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Petit essai sur l’art autoproclamé contemporain et officiel #4

Petit essai sur l’art autoproclamé contemporain et officiel #4

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Les anciens, les modernes, et le chic de l’art contemporain

Il peut arriver qu'il y ait une rupture de mentalité entre une génération et la suivante, notamment quand apparait une nouvelle technologie. Dans ce cas la culture de l'ancienne génération, qui est aussi un ensemble de savoir-faire, perd son utilité vitale et n'intéresse pas la seconde (« elle ne sert à rien ») qui se structure plutôt en s'imprégnant des nouveaux outils et la nouvelle donne économico-sociale (cf. le tracteur après-guerre dans l'agriculture qui a rendu inutile de savoir manipuler le char à bœuf comme cela se faisait pourtant depuis l'antiquité.) Pour l'art, l'apparition massive de la photo au 19ème siècle a porté en France un coup fatal à la figuration parfaitement réaliste qui lui préexistait dont on dit aujourd'hui justement qu'elle est « photographique » (c’est-à-dire, au fonds, inutile), cela à tort, puisqu'elle est faite de main d'homme, en matières et transparences. Sur ce sujet, il est intéressant de renvoyer à la magistrale démonstration de M. Harouel, professeur d'université d'histoire du droit et des institutions, dans son livre la grande falsification : l'art contemporain. M. Harouel démontre que, suite à l'arrivée de la photo au 19ème et début 20ème, l'artiste a dû se trouver une nouvelle définition sociale, ce qui a permis l'intrusion et la vampirisation de l'intellectuel dans l’art visuel qui est muet par essence. L’art visuel est muet et manuel, il est aussi un artisanat et au-delà, une manière d'être plus en acte qu'en pensée. Si on veut établir la suite un autre ouvrage de référence est celui de Mme Aude de Kerros pour le seconde moitié du 20ème l'imposture de l'art contemporain avec lequel on voit comment s'est installé un nouvel art officiel, l'art officiel étant tout simplement le forme d'art que l'état choisi de financer, de promouvoir au musée et aussi à l’école, art sans substance fait d'influence et de finance. Sur le terreau infertile l’intrusion et la vampirisation de la finance se fit.

L'apparition massive de la photo au 19ème siècle a probablement désacralisé l'image peinte qui a perdu son statut d'icône et sa rareté de même que internet a désacralisé la presse. Reste un problème d’œuf et de poule, est ce que le sentiment religieux a disparu en premier et la figuration religieuse ensuite ou l'inverse ? Un intellectuel pencherait pour la première thèse, un publicitaire pour la seconde. Dans tous les cas il ne faut pas sous-estimer l'importance du rite et de la beauté du rite dans la constitution et la pérennité du sentiment religieux.

A cet égard la lutte entre les anciens et les modernes peut s'interpréter générationnellement, avec un avantage structurel pour les modernes parce que les anciens vont disparaitre et que les modernes incarnent la vie et le futur. Cela ne voulant pas dire que les modernes ont la meilleure conception possible sur le sujet en question, simplement c'est celle qui s'applique dans le temps présent. Les vivants comptent plus que les morts.

Ainsi on ne doit pas culpabiliser le public qui semble, à grands traits, réagir avec retard a une innovation artistique, il faut comprendre qu’elle peut heurter son éducation, seule la génération suivante pourra éventuellement se l’approprier. En ce qui concerne l'art contemporain c'est le phénomène inverse qui se produit : génération après génération il suscite de plus en plus de perplexité à mesure que le contexte devient de plus en plus sinistre et que se perd le gout de la pure spéculation intellectuelle qui ne se traduit pas en actes. L'art contemporain se rêve complexant et culpabilisant.

L'art contemporain constitue un parfait accessoire de chic et d'appartenance

A cet égard ce peut être un accessoire chic, on est tous friand de ce qui peut paraître chic et élégant, de tout ce qui nous semble à la fois un accessoire d'appartenance à la classe dominante du moment et qui nous fait en même temps oublier le singe qui est en nous, notre simplicité primordiale. Pour une classe de gens, dont les parents sont issus du peuple (à grand trait la classe moyenne des trente glorieuses) qui n'ont pas eu le temps dans leur vie de se forger une culture personnelle originale et pour qui les nouveaux outils de communication et l’entreprise sont devenus des modèles structurants, pour ceux-là l'art contemporain constitue un parfait accessoire de chic et d'appartenance. A la fois nébuleux et froid comme l'air du temps, il ne nécessite pas d'être cultivé et il permet de se différencier du peuple de s'en extraire « avec les mains » puisqu'il s'agit d'exister par effet miroir, de se sélectionner et de rester entre soi afin de se conforter dans sa manière d'être.

C'est le nouveau « bourgeoisisme » des bobos : « Vraiment ces gens sont sublimes de bourgeoisisme, ils ne doivent pas exister réellement, ils doivent sortir du théâtre de Labiche ! » Marcel Proust. Une citation « La mode et l'économie œuvrent main dans la main » KRACAUER les employés 1929. On est toujours dans l'art officiel prescripteur des attitudes et esthétiques qui feront de la personne un individu « employable ». Ces injonctions seront d'autant plus intériorisées et suivies que le travail est rare et qu'il n’y en aura pas pour tout le monde ; ainsi s’opère un processus de massification grégaire.


L’art contemporain est un art officiel
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