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William Clapier 4/4 : l’aventure extrême du combat spirituel

William Clapier 4/4 : l’aventure extrême du combat spirituel

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MN : Vous évoquez à un moment de votre livre Quelle spiritualité pour le XXIème siècle ?, le combat spirituel. Et je pense à Fauve, un groupe de rock français qui dit : « tu ne sais pas ce que c’est qu’être le terrain où le bien et le mal s’affrontent en permanence ». Jésus nous a effectivement promis l’épée. Vous évoquez également les épreuves de la vie qui permettent une conversion, une mise en chemin spirituel. C’est un peu comme une anticipation de l’agonie, une répétition générale… N’est-ce pas cette conscience que la vie spirituelle est un combat qui nous fait repousser à plus tard l’essentiel ? Il faut du courage pour oser la vie intérieure ?

WC : La vie spirituelle est le combat humain le plus fondamental. Le cœur est son lieu névralgique où fait rage la bataille. Cette lutte engage tout. Elle n’exige rien de moins que tout puisqu’elle vise le fond de notre personne, à libérer les nœuds de notre cœur, à délester de ce qui l’encombre, l’alourdit, l’obscurcit, le blesse. La grande invocation à l’Esprit Saint, le Veni Sancte, appelle cette libération du cœur en posant le préalable de l’humilité : « Viens en nous, Père des pauvres… O lumière bienheureuse, viens remplir jusqu’à l’intime le cœur de tous tes fidèles. Sans ta puissance divine, il n’est rien en aucun homme, rien qui ne soit innocent (littéralement : incapable de nuire, nihil est innoxium). Lave ce qui est souillé, baigne ce qui est aride, guéris ce qui est blessé, assouplis ce qui est raide, réchauffe ce qui est froid, rends droit ce qui est faussé… ». Le combat de la vie spirituelle est celui l’aventure extrême. Celle qui nous achemine dans l’épaisseur du mystère de notre vie, de la Vie. C’est ce qui la rend à la fois attrayante et redoutée. A terme, quoique que nous fassions ou ne fassions pas, nous ne pouvons échapper à la dynamique de vérité, à la logique de dévoilement en laquelle la Vie nous emporte. Elle converge vers le grand moment de l’existence, l’heure de notre mort. Le grand passage vers l’au-delà. La vie spirituelle est sensée œuvrer à ôter le voile de l’ignorance et nous apprêter au grand Eveil, nous disposer à « connaître comme nous sommes connus », dit saint Paul.

MN : Finalement votre livre est un appel universel à la sainteté, comme le concile Vatican II nous le propose, comme Saint José Maria le martelait. C’est en ça que votre livre est déjà mise en acte de votre foi. Quelles sont les autres modes d’apostolat que vous pratiquez ? Comment sortir de sa torpeur l’indifférent ?

WC : La vie spirituelle peut être comprise et vécue comme une réponse graduelle à l’appel mystérieux de la Vie. Réponse qui s’applique à accorder son être, sa personne, à la sonorité d’une présence divine. Celle que Jésus-Christ a révélée et se laisse entendre dans le silence du cœur. Son but est le recouvrement de la pleine santé de l’humain que je suis : la sainteté, la santé intérieure, la « santé de l’âme ». Jean de la Croix dit que « la santé de l’âme est l’amour de Dieu ». Or l’amour de Dieu se vérifie dans l’amour de charité. Le bien que j’aurai fait ; le mal que j’aurai évité de faire. Cela implique la crucifixion de notre « moi » égocentré, dans le cours d’une vie reliée à sa Source. La « santé-sainteté », c’est bien l’épanouissement pascal de notre humanité. Elle est plénitude de notre humanité. Non l’affranchissement de celle-ci. Etre saint, être sainte, c’est être pleinement humain. C’est être bon avec ses semblables, solidaires des enjeux sociétaux. C’est à la portée de notre cœur.

Outre ma profession de Conseiller principal d’éducation dans un collège, j’anime un atelier hebdomadaire de méditation inspirée de la pratique bouddhique vipassana (aujourd’hui popularisée par « la pleine conscience ») et de l’oraison carmélitaine. J’anime aussi un groupe de réflexion mensuel, redevable à l’expérience interreligieuse de l’ashram Shantivanam fondé dans le sud de l’Inde, en 1950, par Jules Monchanin et Henri Le Saux. Réflexion, partage, convivialité, méditation, prière, dans la conscience d’une implication citoyenne au cœur des défis civilisationnels de notre temps, tels sont les notes essentielles de ce groupe.

Comment s’extraire de la torpeur qui peut nous immobiliser ? Comment ne pas se laisser gagner par « l’indifférence » ? En cultivant, à temps et à contretemps, la méditation ou/et la prière silencieuse. La culture du silence porte tôt ou tard ses fruits : l’éveil de la conscience par l’attention à toutes choses, prochain et vivant qui nous entourent, à commencer par la Vie qui nous anime. L’attention silencieuse du cœur, si elle est authentique, se traduit par un altruisme-compassion-charité que l’Evangile décrit de façon très pragmatique au chapitre 25 de Matthieu : « En vérité, je vous le dis, tout ce que vous aurez fait à l’un de ces plus petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40). Le drame environnemental qui met en péril la survie de notre humanité par le saccage des écosystèmes de notre planète nous provoque à ce réveil des consciences. Au lieu d’attendre passivement l’effondrement qui vient, sourdement inquiet ou en fermant les yeux, et de le subir comme un choc traumatisant, puisse-t-il survenir à partir d’un libre éveil à nos profondeurs, à nos ressources spirituelles. Là est l’enjeu contemporain, original, de la prise en compte de notre dimension spirituelle.


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