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Un rêve parisien, en visite chez Jacqueline de Roux

Un rêve parisien, en visite chez Jacqueline de Roux

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Mon cœur bat la chamade. J'arrive nuitamment rue de Bourgogne après un long voyage éreintant. Il se fait tard. Sur la poignée de la porte laquée de rouge pend un petit emballage de chocolats. Il contient la clé de l'appartement. Je la glisse dans la serrure…

Aussitôt, l'ouverture laisse entrevoir l'espace adouci de formes. Il est certain que ma fatigue rend les présences des lieux encore plus énigmatiques. Tout apparaît, en ouvrant la porte de l'appartement, dans la pénombre et le calme.

Avec mes pas de satin, je gagne l'alcôve où se trouve un petit lit – celui-là même où Ezra Pound a séjourné ! La petite pièce a les proportions d'une cabine de chalutier et des serviettes préparées à mon usage sont posées sur le lit. La chambre abrite une falaise de livres prêts à s'effondrer au moindre faux pas de ma sentinelle. Je m'allonge, presque instantanément, investi par un rêve. Et parce que les songes ne connaissent pas de limites, je me retrouve dans une grande ville, au milieu de la circulation…

Je me réveille vers les neuf heures du matin, reposé et agité à la fois par cette animation psychique. J'essaie de remonter le fil du rêve, comme on visionne des extraits d'une vieille bobine de film… 

Je me voyais donc dans une ville qui aurait pu être Paris mais qui ne l'était pas. Au milieu des transports en commun interminables ; sur le qui-vive, je demande ma route à un quidam. On me dit que l'endroit que je cherchais est assez connu. Il s'agit en fait d'une adresse qui logeait, jadis, une institution royale. Je rentre et

me trouve aussitôt dans une sorte de musée. Une grande salle entourée de larges fenêtres. 

Une personne apparaît et s'adresse à moi. En fait, nous visitons des collections anciennes disposées dans des boîtiers vitrés. Chacun des objets porte des étiquettes écrites à la main. On ne saurait dire s'il s'agit de petites sculptures ou bien d'insectes. 

D'autres visiteurs, hagards, passent devant moi sans vraiment nous remarquer… Je m'adresse au roi en français, langue qu'il comprend très bien.

— Votre Majesté, avez-vous créé cette collection ? 

— Oui ! Oh, cela fait bien longtemps que l'on ne m'a pas appelé de la sorte ! C'est toute une vie qui se déroule dans cette grande salle. Une cueillette de roi. Je ne règne plus. Mais je conserve la nostalgie des grandeurs. Les temps ont bien changé. Je suis moi-même une sorte de pièce de musée, vous savez ! C'est une pièce de Shakespeare moderne, ce pays…

On doit sans doute se trouver dans quelques pays nordiques à l'identité diluée.

D'autres visiteurs passent entre nous, la foule emporte le roi. Je ne le revois plus dans la foule.

À ce moment-là, apparaît une image plus nette. Je vois flotter un drapeau sur un bâtiment. Un drapeau frappé d'une croix blanche. Sans doute le drapeau d'un pays nordique ?

En fait, cette image n'est pas fictive. En traversant nuitamment ma ville dans le bus brinquebalant, j'ai bien aperçu un drapeau pendu à une façade officielle. Sans doute une ambassade.

Le lendemain du rêve, je suis invité dans une sorte d'hôtel particulier qui m'était apparue comme une ambassade désaffectée. Cela se déroule dans une rue calme. Apparaissent, derrière une porte entrouverte, des colonnes doriques, des dorures au plafond ! des miroirs sans fond ! Mais aucun meuble. Puis, une petite cour extérieure où apparaît un bassin d'eau.

Des convives se regroupent autour du bassin. D'éminents écrivains et critiques d'art. Nos silhouettes se reflètent dans l'eau… En levant les yeux au ciel, la lune et quelques étoiles scintillent dans la nuit calme et chaude. Tout semble comme dans un décor peint, y compris les silhouettes des convives…

Les verres à champagne prennent la parole, transparents à nos pensées intimes, tandis que nous gardons silence…

Nous n'avons pas vraiment besoin de prononcer des mots, nos pensées semblent magiquement reliées entre elles.

En fait, il semble que la cour de l'hôtel cache un secret. Comme si des œufs de Pâques y étaient cachés… Des enfants s'amusent à courir entre nos jambes. Tout semble irréel, magiquement suspendu et hors du temps, comme dans un tableau préraphaélite de John William Waterhouse…


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