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Futures figures

Futures figures

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Dans notre dernier article sur Mauvaise Nouvelle titré « Beaucoup de questions et peu de réponses », nous nous étions plaints de manquer de figure prospective écologique. Aussi paraît-il naturel de tenter d’en proposer une, en précisant que c’est cette dernière qui nous sert habituellement de paradigme.

Premier temps, le constat. Si le métabolisme de la biosphère reste encore stable, le développement de l’anthroposphère s’en est séparé à l’ère moderne (anthropocène). Les différentes réalités humaines (démographie, technologies, économies, cultures, accès aux ressources naturelles, etc…) ont progressivement acquis une distance avec les conditions naturelles d’où elles se sont extraites. Si ce caractère artificiel ne pose pas de problèmes en soi, c’est leur déséquilibre qui pourrait impacter irréversiblement le développement de la biosphère. Dès lors, comment garantir cet équilibre tout en relevant les défis du développement humain ? Axes de développement La réponse se présente sciemment comme une morale collective qui se veut œuvre commune pour répondre à l’envergure de la question écologique. Première condition, le devoir de re-convergence des réels humains autour de l’axe du développement « naturel » de la biosphère. Deuxième imposition, considérer les incertitudes de leur développement comme des atouts et non comme obligeant à un renoncement (d’où un questionnement permanent du principe de précaution et des dangers de l’irréversibilité). Nous devons croire que ces deux devoirs, rapprochement et interdépendances des réels, permettront un nouveau métabolisme des incertitudes dont l’équilibre permanent révèlera à une échéance salvatrice la destinée de notre monde. Spirale  de développement Donnons un exemple de ce que le maniement de l’incertitude veut concrètement dire dans un cas de prospective.

Lors du ravalement de la façade d’un immeuble nécessitant un échafaudage montant jusqu’à la toiture, l’entreprise de travaux constate l’état de vétusté avancé de cette dernière. Alertée, la copropriété demande alors à l’architecte son avis sur l’opportunité d’utiliser l’échafaudage pour remplacer entièrement la toiture, profitant ainsi de l’économie du remontage ultérieur d’un second échafaudage.

Dans le premier cas (concomitance des travaux de ravalement et de toiture), il est certain que l’on fera l’économie d’un second échafaudage, mais on ne bénéficiera pas des quelques années de vie supplémentaire d’une toiture qui manifestement remplit encore son usage. Il y a évidemment une incertitude sur la durée de cette période, incertitude qu’aucune approche technologique d’investigation ne permet de lever.

Dans le deuxième cas, on est certain de payer deux échafaudages, mais la question est de savoir pendant combien de temps la toiture va encore être généralement étanche. Il y a là la même incertitude sur la durée de vie de la toiture, mais avec des conséquences différentes pour la vie et l’économie de la copropriété.

La réponse à ce choix provient d’un facteur autre qu’une expertise technique, de toute façon impossible à réaliser : la réactivité de la copropriété (en fait, son état de gouvernance). Si cette dernière a la capacité de réagir très vite aux premières fuites sérieuses de la toiture, son intérêt est de prolonger au maximum la durée de vie de la toiture et donc d’en différer le remplacement. Elle gagne ainsi les années d’usage de la toiture.

En revanche, si la copropriété n’est pas en mesure de réagir rapidement aux premiers symptômes d’inondations, il est prudent d’en prévenir l’apparition, faisant par là-même l’économie du second échafaudage, mais aussi, à ses dépends, celle des années d’usage de l’ancienne toiture. En effet, l’expérience montre qu’il faut généralement trois ans entre les premières fuites et le jour de réception de la nouvelle toiture, les étapes étant le temps de l’incrédulité ou de l’égoïsme des copropriétaires non concernés, des expertises techniques, des éventuelles procédures juridiques, du vote en assemblée générale, des études, des appels d’offres et de la réalisation des travaux.

Ainsi, le choix ne résulte donc pas d’une expertise technique, mais d’un raisonnement liant incertitude et état de la gérance, démontrant que gouvernance, expertise technique et prospective doivent se comprendre ensemble. Ici, l’incertitude n’est pas l’ennemi, mais un allié ou à défaut d’une bienveillante neutralité, même en cas de crise. Si on extrapole l’échelle de la copropriété à celle de notre monde, nous avons là un assez bon exemple de l’utilité d’une clarification des liens entre réels, clarification utile à une prospective.

La bonne nouvelle, c’est qu’il n’est pas nécessaire d’atteindre le Graal, l’inaccessible étoile pour reprendre le mot de Jacques Brel, pour voir s’améliorer les choses. Certains architectes comme Luis Kahn, Diébédo Francis Kéré, Peter Zumthor ou Wang Shu – architectes de différents continents – ont une démarche qui peut s’apparenter à cette forme de morale.

Notre conviction est que la valeur des projets humains doit être évaluée à cette aune.

Martine Bligny peintre de la parousie
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