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Ce que nous devons à César

Ce que nous devons à César

Par  

Aimons-nous encore la liberté ?

Aurélien Pradier, 2021

 Les semaines qui s’approchent verront se manifester deux conceptions de la chose publique dont l’opposition constitue probablement l’essence même du politique. Tout, pour l’instant, dans la confusion délibérément installée au cœur de nos institutions, à la faveur de la crise sanitaire, tend à nous faire accepter comme inéluctable un état de fait qui contredit si radicalement l’état de droit que c’est à peine si l’on ose se représenter mentalement l’ampleur du phénomène. En fait, nous ne pouvons même pas nous imaginer ce qui se passe actuellement en réalité, parce que nous sommes sous le coup d’un véritable interdit, au sens presque ecclésiastique du terme, dont nous ne savons même pas qu’il a été prononcé sur nous et qui agit sur nous, sur notre pensée collective, à la façon d’un puissant anesthésiant.

Il suffirait pourtant de peu de chose pour que, tout d’un coup, cette réalité nous apparaisse telle qu’elle est – qu’un homme politique en vue, par exemple, ose se présenter devant la nation avec cette question toute simple : « au nom de quoi l’Etat peut-il décréter la vérité ? » La question s’impose en effet aujourd’hui, en ce moment où, d’un côté, les chefs de l’exécutif, qui prétendent depuis plus d’un an fonder toutes leurs décisions sur des données scientifiques, se trouvent en butte aux critiques les plus virulentes des autorités scientifiques, et que, de l’autre côté, les dites autorités scientifiques se trouvent constamment obligées d’avouer qu’elles ne savent pas vraiment ce qu’il faudrait ou aurait fallu pour faire face à un mal qui dépasse leurs compétences. Les seules vérités sur lesquelles tout le monde semble d’accord appartiennent à l’ordre du bon sens, à savoir qu’en présence d’un mal dont on cerne mal les effets et la capacité d’évolution, il faut se montrer extrêmement prudent. Il ne s’ensuit aucunement que la meilleure solution soit d’imposer à toute une population des mesures infantilisantes et profondément anxiogènes, comme le port du masque ou l’interdiction de se baigner.

Aujourd’hui, les pouvoirs publics viennent d’instituer un nouveau dispositif d’urgence qui, sans comporter l’espèce de clarté lugubre du dispositif qui avait conduit, il y a un an, à une paralysie à peu près complète du pays dont on n’a pas encore mesuré les conséquences, nous livre à l’incertitude la plus complète à l’égard de ce que sont exactement nos droits et nos devoirs. Il semble surtout que tout soit fait pour que nous dépendions presque totalement de la bonne ou mauvaise humeur d’agents de la force publique que rien ne pourra empêcher d’intervenir à tout moment pour vérifier que nous ne sommes pas en train de contrevenir à des règles particulièrement floues. Puisque nous sommes « autorisés » en effet à circuler comme nous le voulons dans un rayon de dix kilomètres, la police sera fondée à vérifier comme elle le veut que les passants se trouvent bien dans un rayon de dix kilomètres autour de leur habitation. C’est ouvrir bien grandes les portes de l’arbitraire le plus total.

Par ailleurs, le Président de la République nous confirme officiellement que « le vaccin est efficace » et qu’il constitue la seule solution. Avant lui, le ministre de la Santé nous avait appris que « un pays vacciné est un pays qui retrouve sa liberté ». Pourquoi les croirions-nous ? Et pourquoi non ? Assurément, la liberté dont il est ici question n’est que celle que peut concevoir un ministre de la Santé pour qui l’autorité des laboratoires pharmaceutiques tient lieu d’évangile sanitaire. Quant à l’efficacité dont parle le président de la République, elle s’inscrit trop bien dans la logique technicienne qui est la sienne pour que nous ne reconnaissions pas en elle un de ces concepts passe-partout destinés à verrouiller le domaine public de la pensée. S’il ne s’agit que de croire, nous avons aussi le droit de croire à une liberté qui ne passe pas par la soumission à tous les diktats d’une science qui, depuis longtemps, se montre trop docile aux impératifs de rentabilité qui régissent nos sociétés. Le procès du groupe Servier est là pour nous le rappeler : les Agences Nationales de Santé ne sont pas de bonnes garantes de notre sécurité. Et si nous préférons confier notre santé à d’autres gourous que ceux que certifie l’académie de Médecine, qui cela regarde-t-il ?

C’est en ce point que la question sanitaire confine à celle de la liberté de conscience. Ce que nous attendons de l’Etat, c’est qu’il en garantisse le libre exercice, et ce que nous devons à César, c’est le respect des lois qu’il s’impose à lui-même pour ne pas outrepasser les bornes de son pouvoir. Au-delà de ces bornes, nous devons tout à Dieu, si nous croyons en Dieu, et si nous ne croyons pas en Dieu, nous devons tout à ce qui, en nous, nous tient lieu de Dieu : notre liberté de conscience. Peut-être est-ce ce que voulait dire Monsieur Aurélien Pradier dans cette tribune qu’il vient de signer au Monde et qui est peut-être le signe qu’enfin nous avons en France un homme politique digne de ce nom.

 

                                                           Egletons, le 1er avril 2021


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