Petit essai sur l’art autoproclamé contemporain et officiel #2
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De la disparition de la transmission de la technique
L'artiste, surtout dans l'art visuel, n'a pas une vocation première à la critique, d'une part parce-que les mots ont plus de portée pour cela, d'autre part parce-que l'artiste et l'art n'ont pu exister que par la commande. On pense à Molière, exception qui confirme la règle. Il faut de gros moyens pour construire un édifice par exemple, la commande est un a priori de l’œuvre, le marché est un « à postériori ». L'artiste propose et le marché dispose (une pensée pour Basquiat et pour Van Gogh, et une pensée pour tous les artistes qui ne commencent même pas à s'exprimer faute de débouché visible, aux artistes « tués dans l’œuf »). On peut parler de sidération, mais on comprend mieux si on parle de découragement. Dans le commerce, dans sa forme la plus agressive, il s'agit de faire de la marge. Il s'agit donc autant de dynamiser l'acheteur que de décourager le fournisseur, si on « casse les arguments du fournisseur, on le casse », si on casse son esthétique, en lui démontrant que socialement elle est obsolète, par l'exposition permanente à de grands monuments officiels, on le casse aussi, plus en profondeur encore.
Il est vrai que l'art, comme tout moyen de communication, est toujours recyclé, investi, par l'ordre social dans le but de se perpétuer. Aujourd'hui l'art officiel est l'art conceptuel. Ainsi en politisant la question de l'académisme, au lieu de la considérer sur le plan humaniste (c’est à dire d'une permanence humaine, en tant que tradition d'un savoir-faire de représentation, hors de son temps et de son espace, indépendamment de son contexte social), génération après génération, le résultat est qu'on a jeté le bébé avec l'eau du bain.
On a jeté le bébé avec l'eau du bain dans le sens qu'on a perdu la transmission du savoir-faire. Pour la raison qu'aucune des disciplines, anatomie, science des proportions, du trait, de l'ombre et de la lumière ne peut être transmise utilement, isolément les unes des autres. C'est une catastrophe, une imposture. En effet dans une vie, il y a trois options principales (quand la survie n'est pas le souci quotidien, ce qui est hélas le sort de la plupart) : soit l'accumulation ou la consommation ; soit la création ; soit un mélange plus ou moins équilibré des deux (accumulation de biens et/ou de sensations et répétition d'un même comportement qui occupe la place de l'évolution.) Or la disparition de la technologie du dessin réduit les possibilités, car il s'agit bien de cela, si on n’est pas initié, on n'a aucune chance de parvenir au réalisme et au style ensemble. A grand trait, la voie de la création est donc fermée, reste la consommation.
Sur un plan macro-psychologique, c'est à dire statistique, en généralisant le fait individuel au fait social, on peut dire que la disparition de la technologie du dessin et de la culture populaire afférente est un des facteurs favorables à la consommation.
Avant-guerre, la psychologie était axée sur l'action, sur les nécessités de la survie comme la médecine générale. Elle n'avait pas pris son autonomie en se centrant sur les besoins du moi et de la sensibilité individuelle. Les deux approches sont complémentaires. L'action et l'intégration sociale était donc au centre, qui dit action dit énergie, vitalité, élan vital… On parlait d'hydrodynamisme de l'énergie produite par le corps en permanence, destinée à s'écouler à chaque instant, soit en pensée investie de désir donc d'énergie en fait, soit en acte. Avec cette lecture, on comprend bien qu’avoir est plus facile qu'être. La pulsion d'achat est un succédané immédiat de l'acte créatif qui réalise l’être, l'acte créatif manifestation de l'élan vital qui pousse contre les limites et dont le signe est la joie et la plénitude, que Bergson qualifie de joie divine.
Le réalisme est la source de tous les arts comme le suggère le titre "le classicisme est né à l'académie". On peut en faire son genre ou en faire tout autre chose, le laisser de côté en tant que genre comme Picasso qui ne l'ignorait pas cependant, c'est le langage pictural même. Il me semble par expérience personnelle que la pensée de "modernité" ou de "liberté" ne peut pas procurer de satisfaction toute une vie d'artiste. A la longue, elles se transforment en alibis. En tout cas, elle ne peut pas procurer de satisfaction pour tous les artistes et pas pour la génération d'artistes figuratifs à venir pour qui ces notions dans l'art ont de moins en moins de résonance sociale. Les premiers qui se sont "libérés" du réalisme en tant que genre, en étaient imprégnés en tant que savoir-faire. C'est jouissif de se confronter à une technologie, de se l'approprier, de la dépasser, passé la phase d'apprentissage. Elle porte l'inspiration plus loin, car celle-ci est libérée de la contingence de la recherche des règles du monde visuel.
L’art contemporain est art sans « homme de l’art »
Le summum de l'Art avec un grand A ,c'est la poésie, l'évocation etc. C'est le but de l’Art et de tous le arts et ce qui fait un art en particulier, pictural , musical, littéraire…, c’est « l’homme de l’art », l’artisan d 'abord, la technique spécifique, le dessin réaliste dit académique, le solfège, la syntaxe etc. C'est aussi un langage commun, quand des musicologues parlent d'un morceau ils ne partent pas dans le délire comme pour l’art pictural. Le réalisme c’est la source technique. Le réalisme, en tant que genre, ne redeviendra jamais hégémonique sauf à être un art d’Etat obligatoire, il manque l'imaginaire. Ce qui prime dans une image c’est l'univers, l’imaginaire. C’est une limite ontologique. La technique, elle, manque aussi, il y a une beauté de la technique pour la technique, et c’est social, bien sûr la synthèse est plus performante mais elle n’est pas donnée à tout le monde et il faut beaucoup de petit maître pour que sorte un maître. Ainsi, lâchement, à la source de l’enseignement, l’art dit contemporain tente de prévenir l’émergence des artistes par son diktat conceptuel et l’absence de transmission de la technique picturale.