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Les dindons de la farce

Les dindons de la farce

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L’essayiste et ancienne membre du Haut Conseil à l’intégration, Malika Sorel-Sutter, vient de publier Les dindons de la farce où, sur les thèmes de l’immigration et de la nation, elle défend le sacro-saint principe de l’assimilation aujourd’hui bafoué par les idéologies multiculturalistes venues du monde anglo-saxon.

Parfaitement au fait des guerres idéologiques ambiantes, elle évoque son expérience récente : « Lorsque je siégeais au sein du Haut Conseil à l’intégration, j’ai pu constater à de nombreuses reprises à quel point la guerre opposant catholiques et anticléricaux est encore vivace. Les uns se battent pour enlever aux catholiques ce qu’il leur reste : crèche et sapin de Noël, jours fériés, et les catholiques pratiquants, tout à leur défiance envers la République n’hésitent pas à défiler aux côtés des Frères musulmans lors de manifestations contre les réformes sociétales. Dans tous les cas, c’est la France qui se retrouve prise en otage. »

Notre intellectuelle, laïque, d’origine algérienne, mariée à un catholique fustige l’immigration incontrôlée que les gouvernements français successifs cautionnent sans sourciller : « Comment un pays qui peine à oublier « les pages sombres de son histoire », pour reprendre l’expression d’Ernest Renan, et qui aujourd’hui encore abrite des Basques, des Bretons, des Corses, des Alsaciens, dont la volonté de se démarquer reste à fleur de peau, a-t-il pu se croire capable d’assimiler des millions de personnes arrivant d’anciens pays colonisés ? Qui ont des racines culturelles et des pratiques sociales parfois antinomiques avec celles de la France ? Face à cette réalité, comment ne pas admettre que la conjugaison des identités est extrêmement aléatoire ? Il y a dans le refus obsessionnel de débattre de ces questions quelque chose qui, pour moi, dépasse l’entendement. » ; « D’où la persistance d’une défiance mutuelle entre les Etats membres de l’UE, d’où l’extrême difficulté de l’Europe à se forger une communauté de destin, laquelle est pourtant un impératif de survie dans un monde globalisé. Et ce sont ces mêmes nations qui se sont lancées à corps perdu dans l’accueil massif de flux migratoires arrivant de contrées avec lesquelles ils n’ont quasiment rien en commun du point de vue historique et culturel ! Cela aussi dépasse l’entendement. » ; Nous avons tous, Français de souche ou immigrés, été dupés par le manque de lucidité, de courage, de nos dirigeants. Nous sommes les dindons d’une farce qui, hélas, pourrait s’achever en tragédie. »

Comme elle le dit justement, le peuple français a beaucoup à perdre à se laisser entraîner dans des querelles qui appartiennent au passé, que ce soit à propos de l’esclavage, de la colonisation ou encore de la collaboration. Elle cite Gilles Kepel, grand spécialiste du monde arabe et de l’islam qui a le mieux exprimé à quel point l’idéologie propagée a imprimé sa marque dans les questions d’intégration et d’assimilation. C’est ainsi que la réislamisation de la jeunesse maghrébine dans les banlieues est en train de créer un Etat dans l’Etat, fondé sur la haine et le désir de vengeance à l’encontre du pays d’accueil et bien décidé à tordre le cou à la vision classique du général de Gaulle selon laquelle les « Européens sont de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne. »

Ce qui est insensé dans cette histoire, c’est que nous nous sommes nous-mêmes mis dans ces draps-là. Les chantres de la déconstruction, Derrida, Deleuze et consorts ont infesté de leur French Theory les campus américains dans les années 1970, ces campus qui nous renvoient aujourd’hui en pleine figure le wokisme et la cancel culture et qui agissent sous la houlette de leurs élites soucieuses d’inféoder la France à la culture yankee. Le procédé de la déconstruction est infernal puisqu’il s’agit ni plus ni moins que de détester son passé, son histoire, ses grands personnages afin de donner à la France la forme d’un terrain vague où chacun vit comme il l’entend. Où, surtout, l’Amérique peut incrémenter son multiculturalisme et l’idéologie diversitaire afférente. Pour bien mesurer l’intoxication administrée aux élites françaises, voici comment l’ex-ministre de l’intégration, Eric Besson, définissait notre nation : « La France n’est ni un peuple, ni une langue, ni un territoire, ni une religion, c’est un conglomérat de peuples qui veulent vivre ensemble. Il n’y a pas de Français de souche, il n’y a qu’une France de métissage. » Quel fol égarement ! Quelle contre-vérité ! La France forgée au fil des siècles est exactement l’inverse de ce que ce piteux et ridicule politicien en quête de punchlines affirme. Détruire l’identité d’un pays, comme il y contribue, comme le fait lui-même Emmanuel Macron en grand architecte de ce dessein ultime, revient à générer de la haine au sein de la société, à souffler sur des braises déjà rougeoyantes et à rendre la France actuelle détestable aux yeux de ceux qui adorèrent ce qu’elle fût jadis, détestable encore pour les immigrés qui la traitent sans vergogne comme une vulgaire prostituée. Les professionnels du discours victimaire persuadent ainsi les immigrés qu’ils y sont discriminés -ce qui est bien sûr faux tant ils bénéficient des largesses de l’Etat Providence-. Nous sommes donc confrontés à une sorte de détestation au carré, conduisant possiblement à des lendemains infernaux.

L’immigration galopante et incontrôlée est, comme chacun sait, mais comme peu le disent tant le sujet est politiquement incorrect, la cause de l’immense majorité des maux du pays. Cette absurdité, répétée à l’envi, selon laquelle « l’immigration est une chance pour la nation », peut-elle un jour disparaître du logiciel français ?

Malika Sorel-Sutter résume bien l’enjeu en une phrase limpide : « Afin d’éviter que les communautés ne se reconstituent sur la terre d’accueil et n’entravent cette insertion, il est impératif de maîtriser les flux migratoires d’une même origine culturelle aussi longtemps que l’insertion de ceux qui sont déjà présents sur le sol n’a pas réussi dans une proportion suffisante. » Pour cela, encore faut-il croire en la France et vouloir la préserver, ce qui n’est pas le cas des élites françaises fascinées par le mondialisme.

Un point encore. Notre essayiste affirme que la République est victime de tout cela. Nous sommes en profond désaccord avec cette assertion. La République et ses principes ont au contraire permis l’avènement d’une telle société atomisée, repentante, multiculturelle, vide de sens. Le choix délibéré de chasser l’héritage chrétien et de devenir ce terrain vague où « chacun vient comme il est » a été mortifère. C’est bien ici, en France, que, selon le sondage Ifop du 2 septembre 2020, 74% des Français musulmans de moins de 25 ans affirment placer dans leurs priorités de valeurs l’islam avant la République. A l’instar d’autres intellectuels, Malika Sorel-Sutter identifie bien les symptômes mais analyse mal les causes racines de nos tourments. On peut alors douter du bien-fondé des solutions qu’elle apporterait. Une fois de plus, Bossuet, lui, triomphe : « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes. »


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