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De la nuit et du jour

De la nuit et du jour

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On appelle Siècle des Lumières : le siècle de l'extinction des feux, le siècle des lumières mourantes. Le dix-huitième fut un âge de passions et de requiems. Dieu nous dit alors, en allemand : « Monde, bonne nuit. » Le bon Dieu fit naître en ces temps aussi, avant son éclipse (« Tout est accompli »), dans l'espace de neuf petits mois, c'était en 1685, trois musiciens de génie, qui sont les hypostases de la Triade taoïste : Scarlatti la terre, Haendel l'homme, et Bach le Ciel. Leur mission : chanter le Christ en attendant l'épiphanie. C'est le secret du succès du Messie. Scarlatti cisela ses gemmes. Et Bach irrigua les âmes. Ces trois-là sont nos lumières dans la nuit. Sans eux, le monde serait fini.
Mozart conclut le Siècle des Lumières. Il mourut en 1791, aux portes de l'hiver, au son de son Requiem. Quand la monarchie française s'affaissait. Alors que la Première Guerre mondiale pointait son nez (on nous a menti : la Première était la Deuxième) : en avril 1792, Dumouriez allait faire son Sarajevo. Le monde de la nuit n'était pas pour Mozart. Une reine l'annonçait pour lui. Comme tous les génies, il a senti, et c'est aujourd'hui que l'on voit. Écoutez Pound et son grand dieu Pan. De Roux nous avait transmis le message. Au vingtième, être écrivain c'était être passeur, ou bien fossoyeur doublé d'un liquidateur. « On ferme », écrivit Muray.
 
Depuis les révolutions (toutes les révolutions, qu'elles soient communistes ou industrielles), l'homme cherche la lumière. Il a parfois creusé la terre, et c'est le noyau de la terre, en fusion, qui lui a rendu la lumière. Il s'était trompé de côté. L'homme a pris la terre pour le ciel. Le soleil des ombres était une lave en fusion, une lumière nucléaire. L'écrivain, sans lunettes noires, en perdait sa lucidité.
Des créatures nocturnes nous dirigent. C'est le secret des vampires, aux siècles des sciences et des hommes en blanc. Les ombres au pouvoir vous mentent, car ce monde est gavé d'obscurité. C'est le secret du complotisme.
Les artistes ont cherché la lumière, voilà pourquoi Maeterlinck… Et Céline au bout de la nuit. Les écrivains, les musiciens ont soit chanté la fin d'un monde (l'agonie d'une langue, la mort de l'aristocratie), soit vu les rais de la lumière, dans le grand Nord ou sur les cimes. Où la lumière ténue vivait sa vie.
Voilà le secret d'Hamsun, de Sibelius et de Ramuz. Les hommes des villes la mort pleuraient, et ceux des champs le renouveau… Ou la décomposition des Millet et des Bergounioux.
 
Aujourd'hui, la nuit semble finir.
Cette lumière qui luit au loin est-elle un brasier qui dévore ou la rédemption dans sa vérité ?

Stéphane Dangeau est l'auteur de Vers la fin d'un monde aux éditions l'Ire de l'Ours, janvier 2025

‌Illustration (c) : Marina Ho


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