Boualem Sansal 22/11/2024
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C'est avec une profonde tristesse que j'ai appris hier l'arrestation en Algérie de Boualem Sansal, cette voix puissante et indomptable de la littérature francophone, ce défenseur acharné des libertés qui n'a jamais cessé de brandir sa plume comme un étendard face à l'obscurantisme.
Cette nouvelle ravive en moi le souvenir précieux de notre rencontre, le vendredi 12 avril de cette année, dans l'écrin intimiste de la librairie Lhériau à Angers. Il y présentait son dernier livre, sobrement intitulé "Vivre". Dès les premiers instants, sa présence chaleureuse et son authenticité m'avaient touché. Je revois encore sa façon si particulière d'aborder le sujet de l'islam, commençant par tâter le terrain avec une douce ironie : "Ça va, je ne vois pas de réactions négatives, je peux parler librement." Cette phrase, prononcée avec un sourire désabusé, révélait déjà les tensions sous-jacentes qui habitent notre société.
Son analyse de l'évolution de l'islam, teintée d'un pessimisme lucide, résonne aujourd'hui avec une acuité particulière. "Vous serez soit tous des arabo-musulmans, soit nous ferons face à une conflagration", avait-il prophétisé. Il déplorait l'impossibilité d'un débat serein en France, où toute discussion se trouve rapidement enfermée entre deux écueils : l'accusation de fascisme d'un côté, la complaisance avec l'islamisme de l'autre.
"Vivre" n'est pas une simple fiction d'anticipation, mais bien une lecture acérée de notre présent. Sansal y dépeint un monde au bord du précipice, menacé par l'embrasement d'une troisième guerre mondiale, où s'entrechoquent idéologies religieuses et militantisme woke. Sa critique du totalitarisme est particulièrement percutante lorsqu'il évoque la manipulation du langage, faisant écho aux observations d'Orwell : tout système totalitaire commence par déformer le sens des mots.
Sa dénonciation de l'endoctrinement télévisuel, qu'il considère comme "le pire" des maux modernes, prend aujourd'hui une résonance particulière à l'heure des réseaux sociaux et de la désinformation généralisée.
Je garde précieusement en mémoire sa conclusion, pareille à un testament intellectuel : "Je suis un pessimiste optimiste… optimiste par volonté." Cette phrase résume admirablement l'homme : lucide face aux périls qui nous guettent, mais résolument engagé dans le combat pour la liberté de penser.