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3 romans qui parlent de Dieu, de croisade et de sang (2/3)

3 romans qui parlent de Dieu, de croisade et de sang (2/3)

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#2 – Le plus politique : Vendetta, de Jeff Carnac (Ed. Le Retour Aux Sources)

Vendetta est un OVNI littéraire. Un de ces bouquins dont on s’étonne qu’ils n’aient pas connus une postérité plus large. Ou qu’ils n’aient été strikés plus tôt par un pouvoir inquiet. 

Initialement paru en 2010, Vendetta vient d’être réédité, dix ans plus tard. L’occasion de (re)découvrir ce roman comparable à peu d’autres. D’ailleurs, l’avertissement de l’édition 2010 nous mettait d’entrée au parfum : 

“Tranquillisez-vous, c’est du second degré. 

En attendant le troisième”

Vendetta est l’histoire d’un type banal, qui pourrait être vous, nous, un de vos collègues. 

Un type dont la vie morne, éteinte, grise se grippe un jour. De cette vie brisée de cadre anonyme va sortir autre chose. Quelque chose d’imprévu, d’improbable quoique possible, mais surtout quelque chose de terrible, que le narrateur se chargera de vous conter.

Ce qu’on peut toutefois vous dire, c’est qu’en termes d’analyse politique contemporaine, d’action violente dans un contexte de forte asymétrie, de poussons pour faire tomber ce qui penche déjà, de psychose à contenu religieux, d’eschatologie millénariste en marche (et en armes), d’apocalypse peut-être pas bien comprise mais en tout cas appliquée (si tant est que ce soit possible), de haine pour tout ce qui est le plus haïssable, et de manque de pitié et d’humanité (il faut le dire) pour les naïfs, les traîtres, et autres agents d’un système corrompu…

Vendetta se pose un peu là

Vendetta, c’est un peu l’envers du Daech. Disons : c’est la guerre sainte à domicile. Pas celle des partants pour la Syrie pour aller tuer des chrétiens, pas celle des revenants tuant des adolescents modernisés, non, la vraie guerre sainte. La guerre de l’homme de foi contre une société qui, structurellement et résolument, parce qu’elle refuse l’ordre naturel des choses, a juré la perte de l’Homme, celle de son âme, par un essorage consumériste, mercantile, superficiel, déshumanisant jusqu’au-boutiste.

Vendetta, c’est l’histoire d’un type – loin d’être seul – qui va porter la guerre là où on aime la préparer, mais surtout pas la voir ni la faire. C’est-à-dire : au sein-même de la war room du Système, sur l’établi des ennemis jurés du genre humain. 

Vendetta, c’est le retour à l’envoyeur – à domicile, dans la rue, de nuit comme de jour – de la violence indirecte d’un système en violence directe effroyable, cruelle, terrible. Capital et intérêts remboursés sur le champ, sans moratoire. 

Vendetta, c’est l’huissier terrible qui débarque, celui à masque d’ange exterminateur, celui qui réclame et prends en rançon de dizaines de vies brisées celle de l’usurier – et parfois même celles de ses proches. 

Vendetta, c’est l’arrivée impromptue du jugement individuel sur terre, le rétablissement éclair de quelque chose qui procède – quelque part – de la justice divine portée par des hommes. C’est le temps du grand bilan, l’heure de la pesée des actes et des âmes, le moment de rendre compte, celui de l’addition sans échappatoire. C’est l’hallali, non plus de la proie, mais du chasseur. C’est une boucherie. 

Politiquement, Vendetta est un mode d’emploi de la remise (d’une partie) des pendules à l’heure. Un manuel pour imposer cette troisième manche que personne n’avait prévu de jouer, surtout pas ceux qui avaient décidé, au nom de tous, que deux manches gagnantes (pour eux), c’était bien assez. La troisième, la plus brève, sera perdue et bien perdue.

Vendetta est plus qu’un livre; c’est un manifeste, un cookbook, un samizdat, une bible (sans majuscule, c’est déjà bien). C’est Fight-club de Chuck Palahniuk, le nihilisme en moins et de l’exégèse vétéro-testamentaire en plus. C’est Juste être un homme de Craig Davidson, mais pas tout seul, et avec de la politique. C’est Extension du domaine de la lutte de Houellebecq sans la dépression et avec le passage à l’action (ou alors, après la dépression). C’est le début d’une croisade qui ne dit pas son nom, non contre des agents de second ou troisième rang, mais contre les acteurs principiels du mal contemporain, la caste directement opérative, le coeur de la Bête servi par ceux qui – par bêtise, appât du gain, facilité, orgueil – serve le Mal commun, font la dis-société, tuent les mains propres, ravagent en souriant. 

C’est le châtiment de ceux qui se croyaient à l’abri. De ceux que le Système ne prend pas la peine de protéger, non parce qu’il est assuré de leur sécurité, mais parce qu’il s’en moque, justement. Satan n’aime pas ceux qui cèdent à ses sirènes. S’il déteste les saints, il méprise plus encore les pécheurs. Et ceux qui lui succombent, il les jette une fois qu’il les a perdus. C’est la double peine du méchant : n’avoir pas servi le Bien et ne rien recevoir de véritable, en salaire. 

Voilà.

On ne vous en dit pas plus, sous peine de dévoiler le cœur du roman, son intrigue. On vous encourage seulement à le lire, et à le faire lire. Et quand vous l’aurez fait, dites-nous en commentaire ce que vous en avez pensé.

Pour finir, on citera seulement cet extrait, qui tient lien de quatrième de couverture : 

“Lorsque les démons seront sur le point de triompher, ils se montreront. Ils seront visibles.
Ils se sont glissés parmi nous, ceux-là dont la condamnation est écrite depuis longtemps. 
Et parce qu’ils seront visibles, à l’instant de leur triomphe, cet instant marquera aussi leur chute. 
Alors, ceux qui marchent au service de l’Éternel sauront qui doit être détruit. 
Alors, il sera possible de faire une guerre véritablement sainte.”
Amen. 

Pour vous procurer Vendetta, c’est par ici.


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