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Les grandes patries étranges

Les grandes patries étranges

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« Une silhouette s’esquissa sur le bois rouge. Les angles dans la gorge de Joseph fondirent. La fille était là : sa peau blanche, son duvet sur le bord des lèvres. Son sourire lui dessinait des couteaux sous les mâchoires. Des pupilles ovales accentuaient l’aspect oriental de son visage et donnaient à son regard une signature virile, presque une forme de vieillesse, contrebalancée par le cuivre des cheveux, la pointe elfique des oreilles, la porcelaine des joues. » Anima, qui paraît ici dans la splendeur de sa beauté, est cette âme-sœur que Joseph, personnage central du roman Les grandes patries étranges de Guillaume Sire, va côtoyer dans l’enfance et poursuivre jusque dans l’âge adulte au cœur de cette Europe plongée dans les affres de la seconde guerre mondiale.

La résistance est l’un des thèmes essentiels du récit : Joseph se doit de résister à l’oubli possible d’Anima, résister à toutes les tentations, jusque dans le bordel de la Cardinale la femme maquerelle et résistante face à l’occupant, résister aux tribulations périlleuses de la quête de l’être aimée, résister aux nazis et à l’absurdité du chaos, résister pour croire encore à la singularité de la France  : « Le conflit qui oppose la France à l’Allemagne est une lutte de la légèreté contre la lourdeur. Un combat à mort opposant les cigales joyeuses aux fourmis facturières, la clarté de Pascal au jargon de Hegel, le doute cartésien à la suffisance de Haeckel, Versailles à Potsdam, le coq au dragon, Jeanne d’Arc à Brunehilde. L’Europe sera allemande ou française, elle sera protestante ou catholique, capitaliste ou dépensière, moralisatrice ou anarchiste, nihiliste ou mystique, Nietzsche ou Péguy, mais elle ne sera pas, elle ne sera jamais les deux à la fois. » Une résistance qui est en vérité une fidélité ; oui, le sujet du roman est la fidélité vécue et érigée en absolu.
Le mantra de Joseph, au fil des évènements traversés, est limpide, cristallin, il est celui du chevalier à la rose : « Je t’aime ! Je t’aimerai toujours ! Je te protégerai ! » Très tôt, il a aimé Anima, jusqu’au bout il l’aimera. Au mitan du XXème siècle, il est encore des chevaliers contemporains qui vont au bout de leurs idéaux en dépit des vents contraires de l’histoire. Leur esprit est fait d’airain, leur cœur habité d’une profonde sensibilité si caractéristique chez les saints.
Guillaume Sire place donc l’amour et la fidélité au firmament des nécessités de l’âme humaine, son roman christique a le souffle de la geste héroïque qui fleure bon les temps médiévaux, la vie y est vécue en un tourbillon boulimique : tout ce qui n’est pas donné est perdu, le plus grand amour est de donner sa vie pour ceux qu’on aime, l’amour est passion, la vie fidélité transcende la mort.
Ce type de patrie semble effectivement étrange, particulièrement aux yeux d’une modernité égocentrée qui se situe désormais aux antipodes de toute forme d’héroïsme.


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