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Sombres visions du futur selon Fredi Melchior Murer

Sombres visions du futur selon Fredi Melchior Murer

Par  

Swiss Made 2069 et Grauzone, deux sombres visions du futur, dues au cinéaste suisse Fredi Melchior Murer.

« Dans le monde humain, les régions périphériques me sont plus familières que le milieu. »
Fredi M. Murer

Dès la fin années 60, puis courant des années 70, de Genève à Zurich, d’un lac à l’autre, les cinéastes suisses – parmi d’autres – Francis Reusser et Fredi M. Murer ne ménagèrent pas leurs mots pour raconter leur pays : « Lausanne est une gigantesque Gestapo, la police est dans la tête des gens » (Francis Reusser) ; « L’espace vital se rétrécit : on a le choix entre le pire et le moins pire » (Fredi M. Murer).

Ces villes terrifiantes de solitude, dans lesquelles on se soumet impassiblement à l’ordre, s’espionne entre voisins, servent alors de décor cinématographique à trois fictions d’anticipation.

C’est ainsi en ces termes que se déploie la toile de fond sociologique d’un moyen métrage et deux long-métrages, respectivement Swiss Made 2069 (1968) de H.R Giger & Fredi M. Murer (1), de Le Grand soir (1976) (2) de Francis Reusser, et de Grauzone (Zone grise) (1979) de Fredi M. Murer.

Swiss Made 2069, une vision d’un futur dystopique.

« Dans ce film, les derniers groupes de fortes têtes incorrigibles ont été assignés à résidence en marge des régions civilisées par la victoire des forces de l’ordre et de la classe médiocrement moyenne. On y prescrit toujours la même distance – comme celle qu’il y a entre un territoire de protection et le monde réel et officiel entre sa propre république et l’étranger que constitue son environnement immédiat, entre le vaisseau spatial et la Terre. » Pierre Lachat

« … 2069 est la vision d’un futur dystopique, dans lequel une société́ techniciste, soumise au contrôle totalitaire de l’ordinateur, est contestée seulement par quelques rebelles à moitié sauvages refugiés dans la nature – un souvenir du Meilleur des mondes d’Aldous Huxley. Outre les décors futuristes de H. R. Giger, Murer – comme Jean-Luc Godard dans Alphaville (1965) – use de lieux suisses réels et d’une architecture contemporaine pour construire cette dystopie imaginaire de l’année 2069, insistant ainsi sur les racines présentes de ce futur cauchemardesque. La liste des outsiders qui ne s’insèrent pas dans cette société́ du contrôle gérée par le soi-disant Brain-Center comporte « des poètes, des naturistes, des criminels, des anarchistes, des rêveurs, des fous, des intellectuels et des scientifiques ». Et cependant, certains de ces outsiders semblent être eux-mêmes des caricatures de figures tout helvétiques : ainsi le gardien qui « s’est tenu sur la frontière depuis 1291 avec son arme non-chargée » et qui prétend être « le dernier Suisse défendant la liberté et la démocratie » bien qu’il « ne possède pas un seul mètre de ce pays ». En fin de compte, on pourrait dire que le point de vue de Murer correspond à celui de la créature extraterrestre venue d’une Entwicklungsplanet (planète en voie de développement) qui étudie la société́ de 2069 et dont le point de vue subjectif est celui qu’adopte le récit – notamment par le fait que la caméra est rivée sur la tête de la créature. Une fois encore, le cinéaste Murer ne prend pas parti dans un conflit idéologique, mais joue le rôle d’un ethnographe analysant les contradictions de sa propre société : un patriotisme réactionnaire appelant au retour à la terre face à un progrès technocratique déshumanisant.

Sculpté ici par Hans Rudolf Giger, l’alien de Swiss Made 2069, dont la carapace est incrustée d’une caméra, enregistre les derniers soubresauts d’une Suisse du futur, parfaite, bétonnée, et ultra administrée.

Les personnages de 2069 parlent de rupture (Umbruch) pour désigner le moment où la vieille démocratie partisane a été remplacée par la soi-disant démocratie plus humaine de la bureaucratie soumise au contrôle totalitaire de l’ordinateur. Le thème de la rupture, de l’événement qui marque, fractionne, modifie le mode de vie se retrouve d’une manière ou d’une autre dans tous les films de fiction de Murer. Il joue un rôle clé dans la structure narrative qui évoque celle du conte de fée en prenant comme point de départ la question « Que se passerait-il si… ? ». Comme le « Violent Unexplained Event » (événement violent et mystérieux) qui change « Life As We Know It » (la vie telle que nous la connaissons) dans la parodie de documentaire The Falls (1980) de Peter Greenaway, l’idée d’une rupture dramatique permet à Murer de combiner hyperbole surréelle et vraie critique sociale. » (3)

Grauzone (Zone grise), une chronique saisissante de la vie quotidienne et puissante métaphore d’une civilisation moderne asceptisée.

« Les zones grises font partie de mon expérience quotidienne. Que je lise les journaux, que je quitte la ville ou que je "revienne" à un rêve, je rencontre partout ce no man's land, cet entre-deux qui n'a pas de nom précis. On le reconnaît pour ainsi dire au fait qu'on ne peut pas le nommer clairement. Parce qu'il se trouve dans une zone grise. » Fredi M. Murer

Dans Grauzone (Zone grise), Fredi M. Murer nous propose une vision du monde cohérente, une Weltanschauung à la fois personnelle (nostalgie de l’enfance ou de la pensée d’avant le conditionnement socio-économique) et globale (regard critique non- violent et lucide sur une société́ oppressante et donc, évidemment, liberticide).

Synopsis.

Mariés depuis huit ans, Alfred (Giovanni Früh) et Julia (Olga Piazza) vivent dans un pays à peine imaginaire où il ne leur manque rien. C'est le plus beau et le plus opulent pays du monde. Sans enfants, ils habitent dans un bel appartement au 16ème étage d'un immeuble dans l’une de ces nouvelles cités. Les sentiers balisés ont leurs bancs tout comme les rues, leurs banques.
Alfred, chasseur de sons passionné, est passé secrètement au service Sécurité de son entreprise. Alfred et Julia gagnent bien leur vie, il ne leur manque rien. Au travers de leurs crises, ils ont appris à mieux se connaître. Il n'empêche, leur qualité la plus notable reste la médiocrité.
Un certain vendredi 12 août 1977, paraît dans les journaux une information bizarre selon laquelle une mystérieuse épidémie s’est déclarée dans tout le pays.
À partir de ce moment-là, se développe dans toute la ville un climat d’insécurité et de surveillance. L’épidémie a pour effet de provoquer la mélancolie au cœur de la population. Dans une société hyper normalisée, il semblerait que seuls les inadaptés ont une chance d’y échapper.
Les médias se chargent de propager rapidement l’information tandis que les responsables alors au pouvoir la bloque. Les gens concernés ne respectent pas le secret.

Le dimanche soir, on apprend de source officielle, que tout cela n'était qu'une sorte d'exercice en prévision d'une catastrophe.

Une rupture causée par le développement d’une mystérieuse épidémie.

« …Dans Grauzone, tourné dans un noir et blanc onirique, la rupture est causée par le développement d’une mystérieuse épidémie de dépression et de souffrances ataviques que le gouvernement s’efforce de dissimuler au reste de la population.

En plus de la dissimulation, de la surveillance et de l’hypocrisie pratiquées par l’État, Murer trouve aussi l’occasion de faire la satire du fonctionnement des médias, qui ne font que retranscrire de manière sensationnaliste les évènements sans questionner la version officielle du gouvernement. La vérité́ est transmise par la mystérieuse station pirate Radio Eisberg qui décrit ainsi les symptômes de l’épidémie :

« Ressentez-vous soudain le besoin de gagner l’air libre ? Vous sentez-vous attiré par les lieux de votre passé ? Aimez-vous les levers de soleil ? Sombrez-vous sans raison apparente dans une profonde tristesse ? Avez-vous le sentiment que votre peau devient toujours plus fine ? Que vous ne vous souvenez plus de rien ? Refusez-vous la possibilité́ de faire enfin quelque chose de votre propre volonté́ ? Sombrez-vous de manière inattendue dans un sommeil sans rêve ? »

Les symptômes de l’épidémie sont typiquement rousseauistes et/ou romantiques : le désir de retour à la nature et à sa propre enfance, pour faire renaitre des émotions éteintes depuis longtemps par le conformisme et la vie en société́. La « zone grise » de la cité bétonnée entre en contradiction avec les « espaces verts » de la nature – un message qui pourrait paraitre simpliste à première vue.

Mais la vision que développe Murer en 1979 d’un mécontentements larvé au sein d’une population manipulée et contrôlée par son gouvernement s’avéra prophétique, anticipant aussi bien les évènements du début des années 1980 caractérisés par la révolte de la jeunesse que l’« affaire des fiches » (4), le scandale de l’État espionnant ses propres citoyens qui éclata au début des années 1990. Le nom Radio Eisberg fait allusion à la métaphore alors très répandue de la Suisse comme un iceberg, une île glacée et isolée – une image qui devint particulièrement populaire parmi les jeunes activistes des années 1980 et qui est évoquée dans de nombreux films traitant de cette période, dont Züri brännt (1980) du collectif Videoladen et E nachtlang Füürland (1981) de Clemens Klopfenstein et Remo Legnazzi. En accord avec la rhétorique destructrice (mais ludique ?) de cette époque et en reprenant des slogans tels que « Rasez la mer que l’on voit la mer », Grauzone se conclut sur la vision d’un bâtiment qui explose. C’est l’ancien lieu de travail du protagoniste Alfred M. – un alter ego de Fredi Murer ? – ce spécialiste de l’écoute clandestine qui vient de révéler à ses collègues la présence d’un système de surveillance au sein de l’entreprise qu’il vient de quitter. La conclusion du film, qui semble lier libération et destruction, présente la plus grande des « ruptures », laissant en effet l’avenir d’Alfred ouvert et incertain. Cependant cette ambiguïté́ correspond parfaitement au ton surréel du film. Comme dans Höhenfeuer (5), en combinant l’observation attentive de détails de la vie quotidienne, notamment une architecture et des décors authentiques, à une structure narrative liée au fantastique, Murer peut ainsi placer ses personnages dans des situations extrêmes de manière à offrir au monde hors du film un miroir critique. » (3)

Le cinéaste entremêle ainsi deux histoires, d’une part l’altération d’un couple, de l’autre l’épidémie étrange qu’étouffent les autorités. La jonction s’opère au moment où Alfred, chargé par son responsable d’enregistrer toutes les conversations de l’usine, craque et diffuse un message subversif dans les ateliers. Fredi M. Murer joue des sons et de leur absence - le mutisme d’Alfred mais aussi le silence qui émane de la ville. « La haute technicité de ce prélèvement du son, et son décalage par rapport à l’image sont le contenu même du film : la perte progressive de tout contact physique avec le monde extérieur, l’atrophie finale de la parole sous l’impérialisme du déchiffrement systématique des sons, et son retour catastrophique. » (Yves Lardeau, Cahiers du cinéma n°322, avril 1981)

La force du propos est de laisser penser que l’action peut se dérouler n’importe où et n’importe quand. Pour reprendre les termes du cinéaste suisse Richard Dindo, il s’agit de « fiction documentaire ». Entre imaginaire et réalité, Zone grise est une chronique fantastique du quotidien, une parabole des temps actuels et futurs d’une civilisation moderne aseptisée. Une fiction d’anticipation très méconnue, réalisée avec de faibles moyens techniques certes (6), mais vraiment digne de grand intérêt tant son sujet traité nous est proche. A (re) découvrir d’urgence.

 

Notes

  1. Swiss Made 2069 de Hans Ruedi Giger et Fredi M. Murer · 40 min · 1968 (Suisse)
    Sur le sujet, lire ici : https://www.classic2vintage.com/en/swiss-made-2069-1969/
    Hans Ruedi Giger (plus connu en tant que HR Giger) est approché en 1975 pour travailler sur le projet d’adaptation de Dune par Alejandro Jodorowsky, pour lequel il conçoit l’environnement des Harkonnen. Il y travaille jusqu’en 1977, année où le projet est abandonné, les financiers s’étant retirés – ses travaux conceptuels sont cependant visibles dans ses livres. Son travail ayant été remarqué, il est engagé pour créer la créature et le vaisseau étranger du film Alien, le huitième passager de Ridley Scott, qui sort en 1979. Il partagera l’Oscar des effets spéciaux en 1980 pour ce film.
    Son nom apparaîtra également au générique d’Alien 3 de David Fincher, film sorti, lui, en 1992.
  2. Le Grand Soir de Francis Reusser, (1976), film ayant obtenu le Léopard d'or au Festival de Locarno
  3. Allégories de « La Vie telle que nous la connaissons » : le regard ethnographique dans les fictions de Fredi M. Murer de Marcy Goldberg
    Traduction : Pierre-Emmanuel Jaques, Décadrages 12, 10 avril 2008.
  4. « Affaire des fiches ». À la fin des années 1980, il a été rendu public que les autorités fédérales suisses ainsi que les polices cantonales avaient observé environ 900 000 personnes sur le territoire suisse soit plus de 15 % de la population — 700 000 personnes et organisations selon les sources officielles — de façon plus ou moins active et avaient ainsi produit des fiches d'information sur ces personnes. Le but avancé de ce fichage était de protéger la Suisse d'activités subversives communistes dans le contexte de la Guerre froide. La découverte du scandale des fiches souleva à l'époque des protestations étendues. 300 000 citoyens demanderont un accès à leur fiche. La confiance en l'État suisse en fut alors ébranlée.
  5. Höhenfeuer (l’Âme sœur) (1985)
    Résumé. À l’écart du reste du monde, dans une ferme suisse à flanc de montagne, une famille vit au rythme des saisons. Une tendre complicité lie les deux enfants, le garçon dit « le Bouèbe », né sourd-muet, et Belli, qui réalise sa vocation contrariée d’institutrice en lui apprenant à lire et à écrire. Après une violente dispute avec le père, l’adolescent s’enfuit dans les alpages. Sa sœur part le retrouver…
    Prix du Jury œcuménique au Festival de Locarno 1985, L’âme sœur, a fait tout récemment l’objet d’une ressortie en salle, en France (21 décembre 2022) : https://carlottafilms.com/films/lame-soeur/
  6. Une fiction d’anticipation, réalisée avec de faibles moyens techniques.
    « …Des images avant toutes choses, et un peu de technique ! Le jeune cinéma suisse des années 1960-1970 qui se fait connaître internationalement en -salles art et essai (en particulier celui réalisé par Le Groupe 5, de Genève) se distingue, au départ, par un style d’écriture qui repose sur une technique nouvelle, le tournage 16mm en son direct, avec des caméras silencieuses prévues à l’origine pour la télé (dont la fameuse Eclair Coutant), la pellicule étant, au final, gonflée en 35mm. C’est ce que l’on a appelé le « cinéma- Coutant-Nagra », réalisé avec la caméra autosilencieuse Coutant inventée en 1960 (ou d’autres modèles d’appareils similaires utilisés dans notre pays, l’Arri BL, auto-blimpée, ou, un peu plus tard, l’Aaton). Cinéaste de la spontanéité à ses débuts, Fredi Melchior Murer et les autres (très) jeunes cinéastes de l’underground zurichois, se lancent, eux, avec des budgets dérisoires en 8mm, 16mm (très rarement en 35mm). Ils emploient les caméras les plus accessibles financièrement, dont le bruit du moteur (souvent à ressort) n’autorise pas (ou très difficilement) du son direct. Puis le son sera rajouté en post-production (des bruitages et de la musique, plus rarement du texte). C’est le « cinéma-Bolex » très prisé, alors, par les débutants, les expérimentalistes et, aussi, les cinéastes politiques militants (bien sûr, la caméra peut aussi être une Beaulieu, une Canon (plus rare), voire une bonne vieille Arriflex bruyante d’avant l’Arri BL). Pour rappel, la petite et légère (donc très maniable) Paillard-Bolex (inventée en 1933, puis perfectionnée en 1956), c’est la caméra déjà utilisée en 1961 pour l’œuvre annonciatrice du nouveau cinéma suisse, Quand nous étions petits enfants d’Henry Brandt. Ces tournages sans son direct obligent à privilégier l’imagination visuelle plutôt que sonore, le lyrisme des images, puisqu’il n’y a pas de dialogues parlés. Ainsi, contrairement à la vidéo d’aujourd’hui (son et image), cela incite à créer comme au temps du Muet (et, même inconsciemment, comme l’avant-garde des années 1920). A retrouver une écriture qui faisait du Septième art un art spécifique jusqu’à la fin des années 1920, alors que le cinéma sonore (et surtout parlant) deviendra, bien trop fréquemment, un ersatz de la narration littéraire, romanesque ou théâtrale (et ne parlons pas de la télévision : le téléfilm traditionnel repose sur une structure de récit carrément esclave du texte du scénariste). Rejetant les influences de l’Histoire du cinéma, « tuant » les « pères » en opposant individualiste qu’il est, le jeune Murer admire tout de même d’anciens cinéastes privilégiant l’image, comme Chaplin, Flaherty ou le Buñuel des débuts. A sa façon, il réinvente un cinéma indépendant -proche de certaines recherches de l’époque où débutait le réalisateur d’Un Chien andalou (Luis Buñuel, Salvador Dali, 1929). »
    A propos du « cinéma privé » de Fredi Melchior Murer, Marcel Leiser Décadrages 12 , 10 avril 2008.

Du côté des DVD et VOD.

  • Swiss Made 2069 de H.R Giger & Fredi M. Murer (1968)
    Film visible ici (sans sous-titres) : https://www.youtube.com/watch?v=3K1LFjuk8OA&t=64s
    (Il constitue le dernier épisode de Swissmade, à côté de ceux réalisés par Yves Yersin et Fritz E. Maeder).

Du coté des livres.

  • Fredi M. Murer - Poche – Collectif
    Éditeur : ‎L'Age d'Homme (1990)
  • « Décadrages 12 » Fredi M. Murer (Étude)
    Éditeur : Décadrages (2008)
  • Fredi M. Murer d’Irène Lambelet
    Éditeur : L'Age d'Homme (1990)
    Collection : Pro Helvetia
  • HR GIGER (40th Ed) - Andreas J. Hirsch
    Éditeur : TASCHEN ; édition multilingue (16 novembre 2021)
    "Le meilleur du graphiste et sculpteur suisse Hans Rudolf Giger résumé en un seul livre. Son œuvre, notamment connue pour avoir été l'inspiration de nombreux films d'horreur, comme Alien, est encore une référence aujourd'hui". - Elle Deco

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