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Boualem Sansal plus fort que Houellebecq

Boualem Sansal plus fort que Houellebecq

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Houellebecq, indéniable prophète et écrivain français le plus connu et le plus lu sur la planète, a récemment déclaré : "Boualem Sansal va beaucoup, beaucoup plus loin que moi dans Soumission. Il faut lire 2084, la fin du monde. C'est très intéressant et bien écrit. Je n'ai moi-même pas fini d'écrire sur ce thème".

De quoi s'agit-il ? Du radicalisme religieux qui menace les démocraties. Du Grand Remplacement de la civilisation occidentale par l'arabo-musulmane.

Dans une interview au Figaro le 24 février, Boualem Sansal s'inquiète de la crise économique qui sévit dans son pays l'Algérie et pourrait générer des métastases islamistes qui toucheront l'Europe : "S'il y a une explosion de l'Algérie, le Maroc et la Tunisie seront déstabilisés. L'Europe sera confrontée à un mouvement migratoire de masse qu'elle ne pourra pas maîtriser. Le problème de Calais apparaîtra bien minuscule en comparaison."

Sur l'omniprésence des islamistes dans le cercle du pouvoir de Bouteflika, il continue ainsi : "Ils ont fait un deal avec le pouvoir , ils partagent la rente pétrolière et sont introduits dans l'administration : certains islamistes sont députés ou ministres. En parallèle, ils investissent le domaine culturel et social. Le terrain économique leur permet de "faire beaucoup d'argent" avec l'Arabie Saoudite, Dubaï ou la Turquie. Cela participe à l'internationale islamiste. Bouteflika leur a cédé la "gestion" du peuple. Dans les petites villes et les villages, ils sont maîtres du jeu et font régner leurs règles théocratiques terrifiantes".

Lui, qui vit à Boumerdès près d'Alger, contemple non sans effroi la construction pharaonique de la troisième plus grande mosquée du monde, après La Mecque et Médine, projet de 4 milliards d'euros sur un site de plus de 40 hectares, dont le principal minaret s'élèvera à 250 mètres dans le ciel algérois, comme un double symbole de mégalomanie du pouvoir en place depuis plus de 15 ans et de toute puissance de cet islam décomplexé qui n'a jamais été aussi conquérant, le revendique et se met en marche. Inutile de préciser que les géants français du bâtiment sont invités aux premières loges de cet immense chantier par un Bouteflika qui ne cesse pourtant de cracher sur la France qu'il qualifie de raciste, colonialiste et esclavagiste, et qui exige d'elle une sempiternelle repentance à laquelle elle se soumet docilement. Qu'importe pour nos champions nationaux mondialisés, "la providence artificielle" qu'est le marché mondial ne doit plus s'embarrasser de questionnements fondamentaux sur le sens des choses et des entreprises humaines ! Tout cela appartient au passé clivant, moral, et soucieux de cultures singulières. L'essentiel pour eux est qu'il y ait beaucoup d'argent à la clé et que la croissance mondiale et leur propre rentabilité soient dignement servies et honorées.

Dans 2084, la fin du monde, Boualem Sansal nous décrit un empire islamiste mondial articulé sur un système unique et incontestable : l'Abistan, cet empire tire son nom du prophète Abi, "délégué" de Yölah-Dieu-sur terre. Une seule langue existe, l'Abilang. Les autres langues ont disparu car elles étaient source de relativisme et portaient atteinte à la pureté de la religion.

Dans ce monde orwellien, l'amnésie généralisée et la soumission au Dieu unique ne souffrent d'aucune opposition. Suite aux immenses guerres saintes qui ont ravagé la surface de la terre, l'oligarchie de la Juste Fraternité au pouvoir a scientifiquement organisé la vie, la hiérarchie et les castes parmi les croyants, et créé de toutes pièces le mythe d'un monde parfait. La singularité est proscrite. Penser par soi-même n'est plus possible, les hommes ont été lobotomisés, ils vivent au rythme des prières quotidiennes et des préceptes imposés par le Gkabul, le livre saint. Le système de surveillance est omniprésent et infaillible, constellé de délateurs anonymes, tout un chacun qui peut -doit- par révérence au régime, obéissance et ambition, dénoncer son voisin aux polices et tribunaux qui régissent le quotidien. Toute velléité de rébellion et toute déviance sont éradiquées. La mort règne en maître, la vie n'a aucune valeur dans cet univers absurde et ultra violent, l'homme est devenu un élément fongible dont le caractère sacré a disparu, il est un ersatz, abruti par les récitations qu'il ânonne de versets du Gkabul, vide de sens, d'épaisseur et de poésie.

Ati, le personnage central, met en doute les certitudes imposées. Que peut-il y avoir derrière les apparences fictives? Quel est l'envers du décor? Dans sa quête d'une illusoire frontière, d'un autre monde, à travers les 60 provinces de l'Abistan, dans les ghettos grouillant de renégats qui vivent sans le recours à la religion, il va traverser mille périls, déjouer les pièges tendus par l'Appareil, rencontrer des personnages intrigants ou merveilleux qui lui donneront le goût d'un autre monde disparu, ou rêvé, nul ne le sait vraiment.

Boualem Sansal, lucide et visionnaire dans l'entretien donné au Figaro, n'entrevoit aucun reflux, aucun mouvement inverse dans la conquête islamique à laquelle nous assistons, bras ballants, yeux rivés sur nos souliers, spectateurs soumis, masse informe abêtie et manipulée par la machine infernale des médias tolérants et droits de l'hommistes, des élites politiques mondialisées qui touchent enfin leur graal d'un monde déconstruit, multiculturel, sans voir que cela mène tout droit au chaos : "Il y a certes une compétition entre islam salafiste et islam traditionnel, entre chiites et sunnites. Cependant, on constate que les différences s'estompent à l'intérieur du monde sunnite tandis que la confrontation a lieu entre chiites et sunnites. Mais, là aussi, des alliances stratégiques se nouent. Peu à peu, le monde musulman se reconstruit et retrouve ses ambitions premières et sa volonté hégémonique. La frontière avec l'Occident commence à être abolie puisque maintenant l'islam politique s'ouvre des espaces à Londres, à Paris et à Bruxelles. On peut imaginer que dans trente ans, l'islam gouvernera l'ensemble du monde musulman qu'il aura unifié. Dans soixante ans, il partira à la conquête de la civilisation occidentale".

Et nous comprenons mieux ce roman d'anticipation qu'est 2084, la fin du monde. Pour Sansal, il reste moins de 70 ans au monde libre avant sa disparition. Effrayant. Le réveil est urgent.


Houellebecq : celui qui ne sait ni écrire ni vivre
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Tsss… Houellebecq, Houellebecq !
Tsss… Houellebecq, Houellebecq !
Soumission de la personne humaine
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