Le roman courtois de Pauline de Préval
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Le roman courtois de Pauline de Préval
S’il est plaisant de croire qu'une phrase puisse résumer tout un roman, peut-être que celle-ci serait une candidate idéale : « La nature entière était à la fête en attendant que je la transfigure avec mon pinceau » (p. 9).
En adoptant cette perspective, le lecteur passionné commence à observer le monde à travers le prisme d’un artiste-peintre de la Renaissance italienne, par des dispositions d’âme où la nature était encore perçue comme une manifestation du divin ; quand l’art se tenait encore entre Dieu et les hommes. Un temps où, dit-on, Nicolas Flamel aurait transformé le plomb en or !
Le personnage de L’or du chemin, traverse, en peintre itinérant, un pays toscan où l’or est omniprésent. Son nom - Giovani - n'apparaît qu'à la conclusion de la deuxième partie, une fois que le lecteur a eu loisir de s’identifier aux aventures du peintre. Prêtons donc l’oreille à ce qui suit : « La nuit était avancée. Nos pas résonnaient seuls sur nos pavés. La ville dormait à volets fermés. Une fine couverture de brume enveloppait la campagne » (p. 32). Ce paysage est à la fois une « fête », un atelier et une fresque « où vole la poudre d’or des fabricants de retable ». Quand il cohabite avec le mot « chemin », l’« or » du titre de l’ouvrage prend alors un sens figuré propice à toutes les métaphores. Les questionnements philosophiques avancés par l’auteur résonnent alors d’échos lointains : « Comment mener une vie qui vise à l’essentiel ? Qu’est-ce qu’aimer, etc. » ?
Faut-il alors s'étonner que L’or du chemin se mette à miroiter avec cet autre métal précieux dormant dans le fond de nos âmes ? s’étonner qu’il ne finisse par nous entraîner sur les rivages du Très Bas, œuvre de Christian Bobin dédiée à la figure de Saint François d'Assise ? Même enjambées de sept lieux à travers la Toscane ! Même plomberie familiale à transformer en or ! Même époque marquée par l’hégémonie des marchands ! Même émerveillement face à la nature ! Même effet transfigurique dont l'art a le secret !
Oser ce rapprochement entre Giovani et Saint François, c’est s’exposer à autant de promesses que d’ambiguïtés. La comparaison requestionne au grand jour le lien qui unie et sépare la figure de l’artiste et du prêtre. C'est là où les choses se compliquent ! Qui, du prêtre ou de l'artiste, détient les "clés du paradis" promises par l’auteur en clôture de son roman ? Ces deux « sacerdoces » sont-ils complémentaires ou concurrents ? La question reste ouverte.
L'art n’est-il pas à la fois dévoilement et voilement ? Le voile que l’artiste retire et dépose à la fois du monde rend superfétatoires les questions de cet ordre. Bref, l'essentiel n'est-il pas d'aimer la vie - et l'art, notre allié le plus intime ? N'est-il pas que « les choses se remettent à nous faire signe, comme ces cerises qui, lorsqu’on les regarde à la manière des poètes, font de si beaux rouges à lèvres aux anges » (p. 118) ?
L’or du chemin. Editions Albin Michel. 14 €.
www.paulinedepreval.com