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J.D. Vance

J.D. Vance

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J.D. Vance, le vice-président américain, est un Hillbilly. Un fier habitant du Midwest, immense région des Appalaches entre l’Ohio et le Kentucky, cet endroit des Etats-Unis qui a vu ces dernières décennies l’industrie du charbon et de la métallurgie péricliter. Enfance pauvre et univers violent, déstructuration familiale et générosité vécue au sein de cette cellule de base ont façonné ce personnage issu de ces classes populaires oubliées qui se sont progressivement paupérisées dans la grande lessiveuse de la mondialisation. Son autobiographie a été un best-seller aux Etats-Unis. Elle paraît en France sous le titre Une famille américaine.

Symbole de la méritocratie et des meilleures success-story comme seule l’Amérique sait les inventer, J.D. Vance a émergé tel un phénix des décombres fumantes de la désintégration de ces couches sociales misérables et désespérées du Midwest où alcool et drogue règnent en maître. Hillary Clinton avait moqué les classes populaires et cherché à les ridiculiser en les traitant de basket of deplorables, ce qui lui avait coûté la victoire à l’élection présidentielle de 2016. Son arrogance et sa supériorité affichée de démocrate bien-pensante vivant au milieu des jet setters et autres personnages influents de la côte est semblaient tout à coup désuets face à un trumpisme décomplexé qui emporterait les derniers vestiges progressistes sur son passage.

J.D. Vance devient marine pendant quatre ans, il participe à la guerre du Golfe puis, à l’issue, intègre la prestigieuse faculté de droit de Yale. La suite ne sera qu’une vertigineuse ascension jusqu’à devenir colistier de Donald Trump en 2024 puis plus jeune vice-président de l’histoire américaine à tout juste quarante ans.

Son récit, vendu à plus de trois millions d’exemplaires, vaut pour son style direct qui nous transporte concrètement dans l’enfance et l’adolescence de l’auteur. On découvre à travers cette histoire au ton bienveillant et humain le visage méconnu d’une Amérique, première puissance mondiale, qui donne voix au chapitre à une classe désillusionnée et vautrée dans sa déchéance : « J’étais un de ces gamins promis à un avenir sombre. J’ai failli abandonner le lycée. J’ai failli succomber à la profonde colère et au ressentiment qui rongeaient tout le monde autour de moi. Aujourd’hui, quand les gens me regardent, ils voient mon métier, la crédibilité que me donne mon diplôme de Yale, et ils pensent que je suis une sorte de génie, que seul quelqu’un de tout à fait extraordinaire a pu parvenir là où je suis à présent. Malgré tout mon respect, je trouve cette vision complètement débile. Quelles que soient mes capacités, je les avais presque dilapidées, avant qu’une poignée de gens qui tenaient à moi ne me viennent en aide. »

J.D. Vance appartient au mouvement national conservateur qui peut aujourd’hui s’enorgueillir d’une victoire idéologique. Ses idées triomphent avec la réélection de Donald Trump, des idées MAGA et, avec une dynamique populiste qui touche de nombreuses régions du monde. Sans parler des autocraties, Russie, Chine, Iran ou Inde qui furent réunies ces jours-ci à Shangaï par le leader chinois XI Jinping en une sorte de front anti-occidental d’un Sud Global de plus en plus crâneur, on voit qu’en Italie, en Hongrie, en France et ailleurs grandissent des forces conservatrices bien décidées à sauver l’héritage occidental, les valeurs chrétiennes, les fondements de leur culture. Les gens de quelque part jusqu’alors invisibles et noyés dans la globalisation font entendre leur voix face aux gens de partout. Les somewhere contre les anywhere pour parler comme l’essayiste anglais David Goodhart qui a inventé cette dichotomie. Les nations, quant à elles, souhaitent ne pas être diluées dans le mondialisme, et croient encore incarner le bon périmètre, la dimension idéale permettant de maintenir le fonctionnement des sociétés et des peuples.

Yoram Hazony, philosophe, politologue et l’un des fondateurs du mouvement national-conservateur américain qui tenait cette semaine son forum annuel à Washington, déclare : « Je suis chaque matin enthousiasmé par ce que l’Administration Trump est en train de faire pour endiguer l’immigration, rediriger notre défense, terminer les programmes woke et de diversité, équité et inclusion et lutter contre la criminalité. » Le sénateur américain du Missouri, Eric Schmitt, déclare de son côté : « Le mouvement est la révolte de la véritable nation américaine, c’est une révolution populaire, menée par des millions d’Américains qui avaient le sentiment de devenir des étrangers dans leur propre pays… dont les usines ont été détruites au nom du libre-échange, dont les fils ont été envoyés mourir dans des guerres qui ne servaient aucun intérêt américain, dont les quartiers ont été transformés au point d’être méconnaissables par l’immigration… Ces Américains ont pris conscience que leur véritable adversaire ne vivait pas dans les sables lointains d’une nation étrangère, mais dans les couloirs de leur propre gouvernement… Trump a compris que l’Amérique n’est pas une idée abstraite… mais un lieu et un peuple. » La Silicon Valley et ses visées transhumanistes est aussi perçue par les néo-cons comme un danger à combattre.

Voici donc le condensé de ce que sont les piliers idéologiques des mouvements conservateurs qui fleurissent ici ou là, et quand on sait que ce qui naît et grandit en Amérique finit toujours par débarquer en France, on voit se dessiner ce que pourrait être notre prochain paysage politique en 2027.

Quant à J.D. Vance, il est intéressant de penser qu’il devrait un jour accéder au pouvoir suprême aux Etats-Unis. La vague conservatrice, pour ne pas dire révolution conservatrice, est puissante et semble peu encline à ralentir sa marche historique.


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