La malcité
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Comment en sommes nous arrivés là ? Comment celles qui ont attiré tant de nos aînés se retrouvent aujourd'hui sclérosées ? Celles qui offraient toutes les promesses du progrès, de la fée électricité à l’automobile, du travail pour chacun au logement pour tous, ne présentent plus qu’un visage de désolation où le pôle commercial jouxte la zone industrielle, laquelle fait face à la déchèterie, voisine du quartier d’habitat social.
Les urbanistes, les sociologues, les politiques sont pourtant sûr de leur fait : la métropolitain est en marche, la majorité de nos concitoyens, et donc la moitié au moins des lecteurs de Mauvaise Nouvelle, vit en ville.
Évidemment la Ville offre encore bien des aménités – services de santé, enseignement supérieur, offre culturelle, place économique, innovation… — mais le souffle, l’élan des débuts n’est plus là. Certains diront que dès ces débuts les quartiers malfamés, les bordels et les tripots ont été l’apanage des villes. Certes, oui. Mais existaient encore les marques d’une entité aujourd’hui bien lointaine : la paroisse. On allait encore aux putes et à confesse.
Répondant à un espace géographique plus restreint, la paroisse était surtout portée par une dimension toute autre que spatiale. Et c’est bien cette dimension qui manque aujourd'hui dans nos villes. Quelques villages de montagne, non repeuplés de néoruraux et autres rurbains, gardent la trace de cette flamme. La vie paroissiale y est moribonde mais on sait encore que son prochain est son voisin, qu’accueillir la différence c’est donner une place au déficient mental, le fameux simplet du village, que vivre et mourrir au pays ce n’est pas tous les jours facile, mais que la solidarité et l’entraide coûtent moins chers que les télé-services de e-santé assurés par un plateau téléphonique au Maroc.
La malcité, cité mauvaise, n’est pas caractérisée par la pollution, la violence ou la surpopulation mais par sa déchristianisation . Cette antejerusalem s’est trouvée un autre dieu : la consommation.
La grande distribution inonde nos villes de ces temples voués au marché, les centres, pôles et mall commerciaux, tous nouveaux, tous pareils. Les panneaux publicitaires « 4 par 3 » s’érigent comme autant de calvaires d’antan. On communie devant son petit écran à coup de pub, on adore ses cartes de fidélité. Les soldes deviennent pèlerinage biannuel. S’il y avait à Lourdes autant de brancardier que de pousseurs de caddie… combien de guérison et combien les citadins que nous sommes seraient plus heureux !
Télérama peut bien faire sa une une fois par an sur l’horreur des entrées de villes et de leurs zones commerciales, les neo-bigots de cette divinité restent fervents, pratiquants bien que ne croyants plus en rien.
Alors oui la malcité, c’est cette ville sans autre espérance que la prochaine reduc’, la prochaine promo, cette cité sans l’Eternel, non que Lui l’ait déserté mais que nos villes l’ont enfermé dans nos églises, quand celles-ci ne sont pas démolies.
Remettons l’église au milieu du village, du quartier, de la ville. Que la Ville retrouve sa dimension d’échange, d’accueil, de solidarité où chacun pourrait commencer à l’échelle de son pallier, de sa rue, de sa paroisse.
Annonçons la Cité de l’Emmanuel.