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Fol : logos, ethos et pathos réunis

Fol : logos, ethos et pathos réunis

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Fol est le roman d’amour, « l’éternel roman », un roman métaphysique ou métapolitique, comme on veut, de Maximilien Friche, celui d’une vie et dont la gestation fut lente comme pour mieux se donner toutes les chances d’atteindre un but ultime.
« Elle le voit. Elle l’appelle en voix basse et insistante. Elle a son air buté de petite fille orgueilleuse. Petite fille modèle… Du haut de sa petite taille, elle lui tend une enveloppe kraft bombée. Il avait écrit davantage, c’est sûr…. S’il s’est laissé faire, s’il a accepté ce rendez-vous, c’est également parce que la perspective de récupérer ses propres écrits, ces lettres écrites à Alix lui plaisait. Il savait qu’il était sorti de l’ordinaire, qu’il s’était distingué du commun des mortels avec ces bons mots pesés, son orfèvrerie personnelle. »

Renaud est amoureux transi de sa belle. Mais comment le dire et le vivre quand on a seize ans ? Peut-on raisonnablement, en post-modernité, envisager la durée longue, le « misérer ensemble » qui consiste à « mettre en commun un peu de vie intérieure, mettre en commun un peu de silence, la seule forme honnête de prière commune » ?
Quand on est marginal, Renaud n’aime pas l’école car il déteste « dessiner, colorier et communier à la niaiserie collective », il abhorre l’entreprise qui institue l’eugénisme mental autour de « reporting et tableaux de bord, de slides de présentation d’un projet abscons […] une boîte mail polluée de messages inutiles, un réseau social d’entreprise d’autoglorification […] des mots valises comme Responsabilité Sociétale et Environnementale », il se méfie de la société du spectacle et de « l’empire du bien » qui a irrémédiablement conduit l’occident progressiste à l’inculture, l’indifférence et l’indifférenciation du masculin et du féminin, quand on est à la marge de tout cela disions-nous, on ne peut envisager l’amour que sous l’angle d’une disruption conservatrice, par exemple l’amour platonique qui se tiendrait fièrement et de façon assumée aux antipodes de l’amour dévoyé et étalé partout. C’est cette voie-là que nos deux épris l’un de l’autre décident d’emprunter. Un chemin escarpé et semé d’épines tant les référentiels en la matière font défaut à notre temps. Si, peut-être une référence, dans la citation de Cocteau de L’Aigle à deux têtes : « Mon Dieu, acceptez-nous dans le royaume de vos énigmes. Evitez à notre amour le contact du regard des hommes. Mariez-nous dans le ciel. »

Les mots sont le moyen parfait pour Renaud qui se réalise par eux et réalise son amour avec Alix au sens où il le rend réel, incarné, singulier. Florilège : « Je me souviens de toi plus que je ne respire. Je contemple ton nom aussi. Tu me décentres. Je t’aime tellement que je suis en vérité hors de moi. Totalement. Je suis un cri. Je m’écris. Un résumé. Un sentiment. Un désir. Un manque… Je me déclare fol en toi. Je t’aime comme les saints croient en Dieu. C’est dire si je me fous du monde, c’est dire si ma chair est devenue superflue. Un illuminé. »

Alors, quel est ce but ultime que peut bien rechercher Maximilien Friche en écrivant son récit ? Nous tentons notre chance… probablement…, convoquer la littérature, l’écriture, les mots afin, au premier chef, de se sentir vivant et, afin de donner ensuite aux évènements de la vie un relief amusant, décalé, inutile et nécessaire. Il s’agit de réunir logos, ethos et pathos comme pierres d’angle du tragique et du comique mêlés de l’existence, et, s’il devait y avoir un sens aux réalité vécues, d’orienter les choses vers le haut, vers l’indicible ou l’invisible, l’harmonie. Le mot « sens » revêt deux dimensions : la direction et, la substance ou l’essence intrinsèque. Pour notre auteur, chercheur en sens, il s’agit donc d’aller vers le haut pour pénétrer l’oblique couloir qui devrait conduire au face à face avec la vérité.

FOL, roman de Maximilien Friche, Ed. sans Escale, 18€


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