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Petit manuel à l’usage de mes compatriotes assoiffés de vérité et prêts à en boire

Petit manuel à l’usage de mes compatriotes assoiffés de vérité et prêts à en boire

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Il y a un quart de siècle environ, j’ai découvert avec amusement la bouteille d’anis del mono, anisette dont nos voisins espagnols sont friands. Cette dernière représente un singe humanoïde, tenant d’une main une bouteille de ladite liqueur désaltérante et de l’autre un parchemin qui mentionne « es el mejor, la ciencia lo dijo y yo no miento ». 

J’en ai bu, bien volontiers tout en n’accordant que peu de crédit à cette soi-disant première place soi-disant scientifiquement prouvée rapportée par un soi-disant non-menteur. Cette bouteille m’avait amusée… Et bien qu’elle me rafraichisse maintenant !

Il en va de même lorsque je sirote un café l’or, « sans doute le meilleur café du monde », que je déguste n’importe quelle « saveur de l’année » ou que je me brosse les dents avec un dentifrice « testé cliniquement » sans connaitre la nature du test qui du reste a peut-être foiré complètement. Le mensonge, sur fond de science, souvent poussé au ridicule, a toute sa place dans la publicité. D’ailleurs, le ridicule ne tue pas et tout ce qui ne te tue pas te rend plus fort. Les marques l’ont bien compris et nous autres, consommateurs blasés ou éclairés, avons appris à octroyer le même crédit à la mère Denis en tablier bleu qu’au scientifique en blouse blanche.

En matière d’information peut-on en dire autant ? Spontanément, je l’espère, vous avez envie de répondre non. Une personne qui s’informe souhaite probablement savoir la vérité.

Malheureusement pour les consommateurs d’information que vous êtes, elle est truffée de bobards, pimentée de mauvaise foi et allégée en éléments nécessaires à une analyse objective. A cela rien de nouveau, bien au contraire. En dehors de quelques titres dont le tirage se rapporte à l’argentage, la presse ouvertement partisane se faisant plus rare, les journalistes ne sont pas enclins à prendre des risques éditoriaux ou à se lancer dans des joutes verbales. Ce qui a changé aujourd’hui, c’est l’arrivée du concept de « fake-news » et de son corollaire le « fact-checking ».

Paradoxalement, à une époque où le relativisme est érigé en vertu cardinale, certains médias présentent fièrement leurs rendez-vous quotidiens de fact-checking durant lesquels un expert en tout vous révèle doctement ce qui est vrai et digne de crédit. C’est-à-dire tout ce que l’on peut voir ou entendre dans les médias « main stream ». Et surtout tout ce qui ne l’est pas. C’est-à-dire les voix dissidentes. C’est un exercice un peu technique il faut bien choisir ses cibles, faire semblant d’en choisir d’autres, d’être objectif et impartial, faire semblant de contextualiser etc. mais quel potentiel de subversion !

Il n’est pas nouveau pour un pouvoir dominant de prendre le contrôle de l’information plus ou moins ouvertement mais cette pratique manque de crédit à une époque où l’info contraire circule sur les réseau dits sociaux. Dans le montage, Volkoff avait illustré comment, d’une manière plus subtile, le communisme s’est appuyé sur l’édition de recueils de savoirs pour instiller le désordre chez l’ennemi. Mais le problème du milieu intellectuel, c’est que le public n’est pas large et qu’il est parfois assez long de tordre esprits par le biais du ruissellement.

Grace au fact-checking, ces limites sont levées. Le dominant ne se contente pas de déposer sa vérité au seuil de vos consciences, il met un pied dans la porte sous l’apparence d’un service : « Je vais vous aider moi, à dénouer le vrai du faux ! ». Le tout avec un effet immédiat, devant un large auditoire et avec une caution scientifique.

Entendons-nous bien. Je n’en veux pas à la presse en général et au service public en particulier d’exploiter cette mine d’or de propagande subversive. Il faut reconnaitre ce joli coup d’avoir repris, à leurs propres victimes et pour leur propre compte le concept même de fake-news.

Je vous en veux un peu par contre, chers compatriotes, naufragés à la dérive dans un océan de mensonge, tiraillés par la soif de vérité, de succomber à la tentation de boire cette eau qui vous entoure. Elle ne fera qu’assécher vos gosiers. Il y a chez vous un manque de goût patent d’abandonner l’usage du bon vieux discernement qui, même pratiqué avec un esprit étroit, offrait la satisfaction du fait soi-même, de tirer les fils pour dénouer, parmi les bobards et la mauvaise foi ce qui devenait votre vérité bien à vous. Lorsque l’on veut bien manger, Messieurs-Dames, on cuisine soi-même ou on se déplace dans un bon restaurant, on ne va pas au McDo! Ces fast-foods de la vérité ne servent que des couleuvres, plus grasses encore d’être elles-mêmes farcies de couleuvres.

Confieriez-vous au chat la garde de votre poisson rouge ? Au loup celle de votre agneau ? A Michel Fourniret celle de votre fille ? A Roselyne Bachelot celle du ministère de la culture ?

Alors pourquoi confier au service public audiovisuel celle de l’objectivité de l’information ? 

  • « Une personne qui s’informe souhaite probablement savoir la vérité » aviez-vous répondu spontanément tout à l’heure. Et je vous en remercie.
  • « C’est ben vrai ça !» avait abondé la mère Denis.
  • « Assurément… Mais il n’est pas du tout nécessaire que cette vérité soit vraie » vous répondent les fact-checkers. « Les chiffres ne mentent pas… Mais rien n’interdit aux menteurs de produire des chiffres*. »

Buvez donc ! Si la soif vous en dit. Mais sachez à quel singe vous avez affaire!

*vieille sagesse populaire


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