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Le Québec, avant les grandes explorations

Le Québec, avant les grandes explorations

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L’histoire du Québec s’étend de la première occupation humaine du territoire (correspondant à la province actuelle) à nos jours et, même si elle a tendance à se confondre avec l’histoire de la Nouvelle France, ni les Français, ni les Anglais ne sont les premiers habitants du Québec et une histoire de ce territoire, grand comme trois fois la France, ne peut ignorer ce qui s’est passé avant l’arrivée du premier Européen.

Selon la théorie du premier peuplement de l'Amérique, les premiers habitants sont arrivés en Amérique à partir de l'Asie il y a entre 12 000 et 30 000 ans en franchissant un isthme, c'est-à-dire une étroite bande de terre, qui reliait alors le Nord-Est de l'Asie au Nord-Ouest de l'Amérique, à l'endroit où se trouve aujourd'hui le détroit de Béring. En effet, pendant la dernière ère glaciaire, du fait de la mobilisation des eaux gelées au sein d'une immense calotte polaire et des glaciers continentaux, le niveau des océans baisse de 120 à plus de 150 m, formant ainsi une bande de terre ferme entre les extrémités des continents asiatique et américain. Cette bande de terre ferme, appelée Béringie, recouverte d'une végétation abondante (constituée principalement d’herbes et de petits buissons) qui représente une nourriture idéale pour les mammouths laineux, les chevaux sauvages, les caribous et les bisons, permet la vie et le passage des animaux de grande taille (mégafaune). Ainsi, de nombreux scientifiques pensent que ce pont terrestre est la route empruntée par les premiers arrivants en Amérique, qui auraient suivi les ruminants depuis la Sibérie jusqu’en Alaska et, à partir de là, se seraient rendus dans le reste de l’Amérique du Nord et du Sud ; et la découverte en Béringie de l'Est d'ossements animaux datant de 24 000 ans confirme cette théorie. Il y a environ 11 600 ans, suite à une période de réchauffement climatique qui fait remonter le niveau des océans, le pont terrestre de la Béringie disparaît sous le détroit de Béring.

Les premiers habitants du territoire, appelés les paléoaméricains et qui deviendront aux cours des millénaires les peuples autochtones du Québec, circulent sur le territoire avec une grande mobilité dans un environnement fort différent de celui d'aujourd'hui car, la proximité des glaciers apporte un climat rigoureux et le paysage végétal ressemble beaucoup à celui qu'on trouve en milieu nordique. Il semble qu'ils se déplacent à l'aide d'embarcations et utilisent des tentes en peau. Ils utilisent des pointes de pierre taillée de type Clovis (pointes cannelées nommées ainsi car les premiers exemplaires sont retrouvés en 1929 sur un site archéologique situé près de la ville de Clovis au Nouveau-Mexique) pour la chasse aux mammouths, aux mastodontes, aux chevaux, aux chameaux, aux bisons antiques et autres, une mégafaune aujourd'hui disparue. Leurs proies préférées sont les grands cervidés, principalement les caribous, bien que les autres mammifères, de même que le poisson, complètent leur alimentation.

Les traces les plus anciennes de peuplement au Québec remontent à la fin de la dernière période glaciaire, soit il y a environ 10 000 ans. En effet, des sites archéologiques au Sud du Québec démontrent que des groupes de chasseurs paléoindiens pénètrent dans la vallée du Saint-Laurent, probablement à la poursuite de troupeaux de caribous et autres grands cervidés, par un haut corridor transappalachien qui favorisait le passage entre les terres basses de la rivière Kennebec et celles du Saint-Laurent (aussi appelées le Méganticois) au moment où la mer de Champlain se retire.

Figure 1 - Approximation de la mer de Champlain

Des traces d’autres cultures sont également présentes dans la vallée du Saint-Laurent. En effet, des vestiges appartenant à la culture planoenne sont trouvés sur la côte gaspésienne.  Cette culture, née dans les prairies d’Amérique du Nord, est caractérisée par la finesse des objets de pierre taillée qu’elle utilise. Les historiens supposent que des chasseurs planoens ont contournés la rive nord du lac Supérieur et du lac Huron pour atteindre la haute vallée du Saint-Laurent il y a environ 9 000 ans. D’autre part, des gens de l'Archaïque ancien sont présents sur le sol québécois. Il y a tout d’abord les Laurentiens, qui habitent la partie amont du fleuve et dont la subsistance dépend principalement de la pêche (ils consomment du poisson et parfois des mollusques), de la cueillette de fruits et de plantes (qui prend une place importante dans leurs activités) mais surtout de la chasse au chevreuil, à l'orignal, à l'ours, au castor, et aux oiseaux migrateurs. Leurs outils de pierre taillée ou polie sont utilisés comme pointes de projectiles, couteaux, grattoirs, gouges, polissoirs, forets, ou comme poids de propulseur ou de filets de pêche. Ils utilisent aussi les os et le cuivre natif pour fabriquer leurs outils. Par ailleurs, vers la fin de la période archaïque (vers -3 000 ans), apparaissent des contenants en stéatite (pierre à savon), précurseurs de la poterie. C'est également à cette époque que certaines populations amérindiennes provenant des Grands Lacs étendent leur réseau d'échanges à la région laurentienne. En effet, la présence de minéraux provenant du Labrador (Ramah), de Pennsylvanie et de cuivre sur des sites du Québec démontre l'étendue des échanges et des communications, qui ne cessera de s'accroître jusqu'à l'arrivée des Européens. Par contre, on ne possède aucune indication sur le type d'habitations utilisées : les fouilles archéologiques sont restées muettes sur le sujet jusqu'à maintenant. Pour autant, on peut supposer que des abris rudimentaires étaient construit durant la saison estivale et des constructions plus résistantes étaient utilisées lorsque les familles gagnaient leur territoire de chasse pour y passer l'hiver.

Par ailleurs, une culture maritime, en provenance du sud, s'épanouit sur les rives du golfe du Saint-Laurent, ce sont les Maritimiens. Ils se déplacent avec des embarcations sur de longues distances et chassent les mammifères marins aussi gros que le morse. Les ressources alimentaires sont principalement composées du phoque, de la baleine échouée, des poissons marins et anadromes (poissons migrateurs), des oiseaux migrateurs et des grands cervidés (tels que le caribou, le cerf et l’orignal). La plupart des outils sont faits de pierre, de bois, d'andouillers (bois des cervidés) et de dents de castors. Tous les clans familiaux édifient plusieurs types de maisons ou tentes, selon les dimensions requises, la saison, la durée du séjour et les matériaux disponibles.

À la fin de cette période, 1 000 ans av. J.-C., des chasseurs de l'Archaïque bouclérien, probablement issus de la culture planoenne de l’ouest, envahissent la partie est du Bouclier canadien (également le bouclier précambrien (canadien), bouclier laurentien, ou encore le plateau laurentien ; il forme approximativement un G sur un secteur géographique actuel situé au Canada et aux États-Unis. Les géographes supposent qu’à l'origine c’était un secteur de montagnes très élevées et très abruptes, avec une activité volcanique intense, qui s’est érodé au cours des millénaires, pour donner au secteur son aspect actuel beaucoup plus plat). Ces derniers vivent un nomadisme saisonnier en pratiquant la chasse, la pêche et la cueillette ; ils se nourrissent surtout de caribou et de poisson, mais aussi d'ours, de lièvre et d'oiseaux migrateurs. Ils occupent la forêt boréale et la toundra forestière du Labrador jusqu'au nord-est de l'Ontario c’est pourquoi, pour vivre dans ces régions au climat rigoureux, ils possèdent de bons vêtements, des canots d'écorce, des raquettes à neige et leurs habitations sont d’imposantes structures semi-souterraines, dotées d'un corridor d'accès. En plus de tailler leurs outils dans la pierre, ces autochtones la polissent et martèlent le cuivre natif importé du lac Supérieur. Ancêtres des Cris, des Algonquins et des Montagnais d'aujourd'hui (Peuples algonquiens), ils conservent ce mode de vie pendant des millénaires. C’est d’ailleurs celui qui demeure à l’arrivée des Européens.

Figure 2 - Déplacement des autochtones

Au début du dernier millénaire av. J.-C., c'est la fin de l'Archaïque et le début de la période sylvicole pour les peuples de la côte atlantique. Les Amérindiens de la plaine laurentienne, tels que les Iroquoiens, empruntent à des groupes du sud des innovations comme la poterie et la culture du maïs.  De fait, ils se mettent à vivre de l’horticulture (maïs, tournesol, courge, haricot et tabac), ce qui entraine une explosion démographique de leur population, comme ce fut le cas au Moyen-Orient lors du Néolithique. Ils passent ainsi de la vie de nomades à une vie de sédentaires et ils développent une organisation sociale sophistiquée. Ils s’installent dans la région de Stadaconé (la ville de Québec aujourd'hui) où ils construisent des villages qui peuvent regrouper jusqu’à 40 maisons d’une longueur de 30 m chacune (lesquelles servent de lieu de résidence, de lieu de rencontre collectif et d’entrepôt), pour une population totale d’environ 2 000 habitants. Les villages sont entourés de palissades construites avec des pieux plantés en terre pour se protéger des animaux sauvages, des ennemis possibles et des grands vents mais, constatant que les rendements agricoles s’amenuisent au fil des ans, les Iroquoiens déménagent leurs villages tous les 10 à 30 ans. Le nouvel emplacement est choisi en fonction de la fertilité du sol et de la proximité de cours d’eau et de forêts. Ainsi, la fertilité du sol leur permet de pratiquer l’horticulture, les cours d’eau leur fournissent l’eau potable et des poissons, et les forêts fournissent les ressources nécessaires pour construire et chauffer leur maison. Pour autant, et malgré ces importants changements, la chasse, la pêche et la cueillette des fruits et des graines ne sont pas abandonnées. Par ailleurs, les bandes iroquoiennes agricoles produisent une grande quantité de récipients en céramique pour l'entreposage et la cuisson des aliments.

Figure 3 - Maison longue traditionnelle

À l'arrivée de Samuel de Champlain (né entre 1567 et 1574 - mort à Québec le 25 décembre 1635) en 1608 au Québec, les Iroquoiens du Saint-Laurent avaient possiblement disparu et leur rapide disparition est probablement due aux maladies véhiculées par les premiers colons européens et la dispersion régulières du survivant.

À la même période, une deuxième population se manifeste au Québec : les Meadowoodiens. Les sépultures saupoudrées d'ocre rouge constituent la principale caractéristique de cette culture. C'est aussi à cette époque que l'arc et la flèche arrivent et remplacent le propulseur.

Par ailleurs, l'arrivée de la poterie conduit à la formation de deux peuples : les Micmacs (qui signifie « Mes frères » ou « Mes amis » ; ils s’installent progressivement dans la péninsule de la Gaspésie pour ensuite conquérir la Nouvelle-Écosse, l’Île-du-Prince-Édouard, une partie du Nouveau-Brunswick et l'île de Terre-Neuve) et des Malécites du Québec. 

Figure 4 - Les principales tribus, établies aux quatre coins de la province, sont les Iroquois au sud, les Micmacs en Gaspésie, les Algonquins dans l’est, et les Thélus, ancêtres des Inuits, dans les régions polaires du nord

Il semblerait que les Vikings soient les premiers européens à atteindre les côtes atlantiques du continent américain. En effet, on sait que des Vikings (dont le nom vient du terme vik qui signifie baie) s’installent en Amérique vers l'an 1000 car on retrouve des traces de leur présence jusqu'en 1340, principalement à Terre-Neuve. Vers 780, ils envahissent les îles Féroé et imposent leur domination dans les Hébrides, les Shetlands et plusieurs autres territoires du nord du continent européen. Par ailleurs, plusieurs textes islandais, dont la saga des Groenlandais et celle d'Erik le Rouge, racontent la découverte par des Vikings de terres situées au-delà du Groenland. Vers 986, un navigateur groenlandais Bjarni Herjolfsson, dérouté par une tempête, aperçoit des terres et des forêts inconnues. Une vingtaine d'années plus tard, Leif, fils d'Erik le Rouge, entreprend une expédition pour vérifier le récit de Bjarni. Après plusieurs jours de navigation, il découvre de nouveaux territoires : un pays de montagnes et de glaciers qu'il nomme Helluland (« pays des pierres plates »), puis une côte dominée par un arrière-pays forestier, qu'il appelle Markland (« pays des arbres »), enfin, une terre agréable où les explorateurs pêchent des saumons et cueillent des grappes de raisins, le Vinland (« pays de la vigne »). À partir du xixe siècle, des érudits avancent l'hypothèse que ces navigateurs ont en fait suivi les rivages de l'Amérique, faisant des Vikings les premiers explorateurs du Nouveau Continent, environ cinq cents ans avant Christophe Colomb. Cependant, les sagas étant généralement considérées comme des sources littéraires peu fiables (comme nombre de contradictions entre la saga des Groenlandais et celle d'Erik le Rouge le montrent), des chercheurs tentent de trouver la preuve matérielle qui confirmera cette hypothèse. Cela semble chose faite lorsqu’un un couple d'archéologues norvégiens, Helge et Anne Stine Ingstad, révèlent les vestiges d'habitations vikings sur l'île de Terre-Neuve au début des années 1960. Le site de l'Anse aux Meadows, se compose de huit édifices distribués en trois complexes dans lesquels sont notamment dégagés un atelier de menuiserie, une forge, un four et un fourneau. La datation des objets artisanaux recueillis colle avec la date de l'expédition de Leif. L'Anse aux Meadows devient donc célèbre dans le monde entier et s'affirme comme la preuve qui manquait aux scientifiques.

Aussi, contrairement à la théorie selon laquelle les Vikings seraient les premiers européens de l’ouest à découvrir le nouveau continent, ce serait en fait des moines fuyant ces mêmes Vikings, qui seraient les premiers visages pâles à se rendre au pays des indiens. En effet, le viking Thornfinnr (ami ou membre de la famille d’Erik le Rouge) rapporte en 1015 des témoignages d’Esquimaux qui lui aurait parlé d’hommes vêtus de blanc qui faisaient des processions en portant des perches auxquelles étaient attachés des morceaux d’étoffe et qui chantaient très fort. Ces hommes en soutanes blanches habitaient dans le Vinland (Terre-Neuve) et dans les îles et sur les côtes du golfe du Saint-Laurent. En fait, selon la légende, il s’agirait de moines chrétiens irlandais qui, en désaccord avec l’imposition de la liturgie latine en remplacement des rites basés sur les traditions celtes, quittent leurs monastères en 725 après J.-C., pour former des communautés dans diverses îles de l’Atlantique, notamment au sud de l’Islande et dans les îles de l’archipel Féroé. Mais ces archipels étant déjà occupés par les Vikings, ils décident d’aller voir ailleurs et, suite à un long périple à travers les eaux turbulentes du Nord, ils dérivent jusqu’à un nouveau continent qui deviendra beaucoup plus tard l’Amérique. Quoi qu’il en soit, à leur arrivée, les Vikings ne trouvent aucun signe des moines. Il est fort probable que les traces des moines irlandais aient disparu tout naturellement car, ne l’oublions pas, il s’agissait de communautés de moines, donc d’hommes sans femmes. Y a-t-il quelque chose de vrai dans cette légende ? Comment ces communautés de moines auraient-elles pu survivre pendant près de 3 siècles sans se reproduire ? Et que sont devenues ces communautés ? C’est un point que personne n’a encore pu éclaircir. Contrairement aux Vikings, dont la présence en Amérique du Nord est confirmée par les archéologues et les historiens, le fait d’établissements de moines dans le golfe du Saint-Laurent demeure donc un mystère.

Au début du XVIème siècle, alors que les Français entreprennent l'exploration de l'Amérique, il y a environ 30 000 Amérindiens sur le territoire de ce qui deviendra la province de Québec.


L'État pétrolier du Québec
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La Colonisation du Canada français (1598 – 1689) 1/2
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Québec, les explorations françaises (1524 – 1597)
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