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Les recommandations du Père Nadler pour la messe Paul VI

Les recommandations du Père Nadler pour la messe Paul VI

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Propos recueillis par Maximilien Friche

Maximilien Friche : Deux motu proprio, deux papes, deux formes du même rite, ordinaire et extraordinaire. Vous arrivez avec votre livre et vous commencez par réconcilier ce qui semble aux yeux de beaucoup comme une opposition, pouvez-vous nous expliquer ?

Père Jean-Baptiste Nadler : les deux Motu-proprio dont on parle sont celui de Benoit XVI, Summorum Pontificum, et celui du pape François, Traditionis Custudes. Dans les formes, il y en a un qui défait l’autre, en effet. Ces motu proprio ont pour but de gérer la juxtaposition de la forme ordinaire et extraordinaire du rite, des deux missels. La façon dont je comprends les choses est celle-ci : la messe, la liturgie est un lieu de communion. Il y a plusieurs familles liturgiques, nous, nous sommes dans le rite latin romain. L’objectif affiché par les deux papes, c’est l’unité. C’est vrai que l’on a cette bizarrerie d’avoir le rite romain qui peut s’exprimer selon la forme actuelle, c’est-à-dire ordinaire, la norme, ou selon l’ancienne façon, de façon plus rare, extraordinaire, dans le sens d’exceptionnelle. Benoit XVI avait élargi l’usage de la forme extraordinaire, le Pape François l’a restreint, mais ne l’interdit pas. D’ailleurs, ce dernier donne des indications de souplesse pastorales, et des communautés, comme Saint Pierre, ont obtenu de pratiquer selon l’ancienne forme avec une grande largesse. Néanmoins, ce deuxième Motu Proprio a créé un malaise notamment auprès de ceux qui naviguaient entre les deux formes et sans esprit d’enfermement, dans l’esprit voulu par Benoit XVI qui excluait la célébration exclusive de la forme extraordinaire. Nous ne pouvons en effet pas nous affranchir de manière personnelle ou individuelle d’un concile œcuménique comme Vatican II. Pour moi le point essentiel, c’est l’intégration du concile Vatican II. Et le but de mon livre est d’apaiser les guerres liturgiques en invitant à une meilleure célébration de la messe Paul VI, davantage fidèle aux intentions du concile et aux textes normatifs de l’Eglise. C’est d’ailleurs ce que demande chacun des papes dans une incise de leur Motu proprio. Ils ont tous les deux noté combien les désobéissances liturgiques sont parfois à la limite du supportable. Ils demandent une obéissance stricte aux normes liturgiques dans la messe Paul VI. Mon livre veut servir ce propos, de renouer avec les textes conciliaires, de les lire dans la continuité des textes qui les ont précédés et notamment de tordre le cou aux mensonges comme l’idée selon laquelle le concile a décidé de l’orientation de la messe ou de l’abandon du latin…


MF : Je vous cite : « La persistance de la célébration due la forme antérieure du rite romain a eu pour effet d’inciter à une meilleure célébration de la forme nouvelle : la première forme a joué le rôle d’aiguillon et de repère pour la seconde. » Un peu plus loin, vous employez même l’expression de tuteur…

Père Jean-Baptiste Nadler : Le problème est que nous sommes des modernes et des post-modernes, le monde occidental est très individualiste, et les catholiques ne font pas exception. Je vois dans certaines revendications rituelles, une forme d’individualisme collectif qui s’exprime. Je veux ça, nous voulons ça… Très bien, mais qu’est-ce que veux l’Eglise ? Faisons-nous confiance en nos pasteurs ? Une confiance éclairée bien évidemment. Evidemment qu’il faut interroger le missel Paul VI, ce missel n’est pas parfait, comme le précédent n’était pas parfait. Evidemment, il faut interroger la question de rupture ou de continuité. Ca se discute. Le pape benoit XVI avait demandé en 2005 à une lecture de continuité du concile Vatican II et non de rupture. Après il faut la valider dans les faits. Cette bizarrerie de deux formes d’un même rite va-t-elle être pérenne ou n’être qu’une parenthèse ? On ne sait pas. Même si les textes des papes semblent plutôt dire que ce ne sera qu’une parenthèse. Néanmoins j’essaye de penser actuellement la conjonction des deux. En quoi cela peut être un bien ? Je pense effectivement que la forme extraordinaire peut être un aiguillon et un tuteur pour continuer de mieux célébrer la forme ordinaire. Je m’appuie en cela sur ma propre expérience. En 2007, quand le pape Benoit XVI a libéralisé la forme ancienne, j’ai appris à célébrer selon la forme extraordinaire. Je connaissais suffisamment la forme ordinaire en latin et grégorien pour avoir été à Solesmes, donc cela ne m’a pas demandé énormément de travail. C’est en célébrant la forme extraordinaire que j’ai mieux compris les intentions des pères conciliaires, c’est ça l’image du tuteur. Un missel qui a deux cents ans d’existence a plus de solidité qu’un missel qui n’a que 50 ans d’existence. Il y a un moment où le missel Paul VI arrivera à maturité, stade où il n’est pas encore, pas du tout. J’évalue à environ 40 ans de mise en place à faire. C’est l’avantage de l’Eglise, elle n’a pas pour horizon une seule génération humaine. Nous sommes des bâtisseurs de cathédrale.


MF : C’est votre deuxième livre sur la messe après Les racines juives de la messe, et vous dites ici, dans L’esprit de la messe de Paul VI qu’il y une nécessité d’éduquer en matière de liturgie les prêtres et le peuple de dieu ? Comment se former ?

Père Jean-Baptiste Nadler : c’est clairement une demande du concile Vatican II de se former à la liturgie. Il y a donc deux sujets : les pasteurs et les laïcs. La formation liturgique des pasteurs ne peut se faire que via la pratique liturgique, il faut aussi avoir une formation intellectuelle, via un bon professeur et de bons livres. Il y a selon moi des cours à suivre, que l’on soit laïc ou pasteur. Il est nécessaire de se former selon sa mission liturgique : sacristain, chant, lecture, … On doit aussi se former en paroisse. Il faut une partie liturgique dans la catéchèse que le prêtre opère y compris via son homélie. Quand on ne comprend pas bien la messe, la tentation est de simplifier le rite.
Ensuite il y a la formation par la pratique. Une messe bien célébrée est formatrice du sens liturgique. Encore faut il que la célébration soit digne. On sait que suite au Concile, il y a eu n’importe quoi dans certaines paroisses, en ce sens, ces messes devenaient déformatrices. C’est pour ça que mon livre existe aussi. Le pape François demande d’ailleurs que les normes soient respectées scrupuleusement afin d’offrir aux fidèles une liturgie qui correspond à une liturgie de l’Eglise.

MF : Nous venons maintenant au cœur de votre livre à savoir vos 9 propositions, qui sont comme 9 conditions pour que la messe Paul VI livre tous ses fruits dans le respect de la tradition et de ses racines. Vous y parlez des rôles (acolytes, diacre, enfants de chœur, etc.), de la place dans le sanctuaire, des lectures selon le temps… et de sujets qui vous tiennent particulièrement à cœur, notamment l’orientation de la messe et la communion. Pouvez-vous éclaircir ces deux points ?

Père Jean-Baptiste Nadler : Combien de fois a-t-on lu que le concile Vatican II avait demandé la messe en Français et face au peuple. Et bien c’est faux ! A aucun moment dans les textes du concile on évoque le changement de langue et d’orientation. Il y a deux temps dans la messe. Le premier est un face à face de dialogue autour de la parole de Dieu. Et dans la deuxième partie de la messe, la liturgie de l’eucharistie, on est à l’Autel, on n’est plus dans une logique de dialogue mais dans une perspective d’offrande. On est alors tourné vers Dieu le Père : Jésus uni à son Eglise va s’offrir à Dieu le Père dans l’Esprit Saint. Dès lors il serait absurde dans ce mouvement que le prêtre continue d’être face à l’assemblée. En fait, les expressions face au peuple ou dos au peuple n’ont aucun sens liturgique. Le prêtre à l’autel n’est jamais ni face au peuple, ni dos au peuple, il est par le Christ et dans l’Esprit Saint tourné vers le père. La prière eucharistique s’adresse à la première personne de la trinité, récapitulée dans la doxologie.
Il y a eu dans les années 40 et 50, des essais de célébrations tournées vers le peuple dont le but était une meilleure participation de l’assemblée au sacrifice du christ (même si certains le faisaient pour d’autres raisons idéologiques), néanmoins les pères conciliaires n’ont pas retenu cette proposition. Toutefois la célébration vers le peuple est possible selon la configuration de l’autel, et le souci est que cette orientation est devenue un absolu, imposée de façon rigide et violente en faisant croire que c’était issu du concile. En miroir, il ne faut sans doute pas imposer des célébrations ad-orientem de façon rigide, mais pour ma part j’appelle à une intelligence des situations, à une souplesse pastorale. J’en espère une meilleure compréhension que la messe est tournée vers le Père. Ne faisons pas du prêtre, sous prétexte qu’il représente le Christ, le centre en permanence de la liturgie. Il doit pourvoir s’effacer et une des façons de s’effacer est de se tourner vers le père.

Au sujet de la communion, je fais une double proposition. Plutôt que de communier à la file indienne, je propose que l’on communie les uns à côté des autres, en prenant le temps, afin de mieux manifester que la communion est aussi un acte communautaire. La deuxième proposition que je fais est de pouvoir communier sous les deux espèces. C’est un vieux débat qui date du concile de Trente. La communion sous les deux espèces s’était arrêtée pour des raisons essentiellement pratique. Le concile Vatican II a ouvert davantage la possibilité de la communion sous les deux espèces selon 3-4 propositions techniques, et malheureusement trop peu mises en œuvre. Je préconise qu’on le développe pour un sens plus plénier de la communion, même si cela ne rajoute rien à l’efficacité du sacrement. Très concrètement, la solution est de communier par Intinction. Le prêtre trempe l’hostie dans le précieux sang et dépose l’hostie sur la langue du fidèle. Il faut impérativement éviter toute profanation involontaire, nous croyons profondément que la moindre parcelle d’hostie, la moindre goutte du précieux sang, c’est Jésus vivant. Le respect doit être immense. D’où l’usage des plateaux de communion qui est d’ailleurs encouragée.


MF : Vous êtres prêtre de l’Emmanuel, mouvement connu pour la louange. Et on vous sait aussi très attaché au grégorien et au latin. Comment articuler ces deux aspects ?

Père Jean-Baptiste Nadler : Ayant été quelques temps en noviciat à Solesmes, j’ai été initié au chant grégorien, qui est un trésor incroyable. Après, ce n’est pas un goût personnel, mais une prescription de l’Eglise et du concile. Il est écrit que le chant grégorien est le chant propre de l’Eglise et il doit avoir la première place ! Après, la première place ne signifie pas toute la place, mais simplement qu’il est la norme et le point de repère. Le chant grégorien a douze siècles d’existence. Le chant grégorien met en musique la parole de Dieu, la mélodie grégorienne s’appuie sur l’accentuation de la phrase latine tirée de la Bible (Introït, chant de communion, graduel). C’est donc une façon de méditer la parole de Dieu. Le Grégorien c’est d’abord la parole de Dieu avant le chant, c’est issu de la psalmodie, ce sont les racines juives du chant liturgique si vous voulez.
Le grégorien peut paraitre inaccessible, certes la notation est un peu particulière. Lire une partition en grégorien s’apprend. Pour l’interprétation, il faut un maître de chœur, mais cela ne nécessite pas une technique vocale particulière, en plus c’est un chant qu’à une seule voix ! Donc une chorale paroissiale a suffisamment de technique pour y arriver. Le seul souci est de trouver un maître de chœur qui entraîne les autres. C’est là le point d’urgence : former des maîtres de chœur en grégorien.
Maintenant il y a la question du latin, les textes des chants grégoriens sont très courts, réduits à une phrase biblique, il suffit donc de mettre la traduction sur la feuille de chant de cette phrase que l’on retrouve d’ailleurs dans les lectures du jour.
Il ne s’agit pas que le chant grégorien prenne toute la place. Comme le grégorien n’est chanté que par un petit groupe (schola) il faut aussi un temps où l’assemblée chante comme pour l’entrée ou la sortie de la messe.

Concernant la question du latin, il faut savoir que je ne suis pas un ayatollah du latin en paroisse. Franchement, les textes de la messe, les prières, c’est ce que nous disons à Dieu, il est donc bon de les comprendre. Une messe où toutes les oraisons seraient en latin ne conviendrait pas. Bien sûr, il faut que l’assemblée connaisse, comme le demande le concile, les réponses en latin, le gloria, le Credo, le veni Creator, le Salve Regina, etc. Ces chants en latin font partie des obligés de la culture catholique romaine latine. Mais en dehors de ça, il faut préférer le Français. Notons que dans la forme extraordinaire, l’assemblée est obligée d’avoir un missel où la traduction est présente. Je ne suis pas sûr que passer la messe le nez dans son Missel (ou pire dans son smartphone où on le retrouve) soit la meilleure façon de participer au sacrifice de toute l’Eglise. Il faut donc garder des éléments en Hébreu, en grec, en latin, autour des prières en Français. Et évidemment, en cas de messe international, c’est le latin qui s’impose, cela reste la langue de l’Eglise. Mais ce n’est pas une langue magique, ce n’est pas : moins on comprend, mieux c’est…


MF : je voulais terminer par une phrase de George Weigel que vous citez dans votre livre : « Il serait malhonnête de dire que la réforme liturgique du Concile Vatican II ait été un échec, mais il serait inexact de dire que les fruits de cette réforme correspondent à ce qu’en attendaient les chefs de file du renouveau liturgique. »

Père Jean-Baptiste Nadler : Weigel est un très bon auteur laïc à lire, j’invite à le lire. Le pape benoit XVI et le Pape François parlent de boussole pour le troisième millénaire concernant le concile Vatican II. La liturgie est la tradition vivante de l’Eglise. Il me semble qu’aujourd’hui nous vivons un apaisement liturgique mais il y a encore du travail à faire. J’ai parlé de 40 ans car dans 20 ans nous aurons des prêtres qui auront reçu une bonne formation liturgique, et ils auront besoin de temps pour coller à l’esprit du concile dans les paroisses. RDV dans 40 ans !

 


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