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Retour vers le Futuroscope en 1900

Retour vers le Futuroscope en 1900

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Après la réussite de l’Exposition universelle de 1889, celle du centenaire de la Révolution française et celle de la réussite d’un certain Gustave Eiffel, l’exposition de la fin du siècle réveille toutes les imaginations et les ambitions. Les savants, les bricoleurs, les ingénieux rêvent au grand projet et soumettent toutes les invraisemblances. De plus, le public ne se lasse pas du génie avec lequel chercheurs, expérimentateurs en tout genre, repoussent les limites de la physique et du progrès technique. C’est pourquoi, bien avant le Futuroscope ou Disneyland des projets spectaculaires sont présentés à l’Exposition de 1900, lesquels connaîtrons d’ailleurs un grand succès auprès du public.

L’une des attractions majeures de cette exposition est sans conteste le Globe Céleste. Monument de vulgarisation scientifique, il permet aux spectateurs de découvrir l’astronomie. Le projet initialement conçu par Elisée Reclus (1830-1905), l'un des principaux géographes de l’époque, est rejeté du fait de sa démesure tant en dimensions qu’en coût. Le Grand globe céleste est finalement pensé par l’architecte et astronome Paul Louis Albert Galeron (1846-1930 ; architecte français connu pour la conception de l’Athenaeum roumain – une salle de concert à Bucarest). Le Globe Céleste est une sphère bleue et or de 45 mètres de diamètre sur laquelle sont peints les constellations et les signes du zodiaque. La sphère repose sur un socle d’une hauteur d’environ 18 mètres. Ce dernier est constitué de 4 piliers de maçonnerie qui accueillent des escaliers et ascenseurs permettant d’accéder à une terrasse fleurie aménagée à son sommet, à la base du globe. Une fois sur la terrasse, le visiteur peut ensuite pénétrer dans la gigantesque sphère. A l’intérieur, la voûte céleste a été reconstituée à l’aide une carcasse métallique de forme sphérique recouverte de papier bleu. Les étoiles sont représentées par des morceaux de verre taillés qu’éclairent des lampes incandescentes. Le visiteur peut contempler cette voûte céleste depuis le café-restaurant qui est installé à l’intérieur du globe mais, pour mieux profiter du spectacle, il est recommandé d’emprunter les escaliers qui conduisent une douzaine de mètres plus haut, à un petit observatoire sphérique installé au centre du Globe Céleste, qui figure la Terre. La planète-observatoire placée au sommet d’un axe rotatif, tourne sur elle-même à la vitesse d’un tour en trois minutes et peut accueillir une centaine de visiteurs. Elle est divisée à l’intérieur en trois étages, de manière à permettre d’observer le mouvement apparent des étoiles et des astres à différentes latitudes. Les spectateurs installés confortablement dans des fauteuils devant des petits hublots peuvent ainsi observer la voûte céleste telle qu’elle apparait au niveau de l’équateur (au premier étage), à la latitude de Paris (au 2e étage) ou enfin au pôle Nord (au dernier étage). Ce voyage céleste est accessible moyennant l’achat d’un billet dont le coût s’élève à 1,5 francs et comble du luxe, il s’effectue…en musique. Un orgue a en effet été installé à l’intérieur de l’attraction et joue une musique céleste tout spécialement composée par Saint-Saëns. Le Globe Céleste fait beaucoup parler de lui car l’attraction était féérique, mais malheureusement aussi, parce qu’il fut le théâtre d’un accident dramatique. Le 29 avril 1900, deux semaines à peine après l’inauguration de l’exposition par le président Emile Loubet, la passerelle piétonne qui relie l’attraction au reste de l’exposition en enjambant l’avenue de Suffren, s’écroule. On dénombre 8 morts et 10 blessés.

La mer a aussi son attraction avec le Maréorama. Créé par Hugo Alési (1849-1906 ; peintre et graphiste publicitaire français), il se situe au Champs de Mars, à l’ouest de la Tour Eiffel, dans un somptueux palais couronné d’une immense terrasse transformée en jardins suspendus. Constitué d’une plate-forme mobile montée sur un pivot central et 4 pistons hydrauliques, le Maréorama peut imiter le tangage et le roulis d’un bateau. Cette reproduction, aménagée en pont de navire avec la grosse cheminée, les tubes d'aération, la dunette du commandant, le gouvernail, la boussole, les bastingages avec la main courante sur laquelle on s'appuie trop souvent dans les cas de mal de mer, la mâture, les pliants traditionnels disséminés sous les tentes, invite le spectateur à un véritable voyage en mer commençant à Villefranche, passant par Naples, Venise et Sousse et se terminant à Constantinople. La plate-forme est située à l’intérieur d’une pièce recouverte de deux immenses toiles peintes, mesurant chacune 750m de long et 15m de haut, amenant les changements d'aspect de la mer ou des pays aperçus au large. ; les toiles oscillent doucement afin de recréer le mouvement des vagues de plus, les effets d’éclairage et le vent du large reproduits par des souffleries complètent l’illusion. Afin de bien comprendre les sensations vécues par les spectateurs, voici le récit de Louis Rousselet : « Entreprenons à notre tour une de ces traversées rendues si faciles et si peu coûteuses : toute la Méditerranée, moyennant le prix d'une course de fiacre, c'est pour rien ! Le bâtiment quadrangulaire, flanqué de tours carrées, est situé comme on sait, non loin de la tour Eiffel. On pénètre par un vestibule assez sombre, un escalier étroit, rappelant l'échelle pendant à la coupée des navires, et l'on pénètre sur le pont dans l'obscurité. Heureusement un matelot vous tend la main, vous indique un siège, vous guide vers la partie que vous désirez du transatlantique sur lequel vous embarquez. Le chargement étant complet (le pont peut tenir sept cents personnes), le commandant commence à donner ses ordres, la sirène se fait entendre, les chaînes grincent, les ordres se multiplient : en route ! Réellement, la sensation est agréable, on se sent mollement balancé par la vague, on quitte sans regret le port, en voyant l'eau prendre toutes les teintes, devenir plus agitée, plus calme, suivant qu'on est en pleine mer, ou près d'une anse, et le tableau magique de Naples et du Vésuve enflammé, de Venise, se mirant dans l'Adriatique, de la côte tunisienne aux tons chauds, du Bosphore mystérieux se déroule pour le plus grand plaisir des yeux. Le voyage ne se passe pas sans incidents. A Naples, un groupe de musiciens se précipitent sur le pont ; à Sousse, le canon fait entendre sa grosse voix pour la revue de l'escadre française ; à Venise, l'orage éclate, le tonnerre gronde, les éclairs sillonnent la nue…. Rassurez-vous, les plus peureux n'ont rien à craindre, et le roulis joint au tangage ne peut arriver à compliquer les choses. Il n'y a plus qu'à débarquer, non sans compliments pour l'artiste qui a peint avec beaucoup de charme ces immenses toiles, et combiné avec goût un spectacle peu banal. » Sur les 156 jours d’ouverture de cette attraction (elle n’aurait été terminée qu’un mois après l’ouverture de l’Exposition), celle-ci reçoit 267 515 visiteurs à 2 et 4 Francs.

Dans le même style, une autre attraction spectaculaire, qui devait être le « clou » de l’Exposition Universelle de Paris, est présentée : le Cinéorama. Inventé par Raoul Grimoin Sanson (1860-1941), ce procédé simule un voyage en ballon : dans une rotonde polygonale de 93 mètres de circonférence, 10 appareils cinématographiques synchronisés projettent un film présentant des paysages grandioses. Les spectateurs installés dans une réplique de montgolfière au centre de la salle sont invités à un voyage sans risque. Après avoir attiré une foule impressionnante de visiteurs le Cinéorma est, officiellement, fermé pour raison de sécurité après trois jour d’exploitation. En effet, malgré les ventilateurs, les appareils de projection dégagent une chaleur élevée qui incommode les spectateurs. La température de 46°C dans la cabine de projection constitue un grave risque d'incendie. Lors de la quatrième représentation, un incident se produit : un ouvrier, pris de syncope, tombe et se fait couper deux doigts par la pale d'un ventilateur. La Préfecture de police ouvre une information et ordonne la fermeture immédiate de l'établissement. Pour autant, Georges Bans, rédacteur pour la revue l’Aérophile, a pu assister à l’une des seules représentations du Cinéorama, et son récit est tout à fait différent : « Désireux de représenter L’Aérophile au premier voyage fictif du fameux Ballon-Cinéorama de l’Exposition, annoncé par des milliers d’affiches et une ascension sensationnelle, je guettais l’inauguration tant de fois ajournée. […] Renseignement pris au guichet, la première séance allait commencer. Je me joignais au petit groupe et j’attendais une grande demi-heure ; […] Enfin, vers trois heures, un mouvement se produit, le rideau vert se soulève […] ; je me précipite […] et nous grimpons un escalier rapide qui conduit dans une grande salle circulaire, excessivement sombre, où l’on distingue difficilement une nacelle accessible par un deuxième escalier. Un gardien, habillé en « capitaine de ballon » ancienne manière, tout galonné d’or, commence son explication. Nous ne pouvons résister au désir de la reproduire : « Le Ballon-Cinéorama qui va nous enlever est celui qui est parti des Tuileries il y a quelques semaines ; il va nous conduire dans les grandes villes du monde et vous y verrez les scènes les plus curieuses de la vie de chaque peuple. Tenez-vous bien, nous allons partir. » Alors commence un bruit épouvantable, comparable à celui de la machinerie d’un bateau à vapeur et je distingue vaguement, dans la nuit, sous la nacelle, une grande caisse polygonale avec une dizaine d’ouvertures d’où doivent fuser des projections cinématographiques. Le vacarme redouble et l’on ne voit toujours rien. […] Je commence à m’inquiéter, car j’ai vu la silhouette de M. Grimoin-Sanson frissonner à l’idée que ça ne marchera peut-être pas. Le « capitaine » ne s’émeut pas pour si peu lui, il explique, avec une étonnante volubilité, que nous ne distinguons rien parce que nous ne sommes pas encore partis, il suffit de jeter des sacs de lest. On attend encore quelques minutes : fracas et ronflement de machines, coup de sifflet et des filets de lumière s’échappent enfin de l’appareil projetant sur une toile circulaire des images confuses vaguement coloriées. Je comprends alors que ces dix images doivent « théoriquement » se réunir en une seule pour constituer une vue panoramique. Malheureusement il n’en est rien ; aucune n’est à la même hauteur que sa voisine, ça danse terriblement. Les terrasses des Tuileries semblent escalader le ciel, tandis que la tour Eiffel rentre sous terre. […] Nouveaux coups de sifflet, les bandes cinématographiques se déroulent avec des vitesses différentes, d’autres se déchirent. Alors commence la vision la plus vraie que l’on puisse rêver du « chaos ». Le « capitaine » crie : « tenez-vous, il y a un peu de vent ! » Nous croyons qu’un cataclysme va arriver, les arbres se précipitent les uns sur les autres, le public danse une sarabande folle dans le jardin, les monuments tournoient en délire. Ce n’est pas un ballon, ce sont des montagnes russes gigantesques. Enfin la vision cesse. Il était temps pour nos méninges ! Le « capitaine », qui sans doute assistait aux répétitions, ne désarme pas : « Nous sommes dans la nuit, parce que nous traversons un nuage très épais. Nous allons vers Bruxelles, où nous pratiquerons la descente artificielle, à la manière des grands aéronautes, c’est-à-dire en secouant les cordages. Les machines remarchent, huit appareils sur dix seulement se décident à projeter quelque chose : c’est une place à Bruxelles, avec de grands trous noirs, là où il n’y a pas image. Le chaos recommence et cependant la vue a été prise sur un solide échafaudage. Puis, fête du carnaval à Nice, course de taureaux à Madrid, embarquement de troupes pour le Transvaal, voyage en mer, et l’on cesse la représentation, car on a pitié des spectateurs qui se tiennent la tête pour s’assurer qu’elle n’a pas éclaté dans ce malheureux voyage. Il est impossible de décrire la course folle que faisaient les personnages, les masques et toréadors, et les vagues hors nature que vomissait l’Océan. Le « capitaine » désarme cette fois et annonce que l’expérience n’ayant pas réussi, les représentations seront suspendues quelques jours pour perfectionnement des appareils, et l’on sort dans le Champ-de-Mars, tandis que les portes du Ballon-Cinéorama sont cadenassées derrière nous. Cette attraction, retenue comme « clou », par le commissariat de l’Exposition, n’a plus rouvert sa porte et l’enseigne a été enlevée. […] Voilà comment un rédacteur de l’Aérophile et une poignée de Stanislas ont été les seuls voyageurs du Ballon-Cinéorama. »

Une attraction semblable fut présentée à l'Exposition de Yeosu en Corée du sud en 2012.

Enfin, la dernière grande attraction présentée dans cet article sera le Cinématographe. En effet, l'Exposition universelle de 1900 offre au cinéma la possibilité et la chance d'une reconnaissance officielle et internationale. C’est pourquoi, moins de cinq ans après la naissance du cinématographe, le Commissariat général et les frères Lumière offrent au public des séances gratuites de cinématographe Lumière dans la salle des fêtes aménagée dans la Galerie des machines. D'une superficie de 6.300 m2, cette salle, d’une forme circulaire, peut contenir jusqu’à 15 000 personnes grâce à quatre séries de gradins qui descendent jusqu'à la scène également circulaire. L'écran situé suivant le plan de l'axe longitudinal du Champ-de-Mars mesure 21 m de largeur et 18 m de hauteur. Afin de le soustraire à la poussière, les opérateurs le descendent après chaque soirée dans une cuve en ciment aménagée sous le plancher de la salle et contenant de l'eau. Une demi-heure avant la séance, il est relevé au moyen d'un treuil établi au-dessus de la verrière. Pendant le montage, des jets d'eau le lavent à nouveau. L'étoffe a été choisie de manière à laisser passer, une fois mouillée, à peu près autant de lumière qu'elle en réfléchit ; de sorte que l'image se voit des deux côtés afin que les spectateurs puissent prendre place dans tous les gradins de la salle. Le programme, qui dure vingt-cinq minutes, comprend 15 vues et 15 photographies en couleurs. Il est régulièrement renouvelé, puisqu'au total 150 films différents sont projetés. L'ampleur et la gratuité de ce spectacle manifestent la volonté des Lumière de faire connaître leur invention auprès du plus large public possible et d'être officiellement et internationalement reconnus comme les inventeurs du cinéma. De plus, répondant aux objectifs qui lui sont assignés, le cinématographe géant Lumière offre une qualité d'image satisfaisante et connaît un ample succès car le Commissariat général dénombre 326 séances de projection entre le 15 mai et le 12 novembre, au rythme de deux spectacles par soirée, à 21 heures et 22 heures. Au total, 1.400.000 personnes environ profiteront de cette attraction.


1900 : petit Paris Express
1900 : petit Paris Express
Visite virtuelle de l’Exposition Universelle de 1900
Visite virtuelle de l’Exposition Universelle de 1900
1900 : un accès au savoir
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