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Le plastique n'est plus fantastique

Le plastique n'est plus fantastique

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Il y a des nuits de labeur acharné au salut de l’humanité, lorsque les représentants du peuple réunis à l’assemblée nationale s’attaquent aux sacs plastiques… Ce fut le cas de la nuit de vendredi 10 au samedi 11 octobre 2014. Quelle joie à mon réveil quand j'appris que les députés avaient courageusement veillé pour abolir à l'aube de ce fameux samedi 11 octobre, après une nuit blanche passionnante, le sac plastique et la vaisselle jetable en plastique. J'eus une pensée émue pour le petit Grégory, comment avons nous pu attendre aussi longtemps, 2014, pour enfin légiférer sur les sacs plastiques ? Et puis j'eus un sentiment plus égoïste, de profonde reconnaissance en pensant à tous les pots plus ou moins improvisés au travail. Si la vaisselle jetable est interdite, je vais enfin pouvoir poser mes lèvres délicates à nouveau sur du verre à défaut de cristal. Les pique-niques furent pour moi aussi d'un coup drapé d'un attrait retrouvé : fini les couteaux qui ne coupent pas, les fourchettes qui ne piquent pas et les assiettes d'où la saucisse glisse ! Quelle joie d'avoir des élus de la nation qui pensent autant à moi ! Il en a fallu du courage aux députés pour voter cet amendement à l'initiative des Verts. En effet, Ségolène Royal l'avait qualifié d'antisocial car les plus pauvres ne jetaient pas cette vaisselle mais la lavaient pour la réutiliser…

2015, 2016, 2020… patience

La loi ne sera définitivement promulguée qu'au printemps 2015, et il va falloir attendre janvier 2016 pour bénéficier des premières mesures coercitives de ce gouvernement courageux sur les sacs plastiques. Si je veux faire une courte pause dans l'ironie, c'est vrai que ne plus avoir d'arbres à sacs les jours de fort Mistral sera tout même une avancée pour la qualité de vie à Marseille. Selon le gouvernement, près de 5 milliards de sacs de caisse et plus de 12 milliards de sacs dits « fruits et légumes » sont encore distribués. Ils seront remplacés par des sacs à base de matière organique (amidon de maïs, de pomme de terre, etc.) et recyclables dans des composts à domicile. Pourvu que les députés ne passent pas une nouvelle nuit blanche à écrire un texte pour obliger tous les Français à avoir des toilettes sèches… Pour l'amendement sur la vaisselle en plastique, celui qui me tient le plus à cœur, il faudra attendre 2020, pour ne pas être trop "antisocial". Et il faudra attendre peut être un peu plus, car je soupçonne un certain nombre de mes collègues et amis de vouloir se constituer des stocks de vaisselle en plastique. Le pied détachable de la chic flûte en plastique risque de me rester dans la main encore quelques années…

Ce sac plastique qui cache le vote d'un piège énergétique

Pendant que le plus anodin fait la une des journaux, et que moi même je souscris à ne parler que de l'accessoire, l'essentiel fut voté dans un grand silence d'indifférence, sans l'ombre d'un débat pour l'avenir de notre pays. L'article 1er du projet de loi adopté dès le vendredi matin ne concerne que notre facture d'électricité, notre indépendance énergétique, et notre excellence industrielle. C'est tout. Ce que cet article pose, c'est l'équation à résoudre concernant le mix énergétique, mais il se garde bien de la résoudre. Ainsi,

  • la part du nucléaire dans la production d'électricité devra être réduite de 75 à 50% à l'horizon 2025 ;
  • la consommation énergétique diminuer de moitié en 2050 par rapport à 2012 ;
  • figurent la baisse des émissions de gaz à effet de serre de 40% entre 1990 et 2030, et leur division par 4 en 2050 ;
  • enfin, la part des énergies renouvelables doit être portée à 23% en 2020 et 32% en 2030, et la consommation des énergies fossiles diminuer de 30% en 2030.

Bon courage ! Ne serait-ce que pour réduire les émissions de gaz à effet de serre tout en diminuant la part du nucléaire, cela me parait être un certain challenge à résoudre. Si on met tous les autres pourcentages dans le shaker, j'ai du mal à voir ce qui va pouvoir en sortir en terme de programmes d'équipements pour la France : 3 millions de chômeurs juchés sur des vélos pour alimenter les ampoules de nos guirlandes de Noël ? Aucun débat sur les impacts liés au coût de l'électricité et sur ses conséquences pour les ménages et notre industrie. Le sac plastique cachait donc une forêt de pourcentages alignés sous forme d'une équation impossible à résoudre, une équation qui n'est que l'expression de la plus pure utopie.

Indulgence moderne

Ce qui est pratique avec l'environnement, et la planète, ce Dieu que les écolos et bobos se sont choisi afin qu'il leur soit redevable, ce qui est pratique donc, c'est le fait de nous donner bonne conscience. Les amendements écolos sur les sacs plastiques et la vaisselle jetable fonctionnent un peu comme des indulgences modernes. Le jour où l'homme de gauche, le progressiste, se présentera au royaume des lendemains qui chantent, et que devant son juge il devra justifier de sa conduite quelque peu jouissive, il pourra apporter sur l'autre plateau de sa balance toutes ses bonnes actions en faveur de l'environnement. J'ai trompé ma femme, mais j'ai trié mes poubelles. J'ai détourné de l'argent mais j'ai des toilettes sèches. Quand il n'y a plus de règles de morales, il y a des règles d'hygiène, nous le savons bien. Et la dernière des innovations de la loi sur la transition énergétique est de permettre aux employeurs de verser une indemnité kilométrique à leurs salariés se rendant à vélo à leur lieu de travail. Nous aurons encore longtemps ces mines réjouies, fières et suffisantes sur le visage des cyclistes sous leurs casques en forme de coquille de noix : ils ne viennent pas au travail, ils sauvent la planète. Dire que j'ai commencé à me réjouir de ne plus avoir à supporter la vaisselle en plastique, dire que j'ai commencé à fantasmer de pouvoir à nouveau en tous lieux poser du cristal sur mes lèvres et de l'argent sur ma langue. Et je finis la lecture de cette loi dont le vote fit tomber dans les bras de Morphée Duflot elle même, par une envie de me couler dans un bain bien chaud de 250 litres d'eau afin d'éviter de dire à la planète tout entière de quel bois je me chauffe.


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