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Le Journal d’Anne-France, un roman vrai

Le Journal d’Anne-France, un roman vrai

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Découvrir un vrai talent d’écrivain dans la mouvance nationale est finalement chose rare. D’abord parce que l’expression proprement littéraire y est relativement délaissée, tant chacun est d’abord préoccupé par la politique dans une période aussi périlleuse pour la France et la civilisation. Ensuite parce que beaucoup sont convaincus qu’ils ne peuvent servir la cause que par l’article, l’essai, le pamphlet. L’argumentation ne saurait être à leurs yeux que directe. C’est oublier ce que purent sur l’opinion certaines fictions, des contes philosophiques de Voltaire aux romans d’anticipation d’Huxley ou d’Orwell.

Mais rare ne veut pas dire impossible et nous tenons avec Romain Guérin, poète et romancier, une heureuse exception. Son premier roman, Le Journal d’Anne-France, mérite la plus grande attention. Il se présente comme un récit autobiographique écrit par une vieille dame née avant la Seconde guerre mondiale et qui a traversé tous les drames et toutes les transformations de la société française depuis cette époque : la débâcle, l’occupation, l’épuration, la décolonisation, mai 68 et le féminisme, l’immigration de masse, l’effondrement des valeurs familiales, nationales, traditionnelles, et le regain qu’elles connaissent dans la nouvelle génération à laquelle l’auteur appartient.

On ne trouve dans ce premier roman aucun des défauts que l’on pouvait redouter chez un jeune romancier engagé dans le débat d’idées : pas de personnages factices venant simplement illustrer une thèse, pas de prêche ou de situation trop manichéennes. Au contraire, les personnages sont vivants, concrets, dotés d’une personnalité originale, et les situations sont enracinées dans le tragique de l’existence. L’aisance du style et la qualité de l’analyse psychologique surprennent aussi chez un si jeune auteur. Qu’on en juge par l’exemple, page 23, quand il fait parler sa narratrice au sujet des femmes : « Une femme – il faut le savoir messieurs – aussi belle et parfaite soit-elle, trouvera toujours quelque chose à se reprocher […] car nous sommes nous les femmes, d’une certaine façon, la vitrine de la Nature, quand l’homme, lui, n’est qu’un chaland déboussolé et avide », ou au sujet de la folie, page 119 : « Elle avait le regard englué dans cet horizon que seuls les fous peuvent voir […] Elle appartenait dorénavant à ces planètes si lointaines et en même temps si proches de chacun de nous, où l’hiver est l’unique saison. »

Les jeunes militants de la cause nationale liront avec profit ce livre, qui est un vrai roman, une véritable œuvre d’art, et cette lecture nourrira chez eux d’autres vertus, allumera d’autres passions, éveillera d’autres curiosités, que celles qu’ils ont l’habitude de trouver chez les conférenciers, blogueurs, polémistes, youtubeurs, qu’ils fréquentent assidûment.


Le Monde d’avant Journal 1983-1988, Roland Jaccard
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