuent le temps comme ils peuvent, s’attaquent donc à Cormary. Pourquoi ? Cormary était obèse, trop gros pour être honnête donc, trop gros pour être respectable, trop gros pour avoir de l’esprit et savoir se défendre. « En général, l’apparence physique correspond à l’esprit de la personne. » se disent-ils. Trop gros pour ne pas tomber ! Ils veulent faire ramper la grande gueule, punir le panache. Ce sont des gens en horde qui s’attaquent au lionceau. Il s’agit de transformer un verbe haut et fort en : rien à dire et la queue basse.
C’est la curée de la cour de récrée, un harcèlement comme un autre donc. Cormary peut toujours porter plainte, il ne sera pas prioritaire. Le souci avec ce type de harcèlement, « C’est internet qui a accès à vous. C’est Internet qui vous internationalise à lui. […] c’est vous en live à vie. » Le voilà pollué, salis, englué dans un salmigondis érotico-civilisationnel facho-comics. La pire des caricature sans l’avoir demandé. « La sexualité fasciste semble être la grande affaire de mes nouveaux amis. » confie-t-il. Le voilà dédoublé, marionnettisé, remplacé par un ennemi invisible tenant autant du malin génie que d’une intelligence artificielle hostile. Comment se distinguer sans disparaître ? Comment échapper aux insultes et aux salissures sans fuir ? C’est quand même payer cher la volonté d’exister un peu à la marge du monde… On commence à le confondre et lui de remplir de doute. Cela fait mal. « Une saloperie réussit son coup quand elle vous isole du reste du monde et, pire, de vous-même. »
Théâtre de la cruauté
Cormary nous offre en pâture les échanges en forum de l’amicale nazi qui le poursuit. C’est sa façon de thésauriser de la toile, de l’anoblir en quelque sorte, de cristalliser l’essentiel à retenir. Les dialogues retranscrits font penser à un théâtre de la cruauté, pétri de l’absurdité de jouir de faire mal. Il faudrait en jouer dans une performance absurde où celui qui vomit sur l’autre finit noyé par ce qu’il professe. A partir de là, Cormary qui n’a pas fui et qui n’est pas encore à terre, ayant fait le deuil d’un recours légal, se met à espionner et poursuivre ses assaillants jusqu’à retourner le rapport de force. Cette partie du récit est un véritable thriller où nous jouissons encore et toujours de l’ironie du sort, de l’arroseur arrosé.
Autoportrait
Cette histoire de Trolls n’est qu’ironie de toutes façons. En effet, celui qui toujours se mit en scène, pratiquant un certain masochisme intellectuel s’est vu attaqué sur son terrain avec très peu d’esprit, très peu de talent, très peu d’humour, avec l’âpreté de la haine typiquement nazi, fondée sur la détestation de ce qui les dépasse. Comme le Vicomte qui ose platement dire que le nez de Cyrano est très grand… les nazillons croient découvrir la lune en disant à Cormary qu’il est gros ? Des descriptions insultantes, il se les sert lui-même, avec assez de verve, mais ne permet pas qu’un troll le lui serve ! D’ailleurs ne disait-il pas : « La grande bouffe, c’est moi. Je vais me gerber moi-même. » Ou sortir de lui-même ? Ou s’accoucher ? Non c’est à Aurora Cornu que reviendra le rôle.
Son masochisme le tient encore : « je suis le degré zéro de la littérature. » Ne vous jetez pas la première pierre, Pierre ! De nouveaux trolls vous imiteraient. Non, vous n’être pas le degré zéro de la littérature. Vous nous avez livré Aurora, ce livre touchant qui témoigne de votre romance avec l’actrice qui vous accoucha, comme écrivain. Avec Trolls, vous nous livrez un auto-portrait. À travers la matière brute de ce récit, nous voyons se dessiner les contours d’un être raffiné, insaisissable, libre, sensible et plein de panache. Et j’ose dire que je suis en attente de votre vrai livre, celui dans lequel vous serez dépouillé d’internet, de cette volonté de rendre compte de ce qui s’y passe, émondé, délesté des preuves accumulées, ce livre où vous aurez transformé toute cette matière en verbe littéraire dans la centrifugeuse de votre esprit brillant. À bientôt donc.
Trolls, récit de Pierre Cormary, éditions Unicité, collection Éléphant blanc, 180 pages, 16€



