Israël raconté à sa fille
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« Ô les croyants! Ne prenez pas pour alliés les Juifs et les Chrétiens; ils sont alliés les uns des autres. Et celui d'entre vous qui les prend pour alliés, devient un des leurs. »
Sourate 5 verset 51, Coran (trad. Hamidullah)
« Israël existera et continuera d'exister jusqu'à ce que l'islam l'anéantisse comme il a anéanti d'autres auparavant »
Hassan al Banna, Le Martyr (cité en introduction de la charte du Hamas)
« Une population gorgée de haine ne peut être aisément délivrée de la haine qui l'imprègne. »
Guy Millière, Israël raconté à ma fille
Après l'écrivain Richard Millet et sa très littéraire vision d'Israël depuis Beaufort, c'est au tour de l'essayiste Guy Millière d'apporter sa pierre à l'édifice patiemment construit par les éditions Les provinciales, à travers sa collection « Israël et la France ».
Guy Millière est un libéral-conservateur, une espèce peu représentée, en France. Titulaire de trois doctorats, professeur à l'Université Paris VIII, travaillant ou ayant travaillé pour de nombreux instituts, think tanks, journaux, revues, et auteur de nombreux ouvrages, il est une des rares voix françaises à défendre inlassablement Israël contre ses ennemis et à dynamiter, sur cette question et celles qui lui sont indéfectiblement liées (Palestine, islam), la piteuse doxa française la plus médiatisée.
Isolé par ses prises de position, il se rendait volontiers, naguère, dans les rares émissions télé qui l'invitaient. Souvenons-nous par exemple de ce fameux passage sur le plateau de la défunte Ce soir ou jamais de Frédéric Taddéi, après l'attentat de Boston (avril 2013), durant laquelle Millière sut faire face seul, avec patience et détermination, à un aréopage professant, au sujet du terrorisme, le relativisme le plus abject.
Sans cesse interrompu, cherchant à faire comprendre qu'en ce domaine, le relativisme est d'une gravité extrême car il nie la spécificité du danger actuel qu'est l'islam radical, Millière, dans le brouhaha alimenté par le pitre Alévèque, s'entend alors répondre par Isabelle Coutant-Peyre : « Vous parlez au nom de l'Alliance France-Israël, c'est ça ?… » (5:20, sur la vidéo).
Avocate de militants antisémites tels Garaudy ou Kemi Seba, épouse du terroriste Carlos, Coutant-Peyre incarne à l'excès tout ce que l'auteur combat depuis des années : une extrême-gauche pro-palestinienne et antisémite qui ne manque pas une occasion d'exprimer sa haine anti-Israël (donc anti-juive) en imputant les malheurs du monde à ce pays trente fois plus petit que la France.
Israël raconté à ma fille est l'histoire de cet homme intègre : dédié à ses deux filles à qui il s'adresse, l'auteur, de culture chrétienne et se déclarant agnostique, y raconte son lien avec le pays et le peuple juifs. On y apprend que l'inflexible ami d'Israël l'est devenu par le hasard d'une rencontre, intense et fondatrice, laquelle fera basculer sa vie en 1969 alors qu'il n'avait pas vingt ans. Ce fut comme un rideau qu'on déchire, des yeux qu'on dessille : il n'aura de cesse, depuis lors, de chercher à comprendre, assimiler l'histoire du peuple juif, de son pays, à rebours de la vision biaisée que concourent à diffuser médias et intellectuels français. Pour lui, désormais, professer la grandeur de ce peuple et la légitimité de son pays, tout en combattant le mensonge palestinien, sera un engagement total. Le faire ouvertement, tout en vivant et travaillant en France, dont l'histoire est indissolublement liée à un certain antisémitisme, deviendra un sacerdoce difficile à exercer.
« Depuis 2003, je ne peux plus publier d'article dans la grande presse nationale en France. Depuis la même année, je suis sur une liste noire de beaucoup de grands médias et vous ne me verrez plus dans C dans l'air, par exemple (…) J'ai dit quelque chose qui ne devait pas être dit et on me l'a fait très nettement comprendre après. (…) J'ai des amis journalistes à France Inter, à France Info, ils me disent "Je pense comme toi, mais surtout ne le répète pas, je pourrais perdre mon poste." »
Dans une langue simple, usant même du biais pédagogique de la répétition, Millière retrace donc son cheminement, un trajet de pensée et de confrontations, en s'appuyant sur un constat accablant : un tropisme antisémite travaille l'Europe, et, entre refoulement et culpabilité, elle ne peut se départir du fait que, sur son sol, Auschwitz fut possible, Auschwitz eut lieu. Aujourd'hui, l'antisionisme (ou le palestinisme) constitue une aubaine pour l'expression maquillée de cette haine anti-juive qui perdure et se régénère.
Le tabou de la collaboration a-t-il entièrement été dépassé ? A-t-on bien saisi ce que le film de Marcel Ophuls Le chagrin et la pitié avait à nous dire ? L'hypermnésie entourant l'extermination des Juifs d'Europe n'occulterait-elle pas une vérité désagréable ? L'antisionisme d'aujourd'hui, faux-nez d'une haine anti-juive enracinée, est-il si marginal que cela ?
Tout à son œuvre paternelle de transmission, Guy Millière retrace les grandes lignes de l'histoire d'Israël : l'Empire Ottoman, la Palestine mandataire, les pogroms, la haine arabo-musulmane, la trahison britannique, la guerre de 1948 lors de laquelle la Ligue Arabe essaya d'exterminer le nouveau-né Israël, la guerre de 1967… La création de toute pièce d'un « peuple palestinien », dont tous les chefs sont nés à l'étranger (Égypte, Syrie, Jordanie), fut le coup de maître contre Israël : harceler l'état hébreu, contraindre celui-ci à utiliser la force puis dénoncer celle-ci. Inversion des valeurs, faire passer la victime pour le bourreau, et le bourreau pour la victime. Tandis que le storytelling palestinien se structurait, le mythe remplaçait peu à peu le réel. Et ce mythe sera largement financé par nos démocraties européennes. C'est nous qui avons nourri et encouragé cette obsession des dirigeants de l'Autorité Palestinienne : la destruction à plus ou moins long terme d'Israël, une épuration ethnique des Juifs. Il ne peut y avoir de « processus de paix » avec les leaders palestiniens. C'est avec une colère froide que Guy Millière énonce ces vérités simples mais peut-être difficiles à entendre. Colère et urgence.
Le peuple palestinien, s'il existe aujourd'hui à force de l'avoir invoqué, est un peuple-Golem : né de la négation du pays Juif, son cœur artificiel ne bat que pour éradiquer Israël et en faire un dar al-islam.
Pour y avoir voyagé, Millière nous décrit Israël de l'intérieur : oasis de liberté au sein d'un Orient hostile, pays accessible uniquement par avion, il règne dans l’État hébreu, malgré la menace, « une fraternité bienveillante et chaleureuse ». Il y découvre un compromis entre Orient et Occident, une sorte de mixte où chaque civilisation aurait révélé le meilleur d'elle-même par l'entremise du génie juif.
En Europe, ce que nous savons d'Israël et de la Palestine nous est transmis par un journalisme qui reprend à son compte les éléments de langage du palestinisme. Pour quelle raison ? Dans un pays où les journalistes sont en majorité situés à gauche, le tropisme antisémite est peut-être une des clés d'explication. Mais Millière aurait aussi pu évoquer le rôle joué par l'AFP, agence de presse toute puissante qui vend des abonnements à toutes les rédactions du pays, au fonctionnement opaque et dont le traitement du conflit est tout à fait partisan.
Enfin, il me faut avouer que je m'étais personnellement un peu désintéressé des travaux de Guy Millière depuis que je l'avais lu reprendre à son compte cette phrase de Daniel Pipes, avec laquelle je ne pouvais être tout à fait d'accord : « L'islam radical est le problème, l'islam modéré est la solution. » Avec ce livre, Millière semble laisser de côté cette distinction et avoir compris que l'islam « modéré » n'est pas un état stable mais plutôt une temporalité instable sur laquelle on ne doit pas compter, le fait d'individus isolés dans l'oumma qui ne porteront jamais de fruits.
Libéral-conservateur, sioniste et atlantiste, c'est tout naturellement hors d'Europe, aux États-Unis et en Israël, que Guy Millière a fini par trouver alliés et amis, ainsi que dans un cercle français restreint. Ayant récemment définitivement quitté une France en laquelle il ne se reconnaît plus, il réside désormais aux États-Unis, migrant volontaire à la recherche de tout ce qui déserte la vieille Europe et qu'on trouve encore en Amérique du Nord : atmosphère de liberté, de dynamisme, affirmation des valeurs judéo-chrétiennes, intrinsèque espoir de renouveau. Si la société américaine n'est pas exempte de travers et qu'elle possède ses propres démons, on peut être sûr que ceux de l'islamisation et de l'islamo-gauchisme n'y rattraperont pas Guy Millière. Puisse-t-il vivre et travailler heureux dans son Grand Ouest, et y être accueilli mieux que dans sa France natale palestinisée.
Israël raconté à ma fille, Guy Millière, (124 p.) Les provinciales, 2016