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La corrida ou la tradition de la pornographie

La corrida ou la tradition de la pornographie

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Ce n’est pas parce qu’on s’appelle Voltor que l’on passe son temps à dénoncer l’islamisation du pays et à combattre les pièges du politiquement correct, que l’on est obligé d’endosser la panoplie complète du connard. Genre Qui suis-je ? Je suis contre l’avortement, pour la peine de mort, contre l’immigration de masse et pour la Corrida, je suis… je suis… et bien non, ce n’est pas moi. Qu’on se le dise je suis opposé au spectacle de la Corrida et je viens même de dépasser un cap. Précédemment attaché à la liberté, bien que trouvant le spectacle abject, il m’est arrivé de soutenir la tradition taurine ici ou là. Mais maintenant, j’ai basculé. Je suis contre point barre. Je suis donc pour l’interdiction et je fais mien le slogan : quand la tradition tue, il faut tuer la tradition.

Pornographie

Spectacle gratuit pour les enfants mais très chers pour les bourgeois qui veulent s’encanailler, ressentir le frisson parcourir leur dos de la nuque jusqu’au sillon. Il faut réserver les mises à mort à l’élite qui s’ennuie, les autres ont la télé. Ce n’est pas la mort d’un animal, fusse-t-elle atroce, qui me scandalise, c’est le fait que l’on en fasse un spectacle. Et il s’agit du seul spectacle où il se passe réellement ce que l’on voit. Non pas le seul spectacle, c’est également le cas de la pornographie. Ça ne vous dit pas dimanche prochain, à Vic Fezensac, patrie primée pour avoir fourni un premier ministre authentique type Knacki Herta, on va tous en famille voir un spectacle pornographique gratuit pour les enfants ? Rassurez-vous, le taureau s’épuise réellement à courir en rond après tout ce qui s’agite et l’énerve, le taureau souffre réellement qu’on lui plante les gros cure-dent dans le cuir, le taureau tombe réellement d’épuisement et de douleur, le taureau agonise réellement salement devant vous après avoir été transpercé par l’épée. Pas toujours, les bons toreros ne font pas souffrir leur bête. Et puis d’ailleurs, celui que l’on applaudit, c’est toujours le taureau ! Quand il se bat bien, quand il meurt avec classe. Il faut savoir mourir sinon : remboursez ! On les verrait eux, ce n’est pas si facile de mourir avec classe. On a vite fait de ramper et de baver… L’autre point commun avec la pornographie, au-delà du réel, est bien sûr la nature du plaisir procuré. Je n’ai pas trop envie d’entrer dans les antres psychologiques pour me justifier. Puisque si le sacrifice n’était pas sanglant, le spectacle ne serait pas les mêmes et les spectateurs non plus. Ils n’y jouissent pas seulement de la beauté mais de la mort. C’est la mort qui fait bander. Le sentiment est donc le même depuis la Rome antique. La tradition fétichiste est bien ininterrompue.

Comme à la messe

Quelque argument fallacieux de catholiques amoureux de toutes sortes de traditions par réflexe de conservation de notre culture, pourraient me faire remarquer que la corrida n’est pas le seul lieu du sacrifice, et que le sacrifice n’est pas à bannir car la messe est elle-même sacrifice. Il faut parfois accepter d’entrer en dialectique pour défendre son point de vue. Parlons donc de la messe et souvenons-nous qu’elle est effectivement sacrifice non sanglant, mémorial de la croix. La croix ayant donné le glas de tous les autres sacrifices, celui du temple s’arrêta en 70 de notre ère. Aucune créature ne pouvait dès lors égaler ce sacrifice de Dieu donné lui-même à lui-même en la personne de son fils incarné. La corrida qui plus est prend ses racines dans aucune liturgie mais bien dans la tradition du spectacle depuis l’antiquité. Un spectacle a pour vocation de distraire et de donner du plaisir et non de se relier à l’invisible, ou d’obtenir quelque clémence divine. Dans l’arène aujourd’hui comme depuis toujours, il s’agit bien de jouir de la souffrance et de la mort de l’animal.

Beau tableau

Oui mais. Le dernier argument arrive. Oui, mais on ne peut pas nier que c’est beau. Cette majesté, ce contraste des couleurs, la mise en scène, la cambrure de l’homme en habit de couleur, la force de l’animal, le rouge, le noir, l’or… Oui et alors ? Bien sûr que c’est beau. La preuve on en fait des tableaux. Le radeau de la méduse aussi c’est beau, les chrétiens boulotés par les lions dans l’arène c’est beau, les christs en croix, c’est beau, le massacre des saints innocents, c’est beau, les visions de l’enfer, c’est beau, Guernica, c’est presque beau. Mais en quoi serait-ce utile de reproduire la réalité de ses tableaux ? Seriez-vous prêts à rejouer le massacre des saints innocents, 30 € la place, gratuit pour les enfants ? C’est justement le propre de l’art d’utiliser le mal comme matériau, comme input, pour le transformer et nous mettre devant le mystère de la beauté contenue dans le mal. Si nous faisions la pièce de théâtre de la mise à mort du taureau sans réellement le faire souffrir et mourir, ce serait peut-être une œuvre d’art, réussie ou ratée, mais la mise à mort ne peut jamais l’être. Elle n’est que jouissance du mal. Il ne suffit de mettre en face d’un monstre une tarlouze violette qui porte à gauche pour masquer la réalité. Autant aller à l’abattoir. Mais cela n’a rien à voir me rétorque-t-on ! Le taureau s’est bien battu, il est mort dans la dignité. En réalité on lui offre la tragédie. C’est comme si on sortait un homme d’un camp de concentration pour lui permettre de ne pas mourir en troupeau et de vivre une belle agonie en public. Autant finir en vidéos.


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