Des nouvelles de l'anti-monde
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« L'évolution du sens, est, en un sens, l'évolution du non-sens. »
Vladimir Nabokov, Pnine
Depuis l'instauration du premier confinement – d'envergure surréaliste et considéré comme étant, suite à la première vague d'hystérie, de salubrité publique, sans preuve historique ni scientifique à l'appui d'un pareil argument (à défaut de précédent : sinon peut-être chez les rats en d'obscurs laboratoires) –, l'essentiel est attaqué de toute part, qui se rapproche, n'est-ce pas, de la vérité, terre conquise et retournée par l'envahisseur médiatique. Non content de la polluer par sa propagande continuelle et grassement subventionnée, il cherche désormais à nier son existence même en rendant orpheline la notion parmi les plus estimables qu'il lui échoit de nourrir, fragile entre toutes, celle de la liberté, de fait trahie et rendue chaque jour plus maigre.
La sève printanière n'a pas coulé dans nos veines que nous tendons déjà celles de nos poignets aux gardiens de nos prisons sous la lune. Nous n'avons pas même eu de printemps à partager en cette année de grâce, comment serions-nous plus liés dans la vie que dans l'au-delà contre lequel se récrient tant madame et monsieur Tartempion ?
Remercions ces oiseaux de malheur, ces moineaux prétentieux et leurs perroquets médiatiques, tous les témoins et relais de l'hystérie provoquée mondialement par l'invisible rendu visible, qui ne doit pas nous priver de l'essentiel, à en croire nos politiciens, qui voudraient nous rassurer à l'aube d'un nouveau confinement en nous certifiant qu'il est mieux conçu que le précédent, ce qui signifie immanquablement pire, plus rigoureux.
Le bien-conçu devient le pire imaginable comme l'essentiel devient synonyme d'utile – son antonyme à bien des égards, l'essentiel étant un domaine extérieur aux contingences les plus prosaïques – car l'inversion du sens des mots est un phénomène courant dans l'anti-monde nôtre, négativiste et négationniste en diable depuis la pandémie nous parvenant des perroquets médiatiques, bouffeurs d'invraisemblables pangolins et de curés pourtant de plus en plus soumis à leur propagande, vieille pandémie sans cure en vue, bien au contraire.
Devenu « essentiel », ATTESTATION DE DÉPLACEMENT DÉROGATOIRE à témoin, l'utilitarisme a le vent en poupe et le délit de racolage sur la voie publique est désormais étendu à toute personne osant la parcourir sans papier pseudo-probatoire de bonnes mœurs ni slip facial (l'un n'exonérant d'ailleurs pas de l'obligation de porter l'autre) ; devenues essentielles les manufactures de muselières pour moutons, essentielles la déshumanisation de la rue, du travail, des « services publiques » et de la vie, essentiels les magasins sans âme qui vive, préférentiellement gros, nourris des névroses et des impôts accumulés au fil des mois – sans parler des décennies –, de veulerie populaire dont la gratuité même rend croissante la cherté de la vie (sans parler de celle des pâtes, des sauces les plus dégueulasses et du papier-toilettes : sur lesquels se ruent les imbéciles).
Nous n'en sommes plus à un paradoxe absurde près dans l'anti-monde ; et pour ceux qui auraient encore de la vigueur franchouillarde à revendre, les jeunes, par exemple – souvent amalgamés avec ces immigrés qui ont l'heur d'être souvent jeunes (et vigoureux d'ailleurs, pleins de sève, de sang et de rêves plus ou moins cauchemardesques), j'ai bien de la peine à l'affirmer mais n'est-ce pas flagrant qu'il ne trouveront plus au coin de la rue avant longtemps – et sans doute d'ailleurs jamais pour la plupart – l'aventure censée les y attendre, remplacée qu'elle fut plus ou moins irrévocablement par l'absurde et sa police des mœurs ?
Univers « inclusif » oblige, il n'y aura fort heureusement pas de discriminations dans ce confinement (sauf les « discriminations positives » pour les « minorités visibles des quartiers sensibles en voie d'intégration » et autres discriminations dérogatoires, en particulier d'usage chez les travailleurs mobiles, américanisés comme il se doit, technocrates et VIP, sans oublier la petite exception près de quelques centaines de milliers de migrants en liberté, parfois mineurs, de ceux qui ne sont pas vraiment des oiseaux).
Le propre de la vertu politique est pourtant décisionnaire et bien que seuls les gens fragiles – dont surtout les vieillards – soient sérieusement touchés par l'expedient19, il serait immoral (« évidemment non-souhaitable », disent-ils dans leur jargon négativiste) de ne confiner qu'eux comme il était immoral de fermer les frontières l'hiver dernier quand il était encore temps de limiter les dégâts pour aller de l'avant.
En tout cas bienvenue, cette « absence discriminatoire » quant au confinement national devrait avoir de quoi faire le bonheur des prisonniers assignés à résidence, que notre « solidarité nationale » doit émouvoir au plus au point (n'oublions pas qu'ils viennent souvent de ces fameux « quartiers sensibles »), ainsi que celui des oiseaux, en particulier ceux de mauvaise augure en cet automne, les rapaces, corneilles et corbeaux de la politique, bouffeurs de gros pigeons français n'en finissant d'agoniser de Paris à Montastruc-la-Conseillère, vaine hécatombe impie relayée nuit et jour par des perroquets de malheur, jusqu'au-delà de nos frontières rendues caduques par cela qu'on appelle depuis deux siècles « la science », chose essentiellement technologique, absolument profane ; frustrante, aveugle et meurtrière. Reconnaissons-lui quand même sa médecine efficace, hélas compromise en haut-lieu par les puissances d'argent au sens éthique pour le moins restreint : et de plus retournée contre elle-même de nos jours, face aux vagues d'hystéries collectives que l'on sait – infranchissables –, dont tout un chacun peut apprécier l'ampleur, la jaugeant à son gré en attendant Godot ou le Messie.