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Petit essai sur l’art autoproclamé contemporain et officiel #1

Petit essai sur l’art autoproclamé contemporain et officiel #1

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Bannissement du réalisme et prise de pouvoir de l’intellectuel

La modernité s'est construite contre l'académisme en tant que courant artistique et art officiel. En même temps, elle a perdu l'enseignement du dessin dans le sens de l’artisanat. Force est de constater que l'académie, en tant qu'institution, et le classicisme ont coexisté. La démonstration ci-dessous repose plus sur le principe d'association, de correspondance et de vision, que sur celui de déduction. La méthode n'est pas contre-scientifique car la plupart des phénomènes intérieurs sont en effet des associations, plus rarement des analyses pleinement rationnelles. La manipulation reposant sur l'association, l'antidote est la dissociation : il s'agit de voir en soi l'effet produit, de le formuler puis de dissocier en posant chacun des termes de l'association dans son juste contexte (Cf. exemple sur l'art et le nazisme ci-dessous). On sous-estime la puissance du symbole. Une image provoque des associations et peut avoir plus d'impact qu'un discours, car les suggestions émotionnelles qu'elle provoque, échappent aux défenses conscientes. Beaucoup de phénomènes, peut être les plus déterminants, se passent en-deçà du conscient.

Toute approche objective (ce qui se passe) devrait, à mon sens, se doubler d'une approche subjective (ce que je ressens). Il s’agit d’allier l'intelligence analytique des faits (le vrai), et l'intelligence instinctive incarnée vitale émotionnelle (le bon, c'est bon ou mauvais pour sa vie). Cette dernière doit avoir le dernier mot et départager, car in abstracto, sauf cas extrême, tout se vaut.

Il s'agit de voir ce qui est montré, de voir hors de soi, objectivement, la proposition sociale et, dans le même instant, dans un continuum psychosocial, en soi, subjectivement, l'impact de cette proposition sur notre constitution individuelle. Cela en termes de plein et de creux, de positif (positivement ce qui est) et de négatif (le vide), de ce qui est, de ce qui devrait être etc. Sachant que le bonheur généralisé est la seule pensée vraiment rationnelle pour une espèce sociale évoluée.

Un exemple d'association consiste à mettre en avant le discours d’Hitler sur l'art dégénéré. Toute critique de l'art contemporain est, de fait, associée émotionnellement aux terribles images du nazisme, c'est une association culpabilisante, un procès d'intention qui met celui qui critique en position de se justifier, c'est juste planter le décor ou détourner l'attention, un décor restreint afin d'inhiber, paralyser toute critique. Le nazisme ne peut pas servir de référence pour penser l'art c'est lui faire trop d'honneur et ce n'est pas aimer ni servir l’art.

Une analyse rationnelle consiste à remarquer que l'art a toujours été un art officiel : les pyramides, les bustes des empereurs romains, les cathédrales, l’art commandé par les Médicis, par Louis XIV… même l'art primitif obéit aux canons de chaque ethnie et constitue un vecteur d’identité. L’art primitif dont le génie est d'allier le code social et l’expression individuelle : on reconnait une statue baoulé et chacune est pourtant unique, elle est donc à la fois un vecteur d'identification et d'intégration sociale, et de développement individuel. Simplement, l'art a son autonomie car il survit aux commanditaires et il ne reste que la beauté des réalisations qui profite aux générations suivantes.

Le philosophe s'est invité dans l'art visuel, sans doute par ennui et détrôné qu'il est par le scientifique. Il charge l'artiste de la critique sociale alors que c'est son rôle d'établir le vrai, l'artiste traditionnellement se chargeant du beau. A la décharge de l'art conceptuel, il faut reconnaître que les cerveaux sont captés par la science de nos jours, le génie qui s'exprimait naguère dans les arts, s'exprime aujourd'hui dans le champ scientifique car là se trouve le débouché social. On ne peut pas réserver aux artistes le sort de Van Gogh, en faire une norme, le génie de notre époque est la technologie. Quand bien même certaines œuvres sont faites par de "bonnes mains", restant par principe anonymes, le statut d'artiste réservé à celui qui est, au fond, le commanditaire, est sur le plan symbolique une incroyable négation du talent, de la dextérité et du savoir-faire, bref de l'art et au-delà de l'humain. 

L'art autoproclamé contemporain, c'est la prise de pouvoir territoriale de l’intellectuel sur l’art contemporain officiel. Ce dernier, qu’il soit figuratif ou abstrait, devient volontairement et visuellement sans message ni émotion. Visuellement insignifiant, il cède la place au médiateur et donc à l'intello, à celui-ci se rend ainsi indispensable et doit verbalement compenser l'indigence visuelle de l’œuvre qui ne se suffit plus à elle-même. Telle est bien la doxa enseignée partout : pas d'émotion, surtout pas d'émotion ! Comme le dit Jean Clair, l’artiste officiel a abdiqué sa responsabilité et son pouvoir, c'est une histoire de pouvoir, une industrie de l’art a pris sa place.

Les dictateurs ont un penchant pour le réalisme, c'est logique psychologiquement puisque ils veulent être représentés, mais ce n'est pas parce-que on est pour le réalisme dans l'art qu'on est pour la dictature ni même qu'on risque de favoriser la dictature et l’oppression. Le réalisme est uniquement un moyen d'expression, une technique. La pensée alibi de l'art conceptuel est à la pensée, ce que la toile blanche est à la peinture : au mieux un point de départ d'une réflexion.


L’art contemporain est un art officiel
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