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More encourage un retour au réel

More encourage un retour au réel

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A. More encourage un retour au réel :

More corrige les excès dialectiques de Dorp qui oppose de façon contradictoire théologiens et grammairiens alors que ces deux disciplines se complètent l’une l’autre  (pp. 54-55). Il souhaite par la même occasion défendre les compétences théologiques d’Erasme (docteur depuis 1506). More en profite également pour donner une leçon de philologie à Dorp : le terme grammaticus, loin d’être une infamie dans l’histoire de la connaissance, signifie versé dans toutes les branches du savoir « à moins  de prendre le mot dans son sens le plus matériel, et de l’appliquer à tout écolier qui a appris les lettres de l’alphabet » (p. 55). Dorp touche là, il est vrai, un travers bien connu du monde cultivé : certains s’imaginent, dit-il, connaître toutes les disciplines parce qu’ils comprennent le sens des mots et la structure des phrases.

More acquiesce - ces maîtres sont bien éloignés de la véritable science, mais pas moins que ces théologiens « qui, eux, ignorent même le sens des mots et la structure des phrases » (pp. 55-56). Le sens des mots, c’est la définition donnée par le sens commun : l’induction. En cela, More est bien aristotélicien. Le défenseur d’Erasme rappelle que le maître de Rotterdam n’est ni un grammairien nominaliste ni un de ces théologiens qui « une fois sortis du labyrinthe compliqué de leurs menues questions, ne connaissent strictement rien » (p. 56).

More encourage Dorp à abandonner ces « questionnettes » (p. 57) scolastiques et à retrouver les vraies règles de la logique, « produit de l’intelligence » : « ce sont des modes raisonnement, dont la raison s’est avisée qu’ils seraient utiles pour un examen fouillée de la réalité » (p. 58). La jeune intelligence de Dorp se laisse encore séduire par ces brillantes pirouettes théologiennes. Mais un jour, More l’espère, Dorp en saisira « l’insignifiance » (p. 61).

Dans sa défense d’Erasme grammairien et authentique chercheur théologien, More évoque les « méthodes d’enseignement » (p. 62) de Louvain et Paris. Il n’en voudrait pas pour ses enfants ! More loue cependant le génie de Jacques Lefevre d’Etaples, maître éminent de l’université de Paris « restaurateur de la vraie logique et de la vraie philosophie, surtout aristotélicienne » (p. 62).

La vraie logique aristotélicienne, souligne More, si elle était sérieusement étudiée par les étudiants européens, assainirait l’étude de la philosophie : « elle risquerait moins d’y dégénérer en prises de bec » (p. 63). L’ami d’Erasme tient en outre à manifester les problèmes d’interprétation que suscite l’Organon d’Aristote : entre les réalistes et les nominalistes, « comment saurai-je à quelle école il convient de me mettre ? » (idem).

Ces querelles universitaires « aussi âpres que s’il s’agissait de défendre son foyer et sa foi » (idem) desservent la logique elle-même, « du moins n’aide guère à son acquisition » (idem).

More propose de s’en tenir aux grands principes de base de la logique. Réduire la philosophie à la logique formelle, c’est une aberration et une perte de temps (p. 63). More rappelle la signification du terme organon : instrument. « C’est bien ainsi qu’Aristote envisageait cet art, lorsqu’il édifia son système de logique… » (p. 64). More souligne les grandes analyses d’Aristote avant d’affirmer : « Quant aux questions de nos écoles, ni Aristote ni Porphyre de les ont proposées, le dernier les a même écartées formellement : elles ont pour effet, non de faire avancer, mais de retarder les jeunes intelligences, encore mal dégrossies, et qu’il faudrait imprégner de notions moins ineptes » (p. 64).

More parle d’or et évoque, peut-être sans le savoir, l’enseignement d’Aristote et de saint Thomas sur les consuetudines ou habitus intellectuels vicieux qui empêchent l’acquisition de la sagesse (Métaphysique, 995a 1-20).

« Aujourd’hui, des monstres sans queue ni tête, nés pour le désastre certain de la culture libérale[1] sont venus brouiller les distinctions lucidement élaborées par les anciens ; leurs chancres infects, parasitant sur les très pures traditions de l’antiquité, ont tout corrompu » (pp. 64-65).

La grammaire se corrompt en effet, elle qui est destinée à servir la théologie : un pot-pourri de rêveries et de délires » (p. 65). Comment ces sornettes et niaiseries ont-elles pu s’introduire dans les universités européennes, s’interroge More ? Ces cocasseries biscornues séduisent pourtant les belles jeunes intelligences en leur gauchissant le jugement.

[1] En référence aux arts libéraux : les matières philosophiques.


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