L'Intelligence Artificielle, ou le Moyen Remplacement

L'intelligence artificielle est, tout à la fois, un nouveau moyen de remplacement et le remplacement de la variété par la moyenne. Pour faire court, on pourrait donc l'appeler "Moyen Remplacement" ; non qu'il soit plus grand que le petit, ni plus petit que le grand, mais en ce qu'il renforce le règne de la moyenne statistique. Outil de choix à l'ère du management petit bourgeois, la moyenne s'apprête à devenir le faussel de la mesure, du chiffre, de la donnée… Pardonnez, de la data !

Conséquence du Petit Remplacement, et de l'envahissement massif du français par des termes anglo-américains, l'intelligence dont il est ici question doit évidemment être comprise dans son acception américaine, de renseignement, de traitement des informations. La puissance de calcul sans cesse grandissante des ordinateurs se prête évidemment très bien à ce genre de traitement en masse. En effet, il ne s'agit là que de mettre le monde, et toute sa complexité, en chiffres pour y calculer des moyennes, y distinguer des ensembles, y faire des pseudo-prévisions. Dans ces calculs, dont la pertinence ne repose que sur la masse des données et sur le repérage de caractéristiques fréquentes, l'uniforme domine l'original et la moyenne remplace la diversité.

Il y a près de deux siècles déjà, la Révolution industrielle faisait entrer le monde dans une nouvelle époque : celle de la production de masse, de l'uniformisation, de la standardisation jusqu'à atteindre son paroxysme dans le Fordisme. Peu importe la couleur, pourvu qu'elle soit noire ! Dès lors, cette tendance n'a jamais cessé de s'affirmer, d'abord donc en s'imposant aux objets, puis à la "culture" où les standards remplacent les classiques, et enfin aux Hommes… L'intelligence artificielle sera le moyen de franchir un nouveau cap.

Reconnaissons à César ce qui lui appartient : l'hébétude, l'ignorance et la médiocrité généralisées ont grandement facilité le travail de l'intelligence artificielle. En un temps où les sons produits par Aya Nakamura couvrent la musique de Beethoven, où les synthétiseurs ont remplacé tous les autres instruments, qui pourrait douter que des bruits un peu plus standardisés et conçus par intelligence artificielle ne s'imposent sous peu ? L'inconscient qui a déjà écouté un discours d'Emmanuel Macron jusqu'au bout, peut-il croire qu'un ordinateur ne serait pas capable de produire le même flux de banalités ?

S'agissant de l'Homme lui-même, malgré l'éloge continuel de la "diversité", notre temps n'est-il pas celui de la pensée "prête à porter", où qui fait un pas de côté est ostracisé ? L'injonction permanente à la réflexion "outside of the box" n'est-elle pas une fabrique de moutons tous aussi originaux les uns que les autres ? Chacun se doit d'entrer poliment dans cette bergerie de Procuste et de ne point bêler, si ce n'est pour inciter les autres à y entrer plus promptement. Couplée à un contrôle social à la chinoise, l'intelligence artificielle par sa recherche de "point erroné", qui ne soit pas où il devrait, pas dans le moule, renforcera au-delà de l'imaginable ce contrôle et l'uniformisation de l'Homme.

En matière de diversité, émergent déjà les quotas dans les entreprises éclairées, conscientisées et éveillées. Bientôt, en matière de races, les sacro-saintes statistiques ethniques se feront jour au niveau national, et supra. L'intelligence artificielle, appliquant en boite noire les principes de la sociologie, réglera scientifiquement le niveau des quotas, des migrations nécessaires et des mariages "mixtes" qui s'imposeront pour gommer les différences. Un jour peut-être, grâce à elle, la Davocratie en viendra même à s'étonner de la surreprésentation des personnes "racisées" dans la Section Française du Bidonmonde… Ouf !