Pour un retour à Aristote
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« Est-ce bien cette logique-là qu’enseigne Aristote ? » s’interroge More. Est-ce bien cette logique que recommandent et Jérôme et Augustin ? L’enjeu est de taille. Ces logiciens trahissent le sens des mots. « Comment ? une règle édictée dans un coin par des individus qui savent à peine parler va imposer à l’univers entier les nouvelles lois du langage ? « (p. 70).
La grammaire apprend à parler correctement, rappelle More. Elle signale avant tout « l’usage courant, tel que l’observation le révèle » (p. 70). Aristote aurait précisé : l’induction. « Et une logique sainement conçue ne procède pas autrement » (idem). On voit ici le robuste bon sens de Thomas More rejoindre l’intention même d’Aristote, intention qu’on ne lui a sans doute jamais enseignée alors.
Les syllogismes doivent se plier à « la force des choses » (idem) et non se développer en dehors du réel observé. Les logiciens doivent donc, et ici More est plus que jamais fidèle disciple d’Aristote, emprunter à la réalité même les raisons de leurs syllogismes (p. 70). C’est cette même induction qui a développé la grammaire humaine « depuis des siècles » (p. 71).
More rappelle à Dorp que le sens commun guide le sens des mots : « tout le monde en tombe d’accord » (p. 71). C’est en effet la « force de la raison » qui commande la définition des mots et non « une règle des logiciens » (p. 71). Quand les logiciens nous conduisent, « par des tours de passe-passe » à des conclusion qui nous laissent « tout éberlués », c’est là « besogne de sophistes ».
Le propre de la sophistique, en effet, est bien de détourner le sens des mots de leur « usage universel » (p. 71). Si encore on prenait ces subtilités creuses pour des enfantillages sans lendemain… « mais des vieillards les accueillent jusque dans les arcanes et le sanctuaire de la théologie » (p. 72). Ces propositions « ridicules » resteraient en effet dans le genre « comique » si elles ne venaient s’immiscer dans les questions théologiques. « Je sacrifierais de grand cœur l’amusement que me procurent les délires de ces insensés, afin qu’ils cessent de débiter de telles insanités et qu’ils rentrent dans leur bon sens » (idem).
More espère que Dorp pourra guérir « ces cerveaux détraqués » (idem) et lui assure qu’Erasme ne vise que ces « sornettes sophistiques » et qu’il ne visait nullement tous les théologiens mais seulement « quelques uns » (p. 74). Il cite d’ailleurs son ami in extenso : « Tous les jours je constate à quel point sont dénués d’esprit ceux qui n’ont rien appris en dehors des balivernes sophistiques ». More précise en effet qu’Erasme n’attaque point tous les théologiens mais uniquement ceux dont le jugement a été faussé par la logique formelle ci-dessus évoquée.