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Stéphane Barsacq aux solstices

Stéphane Barsacq aux solstices

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Avec Solstices Stéphane Barsacq nous associe à la folle ambition d’être propulsé par la littérature et l’art, et malgré nos limites, au-delà de nous-mêmes. Solstices fait suite à Mystica et Météores publiés également aux éditions du Corvelour. Rares sont ceux qui peuvent dire de leur vivant : tout est accompli. Et pourtant, avec ces trois volumes, Barsacq l’avoue : en un sens, je peux mourir, tant la mort est l’aimant des livres. Il a n’a jamais écrit pour écrire, non, il a toujours écrit par nécessité, écrit comme si il était déjà mort… C’est dire si ce que nous avons entre les mains apparait immédiatement comme, l’objet nécessaire, indispensable, une sorte de viatique

Des phrases courtes, des plus longues, des textes, des variations sur un thème… Les écrits de Barsacq prennent différentes formes pour garder la spontanéité de leur surgissement. Il classe les écrits par thème mais nous ne sommes pas dans l’exercice du dictionnaire ou de l’inventaire. Ce que nous avons entre les mains est le contraire d’un produit. C’est une offrande. Des réflexions sont aimantées autour d’un mot ou d’un nom comme des aiguilles qui se précipitent pour faire corps avec l’aimant. Il choisit, cite, convoque. Barsacq nous offre ceux dont il veut qu’ils soient nos alter ego, nos autres nous-mêmes à travers leurs œuvres. Baudelaire, Rimbaud, Simone Weil, Cioran, Mozart, Artaud, François Augiéras, Lucien Jerphagnon,… Et puis Goudji, Hélène Grimaud, Nietzsche, René Girard, Maurice Blanchot, Gustave Thibon, Bloy, Berdaïev, et Suarès bien sûr dont il préfaça et dirigea plusieurs rééditions. Et… en ligne de mire Saint François d’Assise et Isaï ! Comme Thibon ou Suarès, il profite des gens qui viennent à lui pour les amener ailleurs. C’est sa façon de rendre grâce d’avoir baigné dans un univers d’élection et de s’inscrire ainsi dans la parabole des talents.

Barsacq va à l’aphorisme pour aller à l’os ! Comme Thibon, il cultive l’aphorisme car il a beaucoup lu et beaucoup aimé, il se fait discret avec l’essentiel. Une seule phrase suffit pour la vie, comme un seul livre, si on le lit vraiment, c’est-à-dire si on le traduit dans notre chair, n’est-ce pas ? Ces phrases font émerger une faille nouvelle en notre âme. Barsacq se fait tellement économe avec ses écrits, que si un autre a déjà écrit mieux, il le cite. Il offre sa collection de phrases et nous nous sentons prononcés. Les phrases n’attendent d’ailleurs pas de réponses, de débat, car toute réponse est tragique. Elles sont là pour se déposer en nous, pour nous conduire à nous muter en question, la bonne question au regard de la réponse qui nous est donnée. Nous ne sommes pas dans le domaine de la dialectique et des jeux de mots, les phrases ne veulent rien démontrer et ne convaincre personne, elles se posent et c’est tout. Faites-en ce que vous voulez mais vous ne pourrez pas les nier ! On est dans le domaine de la poésie et de la révélation. Barsacq parle en solitaire, avec l’autorité du solitaire. Parole de sage ? Non c’est une parole du fol en quelque chose ! Barsacq cherche à se tenir droit par-delà le bien et le mal, et ne pas démériter de lui. Avec lui, il ne s’agit plus d’adorer ses limites de concert avec le monde, mais d’oser les transcender dans une déclaration : « je l’aime dans l’impossibilité de l’aimer. »

Avec ses odes à la musique, à la poésie, à la littérature, à la pensée, Solstices fait œuvre de philosophie et pose tout simplement la question de l’être, ou plus exactement l’ambition d’être. Barsacq s’étonne : « Aucun philosophe aujourd’hui ne parle de la mort. Un comble puisque la philosophie avait pour finalité de nous en délivrer. » Sa réponse permet d’affirmer dans un même mouvement la vocation tragique de la vie et l’espérance qui nous oriente : « Soyons néanmoins confiants dans la tragédie à venir. » Tragédie et espérance, voici donc les deux leviers pour propulser l’être bien au-dessus de lui-même.

Et pour nous accompagner dans ce pèlerinage écartelant, Barsacq ne voit que la musique, celle qui renvoie dos à dos la littérature et la science en apparaissant comme un au-delà. C’est par la musique que l’auteur prend conscience qu’il est fait pour l’idéal en en étant incapable. « J’eus la révélation de la beauté et sa douleur. » Oui la musique la fait devenir comme un fol en Dieu, le fait vivre avec l’impression d’en mourir.

Solstices nous amène donc à oser sortir de la grotte comme un philosophie ivre de poésie et de musique. Barsacq a écrit sur tout ce qu’il aime, comme Suarès, il a écrit pour transmettre et se relier. Le grand préfacier est un passeur, il organise le narthex, le parvis des gentils des arts lettres, des lecteurs de bonne volonté. Pas pour convaincre mais par nécessité. « Le grand secret est qu’il ne s’agit pas d’écrire, mais d’être écrit. »


« Le grand homme de France, c’est Molière »
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Suarès nous transmet Dostoïevski et Baudelaire
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Suarès, miroir du temps
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