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La Beauté et le monde derrière le voile

La Beauté et le monde derrière le voile

Par  

« La beauté est la transparence à travers laquelle le monde laisse entrevoir un autre monde. »

Ernst Jünger

 

Il existe, au cœur de notre regard, une faille lumineuse : une brèche par laquelle la beauté nous révèle un monde plus vaste, plus vibrant, plus secret que celui que nous traversons chaque jour. Ce monde transfiguré n’est ni fiction ni abstraction : il se tient là, dissimulé derrière le voile de nos habitudes, attendant que l’émerveillement en rouvre le passage. Ce texte invite à écouter cette nostalgie ancienne qui palpite en nous — la mémoire d’un royaume oublié, mais jamais perdu.

La graine et le monde latent

Une graine de blé existe certes en tant que graine, mais sa véritable destinée ne se révèle qu’au moment de la germination. Rien d’extraordinaire, à première vue. Pourtant, envisager le monde qui nous entoure — hommes et femmes, arbres, maisons — comme une graine prête à éclore, voilà une fréquence de perception bien plus rare.

Derrière le voile léger de la tradition poétique, cette vérité persiste pourtant. De Novalis à Ernst Jünger, les auteurs nous laissent entrevoir que le monde, tel qu’il se déploie sous nos yeux, n’existe pleinement que dans la perspective de sa transfiguration. Dans cette lumière, on comprend — non sans vertige existentiel — que la vie terrestre, éphémère, n’est peut-être permise que pour faire l’expérience de cette réalité ultime, et non pour seulement la rêver.

 

Au-delà des mots : l’expérience

Le mot transfiguration ne livre pas d’emblée tout son sens. On pourrait lui préférer transorganisation, qui suggère une réarticulation profonde du réel à partir de la communauté organique de l’origine où l’être générique persiste.

Mais les mots, fussent-ils nombreux et précis, ne remplacent jamais l’expérience vécue. Prenons plutôt une image : celle d’un enfant ouvrant un livre de contes. Il lit, il s’émerveille. Pour lui, la légende est vraie — non parce qu’il l’a vérifiée, mais parce qu’il la vit de tout son être.

Le monde transfiguré, c’est cela : un univers où hommes et animaux communiquent, où chaque pierre et chaque fleur révèle un éclat caché. Il ne s’agit ni d’une métaphore, ni d’un rêve vague : selon mon avis, ce monde « transfiguré » existe réellement, derrière le voile. Le monde des écrans et de l’artefact conceptuel est son exact contraire.  

 

La beauté comme clef

Or, ce basculement vers la perception transfigurée ne peut advenir sans la beauté, sans l’émerveillement. La beauté est la clef, le seuil. Quand une œuvre nous bouleverse, quand un paysage, un visage ou un son nous étreint, c’est que ces manifestations nous ouvrent, l’espace d’un instant, à cette dimension invisible. Sans beauté, l’expérience resterait close, le passage impossible. Un monde sans beauté serait un enfer climatisé : fonctionnel, mais mort intérieurement.

 

L’appel du monde derrière le voile

Dans notre époque à la fois endormie et saturée, happée par les écrans, le monde des légendes continue pourtant de lancer des appels silencieux. Ce texte, à l’instant même où vous le lisez, peut déjà faire résonner un de ces appels.

Car la nostalgie que nous ressentons tous n’est pas un simple vague à l’âme : c’est la nostalgie de notre être profond, de notre âme, comme celle de la plante qui sommeille déjà dans le grain et porte en elle son plan secret.

Une voix — et une voie — vit en chacun de nous. Des scintillements, tels des phares dans la nuit, agitent notre conscience et nous guident vers ce monde intérieur.

Et si être véritablement vivant signifiait être momentanément séparé de soi par le voile de l’ignorance ? Que désigne donc ce « royaume qui n’est pas de ce monde » évoqué par les premiers chrétiens, sinon cette réalité transfigurée qui, tout en paraissant lointaine, est en réalité la plus proche ?

L’Évangile selon Saint Luc nous le rappelle : « Le Royaume est au milieu de vous. »

 


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