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L'autorité en berne

L'autorité en berne

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Le vaudeville que nous propose la présidence de Hollande n’amuse plus vraiment personne. Son effet le plus pervers est sans doute qu’il étouffe les vraies questions au milieu de sujets habituellement réservés aux tabloïds, fusse dans leur version politique : François aime-t-il encore Julie ? Manuel va-t-il continuer avec Arnaud et Benoît ? Tout le monde le constate : le politique, et même tous les politiques, y perdent leur autorité. On ne parle plus du « Président » mais de « pépère », « Mollande », « François zéro »… Non sans une certaine nausée, tant il est clair que toute autre autorité est atteinte par ce discrédit, qu’il s’agisse de celle du policier, ou celle du père de famille.

C’est que l’autorité, qu’elle soit politique ou non, repose sur des ressorts qui, aujourd’hui, ont une peine infinie à fonctionner.

L’un de ses premiers ressorts est la bienveillance : autrement dit, celui qui est soumis à une autorité doit percevoir que celle-ci le conduit vers un bien, et bien sûr un bien qui le concerne. En politique, il s’agit on le sait du bien commun. Or nos « politiques » ne le poursuivent pas, mais poursuivent à la place leur intérêt personnel : Valls vise l’Élysée, Hollande un second mandat… L’écran de brouillard censé faire illusion est nommé « intérêt général ». Il s’agit d’expliquer à chacun qu’il doit renoncer à ce qui l’intéresse personnellement au profit de ce qui intéresse tout le monde. Voilà bien l’arnaque du siècle. L’intérêt général n’intéresse personne si le pouvoir n’est pas capable de montrer qu’il est aussi l’intérêt de chacun. Mais quoi de plus hétéroclite que l’intérêt individuel ? La notion de « bien commun » est plus pertinente, parce qu’elle renvoie à ce qui est non pas seulement subjectivement ressenti comme bon, mais à ce qui est objectivement bon. Seul l’accord sur un bien commun objectif peut unir une société et lui donner une cohérence. Sans lui, la diversité des intérêts conduit à la dissolution du lien social.

Un deuxième ressort de l’autorité est la légitimité. À 17 % d’opinions favorables, le pouvoir est fragilisé. Mais qui croit encore que l’opinion est la source de la légitimité d’un pouvoir ? Faut-il mettre cette source dans la majorité ? Ou encore dans la compétence ? Nos désillusions sur la légitimité du pouvoir humain fragilisent l’autorité, parce que nous ne croyons plus au mythe de la volonté générale. Malraux a en son temps fort bien exprimé ce malaise : « Il n’est pas d’idéal auquel nous puissions nous sacrifier, car de tous nous connaissons les mensonges, nous qui ne savons point ce qu’est la vérité »1. Ce qui reste, c’est que le pouvoir a perdu toute légitimité, même au regard des critères de légitimité dont il se réclame. Concrètement, le président a perdu le soutien de la plupart de ses alliés politiques, ainsi que de l’opinion.

Enfin, un troisième élément déterminant de l’autorité est la capacité d’être « auteur », comme le signifie l’étymologie « autoritas ». On n’a pas d’autorité quand on est perçu comme incapable d’être l’auteur de ses décisions, parce que ce décisions sont prises sous la pression de nécessités, par exemple économiques, ou qu’elles sont prises ailleurs, à un autre niveau comme l’Europe par exemple.

Finalement, en entretenant une culture relativiste et individualiste, qui interdit l’idée qu’il y aurait une vérité du bien au-delà des égoïsmes individuels, et en abandonnant les décisions politiques à des technocrates, les politiques ont scié la branche sur laquelle reposent leur séant.

  1. André Malraux, La Tentation de l’Occident, Pléiade, I, p. 110

Les valeurs de la République à l’aune de Milgram
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