Et maintenant l’Europe… pour qui et pour quoi ?
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« En se faisant depuis plus de 20 ans le champion d’une Europe unie, la France a toujours eu pour objet essentiel de servir la paix. L’Europe n’a pas été faite, nous avons eu la guerre. L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble. Elle se fera par des réalisations concrètes, créant d’abord une solidarité de fait ».
Le 9 mai 1950, Robert Schumann, un français lançait par ces mots la construction européenne, autour de 4 principes :
- le pari de l’initiative par opposition à la règle ou au dogmatisme,
- le pari du moteur français puis franco-allemand par opposition à un regroupement de tous,
- le pari d’une réalisation concrète – en l’occurrence la mise en commun du charbon et de l’acier - par opposition à la dispersion des compétences et prérogatives,
- le pari de la solidarité de fait par opposition aux principes généraux, économiques ou diplomatiques.
C’était le pari du bon sens : dans une réalisation commune, créer une convergence d’actions et d’intérêt qui empêche la guerre. Cette méthode pragmatique a fonctionné. Elle était en réalité l’inverse d’un pari.
Où en sommes-nous aujourd’hui, alors que la crise du COVID-19 secoue l’Europe ? A l’opposé, sur les quatre axes de la méthode.
Premier point : Le dogmatisme de la Commission Européenne qui règne par des ‘directives’ a pris le pas sur les initiatives, au point d’amener certains pays à décider de sortir de l’Union Européenne. Deuxièmement, le marché commun et les ‘27’ neutralisent tout moteur entrainant, qu’il soit franco-allemand ou autre, au grand bonheur des Américains, des Chinois ou des Russes qui rient de voir cet adversaire potentiel par sa taille, sa puissance et sa richesse transformé en petit machin engoncé dans un carcan qui paralyse sa force de frappe. Troisièmement, les réalisations concrètes sont bloquées par le droit de veto, l’obsession de l’élargissement et les règles établies. Enfin, la solidarité de fait est un mot oublié à l’échelle européenne, alors même qu’elle serait plus que jamais requise : pas un geste pour se porter collectivement au secours des faibles qu’ils soient à l’extérieur - les migrants - ou à l’intérieur, Bergame touchée par le virus, par exemple.
L’Europe de 1950 a été pensée par des personnalités luttant de façon obsessionnelle contre un ennemi déclaré - la guerre-, et décidées à mener ensemble les actions permettant de mener à un objectif déclaré –construire la paix. L’Europe d’aujourd’hui n’est plus pensée, elle n’est plus le fait de personnalités - Etats ou hommes politiques- mais d’un marché ‘virtuel’ devenu une vaste passoire à virus. Elle ne mène plus d’action, et plus grave ne partage plus d’objectif, considérant la paix comme acquise. En réalité, elle n’est plus capable, ni dans la vision ni dans l’action, de travailler pour un intérêt commun. Même le constat d’une situation vécue ensemble au même moment n’est plus partagé. « Nous sommes en guerre » clame le Président Macron. « La pandémie n’est pas une guerre, mais un test d’humanité » lui répond Frank-Walter Steinmeier, président allemand.
Comment en est-on arrivé là? D’abord en étant incapable de définir l’ennemi commun. La paix étant considérée comme acquise, les intérêts locaux ont repris le dessus. Au point de passer à côté d’un virus pénétrant sur le territoire européen. Au point de ne plus voir qu’en acceptant la montée en puissance de la Chine, confisquant tous les éléments de souveraineté économique, et celle de l’egoïsme américain, confisquant toute collaboration diplomatique et militaire, l’Europe signe son propre acte de capitulation. Or dans toute réalisation commune, le sentiment d’un intérêt commun est essentiel. Les Français ne se sont réunis que lorsque la coalition anglaise, flamande, soutenue par le Saint Empire, menaçait à Bouvines en 1214. Les Bretons ou les Basques ne se sont jamais sentis aussi français que lorsqu’ils ont entendu le bruit des bottes nazis se rapprocher de leur territoire. Deuxième erreur : la virtualisation de l’Europe. Elle n’est plus faite de personnalités, de frontières, de cultures. Neutralisée par la globalisation américaine et chinoise, elle est devenue sans odeur ni saveur, et pire, sans frontières. Pas étonnant que le virus traverse tout son territoire, rappelant douloureusement que même les éléments microscopiques ont bien une réalité géographique. Enfin, l’Europe, en ayant fait le choix d’un seul instrument de souveraineté, la monnaie, s’est privé de tous les autres : l’armée, la diplomatie, le plan économique et stratégique…
Alors que la nudité de l’Europe devant la petitesse d’un virus et le gigantisme de la Chine crève les yeux, comment accepter plus longtemps cette atonie masochiste ? Si nous ne le faisons pour nous, faisons-le pour nos étudiants Erasmus de Milan, Barcelone, Varsovie, Lucerne ou… Edinbourgh, faisons-le pour nos enfants confinés de la même façon à Bruxelles, Vienne, Paris, Berlin, par le fait d’une petite chose qui leur fait découvrir que le monde des institutions, celui de l’état, de la famille ou de l’école, n’est finalement pas si puissant. Il est encore temps de leur montrer le chemin de l’avenir. Regardons ensemble avec un esprit enthousiaste et positif vers un horizon qui nous rassemble. Et puisqu’il faut reconstruire comme en 1950 après la guerre, retroussons-nous les manches, rassemblons les générations pour reconstruire l’Europe, en nous inspirant des paroles de Robert Schumann. Un mode d’action : construire étape par étape… en commençant par une politique commune de masques. Un principe commun : le fédéralisme qui rassemble les personnalités et les Etats plutôt qu’il ne les dilue. Une valeur commune tellement nécessaire en 2020 : la solidarité de fait. Un objectif commun : l’indépendance par rapport à la Chine et au Etats-Unis. Car si cet objectif n’est pas devant nous, l’Europe sera au mieux vassalisée, au pire rayée de la carte. Et nos enfants ne le méritent pas.