Fourest ou le vertige #MeToo
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Fourest ou le vertige #MeToo
Dix ans, ça se fête ! La journaliste et réalisatrice Caroline Fourest, fer de lance d’un féminisme assumé, sort à l’occasion de l’anniversaire du mouvement #MeToo un opus intitulé Le vertige MeToo. Pour le mâle blanc, hétérosexuel, catholique, de cinquante ans que nous sommes, il est donc utile de se muer en ethnologue pour comprendre la pensée de celle qui se définit comme lesbienne et androgyne mais surtout, qui croise le fer avec ses congénères féministes les plus virulentes adeptes d’une forme de terreur lorsqu’il s’agit de condamner toute forme de violence faite aux femmes. On comprendra au fil de la lecture que l’auteur souhaite ne pas dénaturer l’héritage #MeToo qui a permis que les langues se délient, que les injustices faites aux femmes soient mieux reconnues, mieux sanctionnées par la justice, et qu’elle ne veut par ailleurs, ni d’une société sans hommes, ni la condamnation de l’hétérosexualité considérée par les féministes radicales comme inégalitaire, ni d’une généralisation de l’homosexualité, ni la culture de l’annulation -cancel culture- à l’encontre des personnes coupables de violences réelles ou supposées, ou contre leurs œuvres lorsqu’il s’agit d’artistes ou de réalisateurs.
Le point de bascule décisif pour les batailles féministes, car accélérateur de tout, le meilleur et le pire, fut l’affaire Weinstein : « Par la force du symbole Weinstein et d’un hashtag, il existe un avant et un après #MeToo, capables de dater nos conversations au carbone. La libération de la parole ayant rencontré la facilité de dénoncer sur les réseaux sociaux, nous sommes passés sans préavis d’une société de l’honneur imposant le bâillon à celle de la pureté maniant le bûcher et la délation. » L’essayiste donne son objectif : « Pour mesurer la révolution en marche, l’avant et l’après, le meilleur et ses excès, le livre chemine depuis les années bâillon, traverse le séisme de l’affaire Weinstein, la honte et ses répercussions publiques, à Hollywood, aux Césars et au festival de Cannes, avant de décortiquer les mécanismes de l’emballement médiatique, l’injustice de la guillotine à géométrie variable, et d’entrer en zone grise : celle de la séduction. L’espoir est d’approfondir notre conversation publique. De continuer à exposer des prédateurs sans broyer des innocents, de dénoncer des abus sans abuser, d’écouter sans renoncer au doute, de protéger sans opprimer. C’est ce féminisme qui m’inspire, lui que je veux défendre. Une école de contrepouvoir. » Nous aussi, sommes-nous tentés de dire à ses côtés, c’est ce féminisme mesuré, non hystérique et soucieux de pacifier les rapports hommes/femmes dans lequel nous pouvons nous reconnaître.
Sans ambages et fort justement, Caroline Fourest condamne l’époque récente où parce qu’on avait du génie ou du pouvoir l’on pouvait user de violence et même se définir comme pédophile. Il fallait alors ne pas brider la création, ne pas entraver les ambitions, il fallait jouir sans entraves et interdire d’interdire.
La culture de l’impunité semble désormais bel et bien terminée. Souhaitons-le ardemment en tout cas.
Caroline Fourest a ses combats obsessionnels de toujours, même si elle use occasionnellement de nuance dans ses analyses. En tout état de cause, son pavlovisme de caste féministe la porte à se méfier de l’Eglise catholique, des papes -elle cite Jean-Paul II et Benoît XVI- qui, selon elle, sont incapables d’opérer la distinction entre homosexualité et pédophilie, des prêtres parmi lesquels peuvent se trouver des abuseurs, des patriarcats religieux (Islam confondu, ce qui marque une nette différence avec les islamo-gauchistes qui se battent pour les racisés d’origine arabo-musulmane et sont prêts à leur pardonner, au nom de la spécificité culturelle, leur comportement ultra viril et sexiste à l’égard des femmes), des conservateurs qui considèrent que les viols sont essentiellement pratiqués par les migrants, des familles hétérosexuelles au sein desquelles statistiquement auraient lieu la majorité des crimes que sont les incestes.
Cette liste à la Prévert dressée par notre essayiste est selon nous, subjective, excessive et stigmatisante, mais l’on pardonne volontiers ce péché véniel à Caroline Fourest tant ses convictions sont vives et son désir impérieux de se battre pour la gent féminine.
Se définissant comme femme de gauche, progressiste, elle assume de n’aimer globalement pas les gens de droite. Encore un péché véniel ! Elle se dit habitée par sa cause féministe qu’elle vit comme une mission sacrée, se bat pour un féminisme non victimaire, en aidant les femmes à s’assumer, à s’armer face aux risques, pour « fabriquer des guerrières », comprenons des femmes qui n’acceptent pas d’être des victimes, des femmes qui s’expriment et dénoncent les violences qui peuvent leur être faites. Très médiatique, elle suit de près aussi bien le combat d’actrices connues que les causes anonymes.
Plutôt convaincant, et stimulant.