Découvrez la collection Mauvaise Nouvelle, aux Éditions Nouvelle Marge.


Jocelyne Besson Girard nous dévisage

Jocelyne Besson Girard nous dévisage

Par  
Propos recueillis par Maximilien Friche

Les tableaux de Jocelyne Besson Girard commencent tous par des couleurs et des coulures. Et on ne perdra jamais de vue ce commencement. On observe plus qu’une patine, mais une véritable usure, presque une dégradation opérée par l’humidité, comme celle que l’on voit sur des fresques murales. Et pourtant, Jocelyne n’a pas cherché à anticiper le temps, à se projeter dans ce moment de grâce où le tableau commence à disparaître. Au contraire, cette dégradation apparente n’est pour elle que souvenirs. « Ce qui me plait dans ces tableaux détériorés, c’est que c’est comme la vie, la vie qui s’étale, je ne cherche pas à anticiper une dégradation mais au contraire à conserver visible tout le processus de création. Je ne veux pas le perdre. » Sur les traces du début, elle travaille au couteau. Il nous semble qu’elle retire en ajoutant. Les couleurs sont fondues dans un même bain. Jocelyne Besson Girard parvient à produire ce paradoxe d’impression de monochrome avec beaucoup de couleurs présentes. Il y a une immédiateté dans son travail. Celle qui serait incapable de travailler sur commande nous confie : « Si je fais une ébauche, je perds mon tableau. Je recherche la fulgurance. » Elle nous livre ainsi son sujet, et la création elle-même, avec tout ce qu’elle comporte d’inachevé. « La perfection n’est pas quelque chose que je recherche, cela ne m’intéresse pas beaucoup. (…) J’aime la peinture qui parle. »

L’art est la traduction d’une obsession

La peinture de Jocelyne Besson Girard a connu plusieurs thèmes. Mais il y a un fil qui les relie, un fil rouge, un lacet. « J’aime travailler les thèmes de l’identité. Où on va, d’où on vient. J’ai beaucoup travaillé sur les racines. » Ses séries correspondent à des obsessions, elle y revient jusqu’au jour où elle se dit lassée. Peut-être le mystère est-il percé, peut-être l’artiste a-t-elle opéré sa mue. « J’arrête car ça a fini de me transformer. » Et pourtant cette question de l’identité continue son chemin et prend d’autres formes. Exit les lacets rouges, symboles de tout ce qui nous relie les uns aux autres et à l’indicible, Jocelyne campe sur le sujet des visages humains. Cela fait maintenant 20 ans que cela dure. Difficile d’en faire le tour. Impossible de percer le mystère d’un être. Peindre un visage, c’est opérer une mise en abîme entre l’artiste et le modèle peint. Insondable, le mystère ne fait que s’épaissir à mesure qu’on s’y penche, comme deux miroirs se faisant face. Jocelyne s’escrime pourtant à interpréter la réalité qui lui est donnée, à faire parler le modèle.

Figures dévisagées, visages défigurés

Il s’agit donc de visages. Mais quels visages ? Ils ont tous les traits si fins… Un peu androgynes, un peu sans âge. Ils ont un air sage, réconcilié, indifférent à leur dégradation visible, à leurs cicatrices conservées, au mal qu’on leur a fait. Leurs regards sont sachant, ils savent la misère de l’homme, ils en savent aussi la grandeur. Ils ont morflé mais sont encore présents pour nous transmettre l’existence en abondance, avec obstination malgré tout. Jocelyne Besson Girard le sait aussi, « On a toujours une partie de mystère en nous. Mes peintures, c’est comme la vie. Dans la vie, on a des secrets, on a des cicatrices en fait. » Jocelyne travaille des endroits très délicats sur les visages, elle met beaucoup de douceur pour nous les faire proches, malgré la gravité, malgré la profondeur, malgré les cicatrices.

Les visages féminins sont majoritaires dans les tableaux de Jocelyne Besson Girard. C’est qu’elle a un intérêt particulier pour le thème des violences faites aux femmes. Par identification peut-être, par expérience certainement, par souvenir de ces rencontres avec des femmes algériennes à qui elle donnait des cours d’alphabétisation. « Les femmes qui doivent faire beaucoup d’efforts pour exister… » confie-t-elle. Avec cet aspect cérusé, avec ces chevelures enveloppantes, avec ces grands yeux qui rappellent un peu l’Ancien Régime, les visages sont un peu une évocation des icônes. L’artiste s’explique : « Le travail autour des visages des femmes évoque forcément des figures saintes au sens où elles portent la vie, la fécondité. »

Exposition en cours : Les ateliers d’artistes à la Fondation Fourvière à Lyon, pavillon d’accueil Notre Dame de Fourvière, du 22 janvier au 21 mars.

Pour aller plus loin : https://www.jocelynebessongirard.net/


Entretien avec Igor Kubalek
Entretien avec Igor Kubalek
Le regard du peintre Michel Das nous invite à la narration
Le regard du peintre Michel Das nous invite à la narration
Philippe Nouail nous fait rentrer dans le détail de ses souvenirs
Philippe Nouail nous fait rentrer dans le détail de ses souvenirs

Commentaires


Pseudo :
Mail :
Commentaire :