1900 : Paris est une fête
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Cette exposition, ouverte au public du 15 avril au 12 novembre 1900, plus joyeuse et populaire que les éditions précédentes, marque un réel tournant dans l’organisation des fêtes internationales. D'ailleurs, les plus mauvaises langues compareront aisément cette exposition à une vaste foire où l'amusement a pris le pas sur la valeur éducative d'un tel événement. Et même si l'on retrouve l'étalage des différents savoir-faire de chaque nation, que l'on vante allègrement au sein de chaque palais dédié, c'est la ferveur populaire qui l'emporte grâce aux attractions joyeuses, créatives et monumentales qui fera date dans ce type d'événement à portée internationale.
Afin de se divertir, l’attraction la plus spectaculaire est sans conteste la Grande Roue. Imaginée par Georges Washington Gale Ferris Jr. (1859 - 1893) pour l'exposition de Chicago de 1893, elle est établie avenue de Suffren, en face de la célèbre Galerie des Machines de l'Exposition de 1889, afin de « rivaliser » avec la Tour Eiffel. Du haut de ses 93 mètres de diamètre (au niveau le plus bas les wagons sont encore à 3 mètres au-dessus du sol ; par conséquent, à leur point culminant, ils arrivent à une hauteur de 96 mètres) elle offre une vue superbe sur l’Exposition et sur Paris aux 1600 passagers qui peuvent monter à bord. Pour 50 centimes, les visiteurs sont accueillis à bord de l’une des 40 nacelles, sous forme de wagon de chemin de fer de 13 mètres de long comportant 60 places chacune (40 assises et 20 debout), afin d’être « transportés jusqu'au ciel ». Le voyage proposé dure environ 20 minutes pour deux tours de roue. Au premier tour, six arrêts permettent aux passagers de monter et de descendre grâce à un système d'escaliers et de paliers disposés de façon à pouvoir charger et décharger 8 wagons simultanément, sans encombrement et en moins d'une minute, et le deuxième tour est complet et sans arrêt. Le mouvement de rotation de la roue est obtenu par un double câble qui vient s'enrouler sur des treuils actionnés par un moteur à vapeur d'une puissance de 120 chevaux. La machine à vapeur entraîne aussi une dynamo, dont le courant alimente des lampes à arc et à incandescence, dont le resplendissement dans l’espace confère à la roue incendiée l'apparence d'un météore lumineux. Contrairement à la quasi-totalité de l’Exposition qui est démontée ou détruite, la Grande roue est conservée et exploitée pendant plusieurs années après l’Exposition par la société par actions anglaise Paris Gigantic Wheel and Variety Company Ltd, gardant ainsi l’esprit de fête foraine de l’Exposition de 1900. En effet, La fascination pour la vitesse, la possibilité de décoller du sol, la conjugaison de l’électricité et de la mécanique apporte des sensations et des émotions nouvelles. Cependant, faute de rentabilité à cause de sa proximité avec la Tour Eiffel qui lui fait concurrence pour ce qui est du panorama, elle est désassemblée en 1922, et complètement démantelée en 1937. La Grande roue de Paris restera la plus élevée au monde jusque dans les années 1930 et servira de modèle pour toutes celles qui suivront jusqu'à nos jours. Elle sera déclinée sur les champs de foire, depuis les petites balançoires russes pour enfants jusqu'aux très grandes roues devenues itinérantes, comme celle qui se dressait encore récemment sur la place de la Concorde.
La rue de Paris, entre le pont de l’Alma et le Trocadéro, le long de la rive droite de la Seine est aussi une attraction à succès. S’étirant face à la rue des Nations étrangères, rive gauche, elle est agrémentée de boutiques, de débit de boissons et de nombreux théâtres. En effet, le visiteur peut assister à des spectacles aussi divers que variés faits pour divertir petits et grands. Parmi la multitude d’établissements installés on peut citer le Théâtre des auteurs guais (seul espace à ciel ouvert, il propose 6 représentations qui sont annoncées par une parade composée d’une douzaine d'artistes vêtus de costume d'une richesse éclatante qui, durant un quart d'heure, parlent et font le boniment au public, accompagnés du bruit de la grosse caisse, du trombone, etc.) ; le Théâtre des tableaux vivants présente, quant à lui, dans un théâtre construit et machiné tout exprès, des reconstitutions vivantes de tableaux de maître accompagnées par les poèmes d’Armand Sylvestre sur une musique d’Alexandre Georges dans 4 spectacles successifs ; enfin, le cabaret La Roulotte propose un spectacle des plus variés, abondant de fantaisie, de merveilleux et de gaîté franche. Le visiteur pourra aussi rire s’il décide d’entrer dans la salle du Grand Guignol où le visiteur peut découvrir l’histoire de la Farce française à travers des œuvres désopilantes interprétées par les meilleurs comiques de Paris, mais aussi s’il s’arrête à la Maison du rire, qui propose de déclamer le rire sous toutes ses formes, dans toutes ses attractions possibles, artistiques, littéraires et scéniques et où l'on entend dans leurs créations les meilleurs comiques de Paris. La danse est également à l’honneur dans cette rue hétéroclite via le Palais de la danse. Les artistes proposent une histoire vivante, une revue animée de la Danse, à travers tous les âges et tous les pays. On y voit les danses religieuses orientales, le Piny-Von chinois, la danse hindoue des Bayadères de Shiva, la danse égyptienne de l'Abeille, les danses religieuses ou guerrières de la Grèce et de l'Italie antiques, la Danse d'Isis, la Danse Pyrrhique, la Bacchanale roumaine, les danses du moyen âge : danse des Glaives, des Jongleurs; enfin, les danses modernes avec toutes leurs charmantes variations du Passepied de la Renaissance, le Menuet, la Gavotte, Louis XII, jusqu'au Cancan de Mabille et aux Danses Lumineuses de la Loïe Fuller.
Enfin, deux attractions, plus dans l’esprit fête foraine, agrémentent cette rue très prisée des spectateurs de l’Exposition. D'une part, l’Aquarium de Paris, situé sous l’esplanade de l’horticulture, présente la vie mystérieuse du fond des océans, avec toute leur féerie, leur réalisme de couleurs et une intensité de vie sous forme de monde merveilleux entre Jules Verne et le conte de fées. D'autre part, le Manoir à l’envers, par lequel le spectateur entre par les combles d’un château du Moyen-Âge pour ressortir par les caves. Celui-ci semble fiché en terre par ses cheminées et dresse en l'air ses fondations comme si elles avaient été arrachées du sol. Grâce à d'ingénieux jeux de glace, tout y est à l'envers (fenêtres, escaliers…), comme dans un pays merveilleux où l'attraction terrestre n'existerait pas. A chaque étage, le visiteur découvre des intérieurs meublés dans le style moyen âge que l'on visite comme accrocher au plafond. Par les baies des fenêtres on a vue sur l'Exposition, mais… on la voit à l'envers. Au 3ème étage se situe un tunnel de glaces merveilleuses, où quiconque pénètre se trouve transformé en un monstre à cent bras et à cent têtes.
Les spectateurs peuvent se déplacer autour de l’Exposition sur un trottoir roulant nommé « Rue de l’avenir ». Construit au départ pour transporter les spectateurs sur les principaux sites de l’Exposition, il deviendra rapidement l’une des attractions majeures de cette édition de 1900. Composé de deux plates-formes animées de vitesses différentes, c'est une sorte de plancher articuler qui se déplace d'un mouvement régulier et continu sur lequel les gens, qui veulent en profiter pour se faire entraîner dans son mouvement, doivent monter sans que le système ne s'arrête, ni ne ralentisse. Une plate-forme de ce genre ne peut transporter ses voyageurs qu'avec une sage lenteur afin d’éviter de fâcheux incidents, c’est pourquoi une seconde combinaison a été imaginée pour permettre de doubler la vitesse de translation pour les gens pressés. Dans ce but, on installe un premier trottoir qui circule à une vitesse de 4km/h, et, le touchant, un second plancher mobile disposé exactement de la même façon, se déplace à raison de 8 km/h. Par conséquent, quand on est monté sur le premier trottoir, il n'est pas difficile de monter sur le second. La plate-forme mobile de Paris n'est pas tout à fait une nouveauté car elle a été inventée par Joseph Lyman Schmidt et Max. E. Silsbee, deux ingénieurs américains, pour l’Exposition universelle de 1893 à Chicago. Toutefois, celle de Chicago n'avait qu'un très faible développement, et était plutôt une curiosité qu’un moyen de transport pratique. Au contraire, le trottoir mobile de Paris a vocation transporter les visiteurs sur les principaux sites de l’Exposition. En effet, il forme une boucle longue de 3,5 kilomètres, dessert 11 stations et passe par le Quai Branly, l'avenue de La Bourdonnais, l'avenue de la Motte-Picquet, l'esplanade des Invalides et les bords de Seine (où se dressent fièrement les palais et pavillons des nations étrangères). Sur tout le parcours, le trottoir est monté sur roues et installé sur un viaduc situé à 7 mètres au-dessus du niveau du sol. Parallèlement aux deux trottoirs mobiles, est installé un trottoir fixe qui permet aux voyageurs des deux plates-formes en mouvement de s'arrêter s'ils le jugent bon, et descendre sur ce plancher immobile. Pendant la durée d'un tour de trottoir le plus rapide, c'est à dire 26 minutes, on peut transporter au moins 50000, et même 60000 personnes par jour, soit 14.000 personnes simultanément. Le jour de Pâques, il transportera jusqu'à 70.000 personnes, soit le double de tous les omnibus de la ville, une performance qui ne passe pas inaperçue. Pour les voyageurs moins aventureux, un petit train électrique Decauville parcourt le même chemin, mais sur rail, à la manière des petits trains des parcs d’attractions d'aujourd'hui.
Enfin, une attraction nécessitant beaucoup d’espace est installée sur l’annexe de Vincennes : le ballon captif. Passionné par les montgolfières, Eugène Mercier (1838-1904 ; fondateur de la maison de Champagne qui porte son nom et présenté comme l'inventeur du film publicitaire) a une idée pour assurer la publicité de sa maison de champagne au cours de l'exposition universelle 1900. Il fait amarrer un ballon sur lequel il fait peindre la marque « Champagne Mercier » en lettres de 3 mètres de hauteur sur l’enveloppe de l’appareil. Ce ballon, construit par Edouard Surcouf (1862-1938 ; aéronaute, ingénieur et industriel français qui a été à la Belle Époque et jusque dans l'entre-deux guerres un des principaux promoteurs des techniques de l'aérostation) et Eugène Godard fils (1827 – 1890 ; aéronaute), est exploité et piloté sous concession par Louis Vernanchet, aéronaute reconnu et fondateur de l’Ecole Nationale d’Aérostation. De plus, le ballon est l’un des plus important de son époque puisqu’il est gonflé par 2 500 m³ d’hydrogène pur. En plus de faire de la publicité visuelle, Eugène Mercier souhaite embarquer des visiteurs à bord de la nacelle qu’il charge de bouteilles de champagne. Ainsi, à chaque ascension, au cours de laquelle Mercier leur fait déguster son champagne, neuf personnes prennent pour un envol au-dessus de Paris. Les ascensions débutent le 2 juin et s’achèvent à la fermeture de l’Exposition. Le ballon effectuera 1 094 ascensions, transportant environ 10 000 personnes à 300 mètres du sol, soit la hauteur de la Tour Eiffel.