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Thomas More : pour déchoir Machiavel

Thomas More : pour déchoir Machiavel

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Les racines philosophiques de la société libérale : épisode 7

Thomas More : pour déchoir Machiavel

Suite à la sinistrose que Machiavel n’aura pas manqué de faire naître chez nos lecteurs, l’œuvre de Thomas More apparaitra comme une bouffée d’oxygène à la fois intellectuelle et morale. Comparer le Florentin à l’auteur de l’Utopie, c’est mettre en perspective l’opposition entre un prédateur qui essaie de justifier sa vilénie et un chevalier qui tente d’expliquer le bien-fondé de l’honneur.

Introduction : Thomas More ou la lucidité hors norme

Nous devons à  l’abbé Marc’Hadour[1] de connaître l’œuvre immense de More en français. Parmi les nombreuses éditions, on remarquera une simple lettre que Thomas More rédigea pour défendre son ami Erasme des injustes accusations que les théologiens scolastiques  répandent alors dans l’Europe entière. Ce texte est l’occasion de prendre connaissance de l’état des études et des aberrations intellectuelles qui régnaient au début du XVIème siècle dans les réseaux de formation.

La plupart des auteurs modernes, qui assumeront la critique cartésienne, s’appuieront sur ces failles indéniables pour discréditer l’héritage aristotélico-thomiste et son réalisme.

A l’automne 1514, un jeune étudiant du Collège du Lis, à Louvain, Martin van Dorp, écrit une lettre ouverte à Erasme dans laquelle il dénonce les boutades de l’Eloge de la Folie (parue en 1511 à Paris). Ces sarcasmes jettent le discrédit sur la religion elle-même, selon le défenseur des théologiens scolastiques (P.S. Allen, Erasmi Epistolae, II, 304).

Erasme réagira tardivement à cette lettre dans une rapide réponse (juin 1515 ?) en promettant une seconde lettre, plus argumentée, à la fin de son voyage en Suisse destiné à faire imprimer chez Froben son Nouveau Testament.

Mais Dorp rédige une seconde lettre dés la fin août 1515. L’auteur va bientôt être promu docteur en théologie et ce titre lui donne une assurance manifeste. Il reste modéré cependant et attire l’attention sur les travers possibles du nouvel humanisme : ces excès de rhétorique qui tournent parfois à l’adoration de la forme sur le fond. Il finit sa lettre sur une note paternaliste…

A cette époque, Thomas More est nommé par Henri VIII ambassadeur pour régler des accords commerciaux avec les Pays-Bas. Il arrive à Bruges à la mi-mai et rencontre Erasme. Les deux amis conversent et abordent la lettre de Dorp. Lors de son séjour à Bruges, More se lie avec quelques humanistes flamands, dont un ami de Dorp, diplomate à Malines. En octobre, More se décide à répondre à Dorp pour soulager l’emploi du temps de son ami Erasme. Dans le monde humaniste, il est connu comme traducteur de Lucien et dédicataire de l’Eloge d’Erasme. Rien de plus. Dorp est par contre un nom dans le monde universitaire. C’est une intelligence précoce. Ami de l’imprimeur Martens, il patronne de nombreuses éditions : il est autant admiré que courtisé. Erasme et More prennent au sérieux ce jeune lion de Louvain. La Lettre à Dorp (en latin, jamais publiée du temps de More) est cependant pleine d’humour (anglais) et de jeux de mots.

More veut ainsi réagir à ces lettres écrites par Dorp au sujet de la Moria d’Erasme en nuançant les problèmes que traverse l’Eglise en ce début du XVIème siècle. C’est une longue lettre, presque un mini-traité, qui se divise en deux grandes parties. More regrette de n’avoir pu la peaufiner et doit expédier un « brouillon » non relu. La première partie analyse les errances de la scolastique qu’il est aujourd’hui convenue d’appeler décadente : More souhaite un retour au réel, dans la juste lignée de la logique aristotélicienne, inductive, réaliste. Les délires des logiciens modernes sont une insulte au christianisme. Dans une seconde partie, il continue à défendre Erasme avec des arguments tirés des anciens Pères et approuve une nouvelle traduction de la Bible.

Dans cet article, nous citerons la seule édition française de cette lettre que nous devons à l’abbé G. Marc-hadour : Saint Thomas More, Lettre à Dorp ; Editions du Soleil Levant, Collection « Les Ecrits des Saints », 1962, 278 pp).

[1] Fondateur de la revue Moreana (http://www.moreana.org/fr/), il m’a fait e plaisir de me recevoir durant l’été 2015 dans sa maison de retraite dans le Morbihan.


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