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Rafael Gil, un cinéaste espagnol oublié

Rafael Gil, un cinéaste espagnol oublié

Par  

« Avec vos films vous faites plus pour la Foi que beaucoup de prêtres en chaire »

Pie XII à Rafael Gil à Rafael Gil, en 1952

 

Né à Madrid en 1913, ancien critique et documentariste, Rafael Gil collabore avant la guerre avec des revues de cinéma  telles Popular films et Films selectos ainsi que dans les journaux Voz, ABC, et Claridad.

En 1933, il fonde le groupe d’écrivains indépendants (Grupo de Escritores Independientes - GECI). En 1935, Il commence à  réaliser des courts-métrages.

Pendant la guerre civile, il fait partie du groupe de cinéastes documentalistes dirigé par Antonio del Amo pour le gouvernement de la république. Engagé par la maison de production CIFESA, il réalise son premier long métrage en 1941 : El hombre que se quiso matar puis Huella de Luz (1943) film pour lequel il obtient un premier succès et El clavo d’après une nouvelle de Pedro Antonio de Alarcón, sur un fond de film noir

Synopsis du film El Clavo : Au XIXe siècle, dans un village de Castille, le juge Joaquín est amoureux de la jeune Blanca. Muté dans une autre ville, Joaquín ne sait plus rien d’elle jusqu’à ce que quelque temps plus tard, ils se rencontrent à nouveau et reprennent leur relation. Le juge est alors en train d’enquêter sur le mystère d’un crâne qui a été découvert avec un clou planté dedans. Or, toutes les pistes signalent Blanca comme étant la principale suspecte.

Pendant cette période, il passe du mélodrame d’époque (El Clavo, 1944) au film « impérial » (Reina santa, 1946), et du film à problématique religieuse (La Fe, 1947) aux adaptations littéraires prestigieuses (Don Quijote de la Mancha, 1947). A partir de ses rencontres avec le scénariste Vicente Escriva, il se tourne principalement sur le genre religieux  alors en vogue : La Dame de Fatima (La Senora de Fatima, 1951),  Hommes en détresse (La Guerra de Dios, 1953) et El beso de Judas (1954) et El Canto del Gallo (1955). Ces films traitent des thèmes éternels de la Foi, de l’espérance, de la charité, de la solidarité et de l’amour.

      

La Dame de Fatima. Ce film évoque  l'apparition de la Vierge Marie, à trois enfants du petit village de Fatima, en 1917. Il compte parmi ses plus grands succès. Le film dont le coût s'est élevé à près de sept millions de l’époque, est distribué dans plusieurs pays catholiques dont la France, l’Irlande, l’Autriche et le Portugal.

Homme en Détresse est un film dur et surprenant pour l'époque. Le rôle principal revient à Claude Laydu qui incarne un personnage de prêtre similaire à celui du film Journal d’un curé de campagne de Robert Bresson (1), film tiré de l’œuvre de Georges Bernanos, sorti deux ans auparavant.

 Synopsis : Andrès n'a pas choisi la facilité. Au sortir du séminaire, il décide de prendre la charge d’âmes d'une bourgade isolée de mineurs. Dans ce lieu de travail et de misère, il tentera de mettre fin  à la violence et à la haine dans lesquelles ces hommes vivaient jusqu'alors. Dans ce film néoréaliste très épuré, les conflits sociaux dans l’entreprise minière, ainsi que l'égoïsme de certains employeurs et la solidarité entretenue par les ouvriers, sont intelligemment décrits et sans manichéisme. La Dame de Fatima et Homme en Détresse sont sans aucun doute deux films exceptionnels, non seulement pour leur superbe facture technique - qui démontre le haut niveau que l'industrie espagnole pouvait atteindre à l’époque- mais également pour leurs contenus et leur mise en scène.

 

En 1952, lors d’une rencontre entre sa Sainteté et le réalisateur espagnol, Pie XII lui témoigna sa gratitude par ses mots : «Avec vos films vous faites plus pour la Foi que beaucoup de prêtres en chaire».

En  1953, son film Homme en détresse (La Guerra de dios) remporte ainsi très justement le Lion de bronze au Festival de Venise ainsi que le Prix de l’Office Catholique International du Cinéma (OCIC). Un Grand Prix d’Interprétation est également décerné à Claude Laydu, familier des petites bondes rivées chaque soir devant leur écran, puisque créateur et présentateur de la fameuse émission « Bonne nuit les petits ».

En 1954,  le sujet du communisme est scruté dans une œuvre très intéressante: Murió hace quince años (1954), adapté des écrits de osé Antonio Gimenez-Arnau. Synopsis. Diego est emmené enfant en Russie pour éviter la guerre civile espagnole. Il sera chargé de répandre le communisme en devenant un agitateur politique. Sa prochaine mission est de retourner en Espagne. Elle concerne son propre père. Il est alors écartelé par ses conflits intérieurs. L’année suivante, Dans El canto dell Gallo (Le chant du coq), il est question d’un prêtre prisonnier d'une dictature communiste à qui l’on interdit la Foi et le même nom de Dieu.  Ce film sera, lui, tourné par obligation en Hongrie, et sortira sur les écrans en 1955.

Le cinéaste espagnol achète en 1958 une villa à Benicàssim, où il vivra jusqu'en 1986, année de sa mort. Amoureux de la Méditerranée, Il prend racine à Valence où iI se lie avec de très bons amis comme Fernando Vizcaíno Casas, écrivain dont il a adapté plusieurs romans pour le grand écran.

Puis Rafael Gil diversifie à nouveau ses thèmes avec plusieurs  longs-métrages tels L’espionne de Madrid (La reina del Chantecler, 1962).

En 1979, sort sur les écrans espagnols le film La boda del señor cura  (1979).

Il s’agit d’une première collaboration entre Rafael Gil et le scénariste Fernando Vizcaíno Casas qui se maintiendra ensuite pour les six films suivants du réalisateur, ses six derniers. Le réalisateur traite ici du sujet très présent du mariage des prêtres modernistes. Si La boda del señor cura  reste une comédie, il n’en est pas moins un film amer et sarcastique avec des moments dévastateurs.

Synopsis : Un jeune prêtre (Pepe Cancho) commence à remettre en question sa vocation. Il décide de quitter la société religieuse à laquelle il appartient. Sans direction, il essaie de travailler comme prêtre ouvrier, mais finit par épouser une femme facile.

L’année suivante, il aborde le sujet de la perte de l’autorité paternelle dans « Hijos de papá ».

En 1983, Raphael Gil clôture sa carrière avec 70 films (2) derrière lui, réalisés ou scénarisés entre 1941 et 1983. Il meurt trois plus tard en 1986.

Ce cinéaste est toujours resté  fidèle à son style filmique : images soignées, scénarii « littéraires » profonds, dialogues pertinents. S’ajoutent à cela, une scénographie efficace et des moyens techniques de premier ordre (photographie, musique, montage).  Il est fort regrettable que les dictionnaires de cinéma ne lui consacrent pas plus d’importance, au regard de son œuvre riche et prolixe. Il fut le réalisateur le plus récompensé du cinéma espagnol de l’ère franquiste. De ce fait, sa filmographie a été longuement et injustement considérée comme « typique des artisans dociles qui réussissent à faire carrière dans l’Espagne d’après guerre».

Aux nouvelles générations de cinéphiles de se forger leur propre avis…

 

Du côté des DVD,

Il faut noter des rééditions remasterisées en Espagne (imports possibles en France) mais malheureusement sans sous-titrage.

 

(1) Robert Bresson avait également confié le rôle du prêtre du Journal d’un curé de Campagne à Claude Laydu, en 1951 soit deux ans plus tôt. Sans aucun doute, Rafael Gil n’était pas resté insensible à sa très bonne interprétation. Claude Laydu a interprété le rôle du chevalier de La Force dans le film Le Dialogue des Carmélites de Philippe agostini en 1960. Il est décédé en 2017.

(2) En France, très peu de films du cinéaste espagnol semblent avoir été distribués ; citons tout de même :

  • La Dame de Fatima (La Senora de Fatima), 1951
  • Hommes en détresse (La Guerra de dios),  1953
  • Le Grand jour (El Gran dia) 1956
  • Sissi 63 (Cariño mío) 1961
  • Le Petit Andalou, (La Vida nueva de Pedrito de Andía) 1965
  • Samba à Rio (Samba) 1965

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